A propos du Sénat et du droit à chosir de mourir

Nous publions ci-après une réaction à l’article : Morale chrétienne contre liberté individuelle : le gouvernement choisi son camp et s’oppose au droit de mourir dans la dignité.
La rédaction.


Personnellement j’ai toujours été conscient du caractère très difficile humainement voire douloureux moralement du choix d’un avortement au moment où s’annonce le processus d’humanisation d ‘un être nouveau, soit qu’il n’ait pas été voulu par les géniteurs, surpris ou imprudents, soit qu’il soit atteint de graves malformations, soit même qu’il mette en danger la vie même de la mère..J’étais en outre soucieux d’un risque de développement des avortements comme méthode de contraception. C’est une des raisons pour lesquelles je ne comprends absolument pas les positions de Rome concernant l’interdit jeté sur la contraception.
Mais – à cette époque conflictuelle, j’ai défendu, la loi Veil , avec mes amis chrétiens, y compris publiquement dans une réunion organisée à Nancy par des chrétiens dans ce but. (Réunion qui a été très suivie et chahutée en partie par quelques membres de l’extrême droite)

Il y avait deux type de problématiques en cause.

La première concernait la nature de la mise au monde d ‘un enfant, qui ne saurait se limiter à l’aspect biologique de la conception mais impliquait un minimum d’accueil psychologique et social et de prise en charge de l’humanisation progressive de l’enfant.

La seconde concernait la vie démocratique. la Loi Veil n’est pas une loi qui impose une conduite mais la permet, la dépénalise.
Il fallait bien admettre qu’en matière éthique la diversité des convictions devait être prise en compte par la Loi qui ne saurait être dans une société multiculturelle l’apanage d’une seule conviction s’imposant par le droit assisté de la force aux autres convictions.

Dans le cas de l’ « euthanasie » librement choisie il y a aussi un débat de cette nature concernant l’usage de la liberté face à sa propre mort et le refus de se soumettre à une fatalité biologique.Je ne sous estime pas les difficultés réelles des conditions dans lesquelles une telle décision de mourir peut être prise.
Il y a aussi la proposition (malheureusement présentée par certains comme contradictoire au choix libre de mourir) du développement des institutions hospitalières publiques de soins palliatifs. Il me semble qu’il faut allier ces propositions et non les opposer.

La démarche religieuse consistant à considérer la « fatalité biologique » née d’une conception ou de la dégradation finale de notre corps comme une volonté absolue de Dieu, son intervention expresse et intouchable, qui écarte toute possibilité pour l’homme de prendre en charge sa vie, sa reproduction, sa mort, et d’y prendre toutes ses responsabilités, n’est pas nécessairement une vision chrétienne de l’existence. NI YHVH ni le Dieu de Jésus ne se nomment Fatum -Destin irrévocable. « La révélation, le dévoilement (aléthéia en grec) vous rend libres » affirme Jésus par exemple. Ceux qui croient que Dieu donne la vie peuvent aussi comprendre que cette vie est donnée sans réticence à des êtres libres et responsables de leur existence.Telle est la conviction de nombreux chrétiens.

Il y a un deuxième aspect qui m’interroge.Est il scandaleux que des citoyens se réunissent pour donner leur avis sur tel ou tel projet législatif? L’accusation de lobbyisme est considérée souvent comme injurieuse. Il y a en effet des pratiques de corruption y compris financières ou des pactes antidémocratiques que l’on peut ainsi qualifier. Mais la volonté d’attirer l’attention d u législateur sur tel ou tel aspect de la législation prévue n’est pas en soi antidémocratique. Bien au contraire.
Ainsi le même Sénat est aujourd’hui « assiégé » par plusieurs dizaines d ‘associations chrétiennes- mais aussi je pense par des associations d’autres convictions- pour attirer l’attention de cette Assemblée sur la façon dont la loi Besson sur l’accueil des étrangers porte atteinte aux droits de l’homme.Serait ce la volonté de défendre les convictions d’une catégorie de citoyens seulement? Pourtant en ce domaine aussi les points de vue divergent fortement.

Il est certain qu’il y a de la part du Vatican et de certains des rouages culturels ou politiques qu’il encourage des pressions morales pour que ce qu’ils appellent « les racines chrétiennes » de l’Europe l’emportent sur toute autre point de vue dans l’organisation d ‘une législation européenne. Mais la démocratie consiste à le dire,à en analyser les tenants et les aboutissants de ces positions, en disant qui fait quoi, AInsi faut il montrer que tous les chrétiens ne sont pas complices de ces tentatives et répondre de façon argumentée à toutes les questions qui soulèvent des débats fondamentaux en les étudiant de façon raisonnable et humaniste, seule susceptible d e convaincre ceux qui ne s’enferment pas dans des visions sectaires. Et les femmes et hommes libres et raisonnables sont nombreux-y compris parmi les chrétiens.

L’essentiel c’est que nul ne soit contraint d’adopter une éthique dogmatiquement imposée – quelle qu’elle soit.

Il n’empêche qu’il faut bien que des lois fondamentales fondées sur les droits de l’homme instituent l’ordre du contrat social sans lequel la liberté individuelle devient anarchie et violence.

Réponse d’Évariste :
3 points :

  • L’activisme structuré de certains courants catho a une ampleur qui dépasse leur représentativité, et vise à influencer la loi pour qu’elle reste en adéquation avec leurs croyances, nous sommes donc bien fondés à parler de lobbying.
  • La comparaison n’est pas raisonnable car il ne s’agit pas d’imposer une législation liberticide à une catégorie sociale mais de donner le droit d’exercer une liberté. Et cette liberté n’est pas un caprice susceptible d’empiéter sur la liberté des autres ou de remettre en cause la cohésion sociale, mais le droit d’exercer la très difficile décision de mourir dans la dignité.
  • Oui il faut légiférer sur les libertés individuelles et en l’occurrence, il s’agit d’encadrer une pratique largement répandue, de la sortir de la clandestinité et du secret, portes ouvertes à des dérives.