Très intéressant article de Nadia Djabali publié le 18 novembre dans Bastamag, qui décrit bien les conséquences de l’application dans le champ social de la logique de réforme des politiques publiques promue par l’OCDE depuis plus de 30 ans : quasi privatisation des services publics par la mise en place de « quasi-marchés » (c’est le terme de l’OCDE). Il se base largement sur l’ouvrage que Didier Minot vient de publier, Des associations citoyennes pour demain (Ed. Charles Léopold Mayer, sept. 2013, 20 euros).
Il ne faut pas non plus être naïfs, les assos c’est pas le pays des Bisounours ; même dans les petites, il y a des luttes de pouvoir, des gaspillages, des accumulations de fonds, etc., et c’était le prix à payer pour que le bon existe. Quand la crise tarit la source de fonds et qu’il faut faire des choix, on voit ce que décrit l’article : la logique économique demande une évaluation de l’efficacité, donc promeut la technocratie-bureaucratie, qui exige des procédures quantitatives et aboutit finalement à des financements très peu efficaces.
Il faut donc résister à l’austérité, bien sûr, mais en même temps expliquer que cette résistance se situe dans le combat contre la crise du capitalisme et ses conséquences, ici la technocratisation du travail social.
Quelques extraits de l’article
On ne compte plus les associations dont les comptes virent au rouge, plombés par les mesures d’austérité. Décidées au niveau national, ces coupes dégringolent en cascade jusqu’aux finances locales. Au bout de la chaîne, des associations mettent la clé sous la porte ou se séparent de leurs permanents. « Entre 2010 et 2012, le secteur associatif a perdu 11 000 emplois alors qu’il représente aujourd’hui un emploi sur dix du secteur privé », confirme Valérie Fourneyron, ministre des Sports, de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative.
Ce n’est que le début.[…] Les petites associations étant majoritairement concernées, il n’y aura pas de plan social massif mais une multitude de licenciements épars, dans un secteur qui emploie 1,8 million de salariés à temps plein ou partiel, en plus des 16 millions de bénévoles actifs.
Avant, les dirigeants venaient du métier ou de l’association elle-même. Aujourd’hui, une partie des structures sont administrées par des gestionnaires professionnels. Elles sont munies de services très performants qui épluchent les appels d’offre publics. Leur taille leur permet de réaliser des économies d’échelle dans un contexte où la commande publique se contente souvent du moins-disant. Résultat, les petites associations locales ne font plus le poids et mettent la clé sous la porte. « Je connais une fédération de la Ligue de l’enseignement en région parisienne qui fait du marketing auprès de toutes les communes pour gagner des parts de marché sur les autres organisations d’éducation populaire. Ils ont maintenant un quasi monopole sur toute la vie scolaire », illustre Didier Minot.
L’État préfère les grosses structures associatives. En 2011, il a consacré 1,2 milliard d’euros aux associations, par des subventions directes. Deux tiers de ces aides sont allées à seulement 342 structures (sur les 21 119 subventions répertoriées). Et 3,5 % des associations subventionnées reçoivent les trois quarts de l’appui public. « De très grosses associations sont très fortement financées et une poussière de petites associations reçoivent une poussière de petites aides, qui sont néanmoins vitales pour elles », commente un observateur. D’autre part, 42 % de ces financements sont destinées à des organisations para-publiques […]. Un comble : les structures associatives les plus subventionnées en France se trouvent… au ministère des Finances ! À quelques étages sous le bureau du ministre de l’Economie Pierre Moscovici ! La cantine de Bercy est une association. Le comité des œuvres sociales du ministère est une association. Et le total des aides qui leur sont versées atteint 67 millions d’euros !