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« Utopies réalistes » par Rutger Bregman

Cet ouvrage d’un historien et journaliste hollandais, paru en 2017 (2018 dans la collection Points), fait le point sur des thèmes tels que la réduction du temps de travail, le revenu universel et plus largement la lutte contre la pauvreté et les inégalités .

A contre-courant du pessimisme ambiant, Bregman met en lumière de nouvelles propositions utopiques en s’appuyant sur les travaux d’Esther Duflo, Thomas Piketty, David Graeber, etc.

Après avoir rappelé que « pendant à peu près 99 % de l’histoire du monde, 99 % de l’humanité a été pauvre et affamée, sale, craintive, bête, laide et malade », il insiste sur la nécessité de la pensée utopiste en rappelant qu’elle a été le fondement de ce que nous appelons aujourd’hui civilisation, grâce à des « rêveurs » comme Bartolomé de Las Casas qui défendait, au XVIe siècle, l’égalité entre les colons et les habitants indigènes de l’Amérique latine, Owen qui, au XIXe siècle, fut un champion de l’émancipation des ouvriers britanniques, Stuart Mill, le philosophe qui croyait en l’égalité des femmes et des hommes ….

Pour Bregman, il faut donner de l’argent à chacun car nous sommes aujourd’hui plus riches que jamais et il faut accorder à chacun la sécurité d’un revenu de base qu’il faut voir comme un dividende du progrès, « rendu possible par le sang, la sueur et les larmes des générations passées ». Les richesses de nos institutions, de notre savoir et du capital social amassé pour nous par nos ancêtres nous appartiennent tous. Bregman revient sur les expériences tentées tant à Londres en 2009 que déjà en 1973 à Dauphin, petite ville du Canada près de Winnipeg et même aux USA sous la présidence Nixon en 1968 sur la base des études réalisées par des économistes comme Galbraith, Watts, Tobin, Samuelson et Lampman qui avaient interpellé le Congrès à ce sujet et prouvé la faisabilité de ce projet . Eldar Shafir, psychologue à l’Université de Princeton fait remarquer qu’en plus de mesurer notre PIB, il serait temps de prendre en considération notre largeur de bande mentale intérieure brute : plus la largeur de bande est importante, meilleures sont l’éducation des enfants, la santé, la productivité des employés, etc . L’inégalité est responsable de tous les maux de notre société, que l’on parle de dépression, burn-out, usage de drogues, échecs scolaires, obésités, enfances malheureuses ou faible taux de participation aux élections et méfiance sociale et politique.
Cet ouvrage regorge d’anecdotes et d’histoires réelles qui toutes, tendent à démontre que tout progrès de civilisation fut d’abord considéré comme un fantasme de doux rêveurs. La Finlande, le Canada, la Suisse, les Pays-bas lancent des études sur le sujet ou appliquent le revenu de base . Or, depuis le crash financier mondial de 2008 (en attendant le prochain qu’on nous annonce comme imminent), nous avons tous besoin d’une nouvelle raison d’espèrer, d’une utopie. Bregman termine en disant au lecteur : « Rappelez-vous : ceux qui appelaient à l’abolition de l’esclavage, du droit de vote des femmes et au mariage pour tous, eux aussi étaient traités de fous ? Jusqu’à ce que l’histoire leur donne raison. »

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