La semaine qui commence ce lundi 16 mai s’annonce importante pour le Moyen Orient. Lundi, Netanyahou doit s’exprimer devant la Knesset. Jeudi, ce sera au tour du président Obama de présenter ses propositions pour relancer un processus de paix au point mort depuis des mois. Enfin Netanyahou prononcera le 24 mai à Washington, devant les deux chambres américaines réunies, un discours annoncé déjà comme historique, après s’être exprimé la veille devant l’AIPAC, le lobby juif américain majoritaire (1)A la différence de JStreet, l’autre lobby juif créé il y a 3 ans, qui prône une politique opposée à celle du gouvernement actuel israélien et appelle l’administration américaine à intervenir d’une façon plus active pour mettre fin au conflit. qui traditionnellement soutient sa politique. Que peut-on attendre de toute cette agitation ?
Depuis son fameux discours de Bar Ilan en juin 2009, où pour la première fois Netanyahou avait accepté le principe de la solution à deux états, il a évoqué, à plusieurs reprises, les concessions difficiles qu’il serait prêt à faire dans le cadre d’un accord de paix. Mais jusqu’à présent il n’a jamais dévoilé en quoi elles consistaient. Le fera-t-il cette fois-ci ?
Ces dernières semaines, il était, dit-on à Jérusalem, de plus en plus sous pression. D’une part les Européens, lassés par ses promesses non tenues, laissaient entendre qu’ils pourraient reconnaître l’Etat palestinien si l’Assemblée de l’ONU était appelée à voter sur cette question en septembre prochain ; les pays donateurs pour la Palestine, comme les institutions internationales tels le FMI ou la banque mondiale, ayant déjà donné leur satisfecit à l’Autorité palestinienne, reconnaissant que suite au travail effectué par le gouvernement de Salam Fayyad depuis deux ans, il y avait plus d’état en Cisjordanie que dans beaucoup d’états siégeant aujourd’hui à l’ONU.
D’autre part de plus en plus de voix en Israël, au sein de l’élite intellectuelle ou parmi les anciens officiers de haut rang et certains ex responsables de la sécurité intérieure, se manifestaient pour demander au gouvernement de prendre une initiative politique, à la hauteur des bouleversements en cours dans le monde arabe, et de rompre avec cette position de statu quo, à laquelle il s’accroche par peur de voir éclater sa coalition gouvernementale, entrainant un isolement grandissant d’Israël sur la scène internationale.
Jusqu’à présent, Netanyahou au contraire puisait dans ce printemps arabe, qu’Israël n’avait pas plus que le reste du monde vu venir, une nouvelle raison pour ne pas bouger. Certes on peut comprendre les craintes légitimes que beaucoup d’Israéliens ressentent du fait de ces révolutions qui constituent un véritable bouleversement géostratégique régional et dont il est impossible de dire aujourd’hui ce qu’il en sortira. Les deux pays arabes les plus importants, avec lesquels Israël partage des frontières, sont en pleine révolution après des décennies d’un régime militaire et autocrate qui, du point de vue israélien, avait le mérite de le protéger du risque islamique. S’il est encore tôt pour présumer de ce qu’il adviendra du régime baasiste en Syrie, il est certain qu’en Egypte les frères musulmans, exclus du pouvoir sous le régime de Moubarak, seront présents au parlement après les prochaines élections. Une des premières conséquences de ce bouleversement est la réconciliation inter palestinienne, qui correspond aussi, ne l’oublions pas, à une profonde attente de la population palestinienne : Le Hamas constatant l’affaiblissement de son allié syrien trouvant dans la nouvelle Egypte un soutien qui peut s’exprimer librement maintenant. Cet accord a été pour Netanyahou et son ministre des affaires étrangères une véritable bouée de sauvetage, leur permettant d’annoncer qu’une telle décision mettait fin au processus de paix, compte tenu de la position du Hamas de ne pas reconnaître les accords passés entre Israël et l’Autorité palestinienne. Suite à cette réconciliation, Israël s’est d’ailleurs empressé de bloquer les taxes qu’il collecte pour le compte de l’Autorité palestinienne, soit 105 millions de dollars représentant les 2/3 de son budget, obligeant les Européens à mettre la main à la poche pour permettre à l’Autorité palestinienne de payer ses fonctionnaires.
Mais d’autres voix se font entendre en Israël, même au sein du ministère des Affaires étrangères, qui voient dans cet accord une opportunité et une occasion de mettre le Hamas au pied du mur, lui donnant à choisir ou non la négociation. Netanyahou les entendra-t-il ?
Israël est entré depuis quelques jours dans la soixante-quatrième année de son existence. La sagesse populaire situe à la quarantaine l’âge auquel une personne est censée atteindre l’âge de raison, c’est-à-dire l’âge auquel on prend conscience de la nécessité de renoncer à des chimères et de s’atteler à consolider les acquis de sa vie. Est-ce que 63 ans est un âge suffisant pour qu’un Etat adopte une politique raisonnable et privilégie ses vrais intérêts et fasse le pari de la paix, malgré les risques environnants. C’est tout le sens de l’appel à la raison, JCall, qu’avec d’autres citoyens européens, juifs, j’ai lancé il y a exactement un an au parlement européen à Bruxelles. Dans un livre, « JCall, les raisons d’un appel », publié en mars dernier aux Editions Liana Levi [6]certains des signataires de cet appel expliquent les motivations de leur engagement. Par la complémentarité de leurs articles, ils témoignent qu’au-delà de leur diversité, un même sentiment d’urgence nous rassemble : faire entendre la raison avant qu’il ne soit trop tard !
David Chemla
Notes de bas de page
↑1 | A la différence de JStreet, l’autre lobby juif créé il y a 3 ans, qui prône une politique opposée à celle du gouvernement actuel israélien et appelle l’administration américaine à intervenir d’une façon plus active pour mettre fin au conflit. |
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