Mme Geneviève Seyse (professeur retraitée de SES, Attac centre Essonne) nous indique qu’il lui « semble que dans l’analyse marxiste un des éléments facteurs des classes sociales, c’était la conscience de classe ? Il n’y a pas de conscience de classe chez les classes moyennes (intérêts divergents ), donc pour Marx les classes moyennes n’existaient PAS (dans le passage sur les classes moyennes, Marx utilise l’image du sac de pommes de terre). »
Nous sommes tout à fait d’accord avec la remarque de cette lectrice, une classe ne vaut pleinement qu’avec la dimension de la conscience, au delà de la détermination objective par les rapports sociaux de production, voilà pourquoi il s’agissait dans cet édito d’ouvrir un débat : à Respublica, le monde tel qu’il est ne nous convient pas, et nous nous sommes assigné la tâche d’une éducation populaire (EP) qui cherche à comprendre le monde pour le transformer, ce qui inclut d’œuvrer au nécessaire éveil de la conscience de classe de ceux qui sont susceptibles de vouloir changer ce monde. La question est alors : à qui s’adresser ? aux prolétaires, sans aucun doute, mais que faire de cette masse de salariés et autres couches sociales, qui ne sont ni des prolétaires (ils ont plus que leur seule force de travail à vendre pour vivre), ni des « bourgeois » (les propriétaires du capital, qui vivent du seul profit, industriel, commercial ou financier) ? Il s’agit de trier, dans le « sac de patates » évoqué, celles qui sont pourries et celles que l’on peut cultiver : ainsi, par exemple, quid de l’armée hétérogène de fonctionnaires, quid des ingénieurs, techniciens et cadres sur lesquels mise encore le PCF ? quid de ces salariés à bonus, qui font partie des 1 % les plus riches en termes de revenu, mais qui ne sont pas pour autant les bourgeois modernes ? Certainement pas tous dans le même sac. Nous avons voulu réagir à ces analyses que nous croyons fausses et selon lesquelles, implicitement, tout salarié est un révolutionnaire en puissance pour peu que par une action idéologique efficace, on parvienne à lui ouvrir les yeux. Au contraire, il faut d’abord se demander qui est objectivement susceptible d’acquérir une conscience de classe critique, c’est-à-dire, qui a un « être social » qui peut l’amener à la conscience de cet « être social », sachant que ladite conscience en fait partie – et c’est là tout le problème du matérialisme historique, qui est dialectique. Notre idée d’en juger par référence au rapport au patrimoine est une proposition de début de réponse à cette question.
Marx avait théorisé le dépérissement des classes moyennes (au sens de la petite bourgeoisie) en fonction de la massification du prolétariat en face du capital et il comptait que leur propension « naturelle » à se rallier à l’une ou l’autre des classes fondamentales, les ferait tomber du côté de la révolutionnaire. Mais il n’avait pas prévu le développement de la fonction publique (administration, services publics, protection sociale, etc.) et d’autres couches dites intermédiaires. Ces classes moyennes ont une réalité sociologique indiscutable, mais elles ne sauraient aujourd’hui pas plus qu’hier se forger une conscience de classe (même si les intellos petits-bourgeois misent leur avenir là-dessus). Cependant, la crise du capitalisme commence à mettre en crise la société de consommation elle-même, ce qui devrait libérer les consciences, au moins celles des prolétaires consommateurs, mais largement au-delà, et au moment où chacun devra se prononcer, espérons que l’EP aura permis que cela se fasse dans le bon sens.