Ce livre de plus de 220 pages (12 euros) est publié aux Editions du croquant. Pour les lecteurs de Respublica, nous suggérons de le lire en même temps que le dernier livre publié d’Albert Mathiez intitulé Révolution russe et Révolution française, recensé récemment.
L’ouvrage de Roger Martelli est intéressant car il livre une analyse historique de la période soviétique cohérente et donc intéressante pour débattre. Historien, il met à la portée de tous, une introduction à une compréhension du réel. Par contre, on se pose une question sur le titre choisi du livre dans la mesure où le livre ne répond pas à la question du titre …sauf à répondre par de nouvelles interrogations.
D’abord sur le plan de l’histoire, Roger Martelli ne tombe pas dans la caricature de ceux qui estiment que le stalinisme n’a rien à voir avec le communisme comme d’autres qui disent que les intégrismes religieux n’ont rien à voir avec les vraies religions. En historien, il a noté les poids des circonstances : guerre civile, retard dans le développement économique russe, isolement de l’URSS, etc. ce qui est important.
Dans les deux premiers chapitres, les meilleurs pour comprendre la pensée de l’auteur, on mesure les enchaînements des événements à partir de la manifestation des femmes du 23 février jusqu’à la prise de pouvoir de Staline jusqu’à la période totalitaire de la fin des années 30 en passant par octobre 17. L’étude du réel y est bien rendue dans un nombre de pages réduit ce qui en fait un bon livre pour mener ensuite les débats sur le centenaire d’Octobre 17. Il montre bien que le déclenchement révolutionnaire à partir du 23 février est un bloc jusqu’à la prise du pouvoir en octobre 17, que ce sont les masses qui ont engagé cette séquence et non les bolcheviks comme dans les caricatures. C’est à partir de l’arrivée de Lénine en Russie début avril que le débat profond se développe au sein du parti bolchevik. Ce livre montre bien la dialectique du mouvement d’en haut et du mouvement d’en bas dans cette séquence. L’analogie des bolcheviks et des Montagnards de la Révolution française est reprise de l’idée d’Albert Mathiez. Il est montré l’important travail du soviet de Petrograd présidé par Trotski à partir du 9 septembre notamment de son comité militaire. Le livre montre bien les désaccords à la tête du parti bolchevique qui ne suit la ligne de Lénine qu’à partir du 10 octobre ! On peut regretter peut-être un oubli à savoir celui de montrer l’importance des suites de la réforme agraire de 1861 qui d’une main supprime le servage et de l’autre main oblige les paysans à acheter les terres nécessaires à des prix prohibitifs. L’intelligence politique de Lénine qui décrète la loi sur la terre le 25 octobre au soir est déterminante à ce moment-là. Il montre aussi les désaccords entre Lénine et Trotski quand ce dernier demande en 1920 le durcissement du contrôle de l’Etat et la militarisation du travail et des syndicats. Dans son troisième chapitre, où il se pose la question de savoir si le soviétisme est un totalitarisme, il développe une thèse que les ouvertures conduite par Staline entre 1934 et 1938 puis entre 1941 et 1947 auraient pu être une nouvelle chance alternative que le même Staline n’a pas continué. Il manque à ce chapitre la caractérisation de ce qu’est l’URSS : est-ce un capitalisme d’Etat, un Etat socialiste dégénéré ou autre chose ? Car l’économique est malgré tout déterminant en dernière instance.
Quand à la suite du livre, il développe beaucoup de choses justes (les 7 divergences au sein de la gauche radicale peuvent être un bon point de départ d’un débat plus fouillé par exemple) mais la pensée de l’auteur ne semble plus prendre sa source dans la crise du capitalisme, dans la crise du capital et du profit depuis la crise de 1929. Et dans la période récente, la même chose depuis la fin des années 60, début des années 70 et avec le pendant de la crise de 1929 en 2007-2008, toutes choses étant inégales par ailleurs. Probablement, les résultats et les analyses des élections présidentielle et législatives 2017 en France vont bouleverser toute la fin de ce livre.
En dernier lieu, un glossaire et quelques bibliographies permettent d’entrer dans cette séquence historique même si, au départ, on ne la connaissait pas.
Comme toujours, lire des livres est toujours enrichissant, je vous propose donc de lire ce livre, d’en lire d’autres aux fins d’avoir tous ensemble le bon bagage pour mener le débat contradictoire nécessaire lors du centenaire d’Octobre 17. D’autres recensions de livres suivront sur ce thème.