Depuis quelques jours, des rumeurs circulent dans la presse israélienne sur les intentions qu’auraient certains dirigeants palestiniens de déclarer unilatéralement la création de l’État de Palestine. Certains journalistes vont même jusqu’à évoquer un accord secret passé avec l’Administration Obama qui encouragerait positivement une telle initiative. Il est difficile de faire la part de la vérité et de l’intox dans ces articles, mais il est sûr que cette question se pose aujourd’hui au sein de l’Autorité palestinienne qui chercherait, en laissant filtrer cette information, à exercer des pressions sur les Etats-Unis pour obliger le gouvernement de Netanyahou à geler la colonisation. La déclaration d’Abbas de ne pas se représenter aux élections palestiniennes de janvier doit aussi être comprise dans ce contexte. Mais ces ballons d’essai doivent aussi nous alerter sur l’urgence à trouver une solution au conflit. Aucun dirigeant palestinien ne pourra promettre indéfiniment à son peuple un Etat sans perdre tout crédit. Si les Israéliens ne décident pas de négocier rapidement et sérieusement avec Abbas, ils risquent de se trouver, dans le cas où les Palestiniens prendraient une telle initiative, confrontés à une situation où ils seraient soumis à une forte pression internationale car il est certain que la majorité des Etats représentés aujourd’hui à l’ONU reconnaîtrait rapidement le nouvel Etat. C’est pour réfréner les dirigeants palestiniens favorables à une telle initiative que Netanyahou menace, dans le cas où une telle déclaration devait être faite, d’annexer unilatéralement les blocs de colonies en Cisjordanie.
La Paix Maintenant
Abbas doit déclarer unilatéralement l’Etat de Palestine
Ha’aretz, 14 novembre 2009
Traduction : Gérard Euzenberg pour La Paix Maintenant
C’est maintenant, précisément, que le président palestinien Mahmoud Abbas ne doit pas abandonner l’espoir, et cela n’a rien à voir avec les douceurs insignifiantes prononcées par Shimon Peres samedi soir dernier lors de la manifestation à la mémoire de Rabin à propos de certains qui donnent de l’espoir du côté de Ramallah. Comme si, à la présidence (chez Peres, président, ndt), c’était tous les jours carnaval, et pas seulement quand il fait ses valises pour le Brésil.
Abbas a eu raison de décider d’annoncer sa démission prochaine. Car il est impossible de mener une négociation « sans conditions préalables », alors que la colonisation se poursuit. Depuis 42 ans, Israël pose partout des conditions préalables et des faits accomplis en tuiles rouges (« tuiles rouges des toits des maisons » devenues le symbole des colonies ndt), faisant du processus de paix rien d’autre qu’un processus sans fin.
Mais, avant qu’Abou Mazen (Mahmoud Abbas ndt) ne parte, il lui reste quelque chose à faire : déclarer unilatéralement, la création d’une Palestine indépendante. La Palestine, maintenant.
Les deux côtés sont en droit d’agir unilatéralement. Abbas le doit à son peuple, à lui-même et à nous. Cette semaine, des informations ont filtré selon lesquelles le premier ministre Benjamin Netanyahou trouve cette perspective effrayante, et qu’il attend des Américains qu’ils calment les esprits. Mais le cauchemar de Netanyahou constitue notre seule chance d’en finir avec l’occupation, nous vivants.
Lorsqu’il déclarera l’indépendance, Abbas doit appeler les Juifs qui vivent dans l’Etat de Palestine [les colons, donc, ndt] à préserver la paix et à faire leur part du travail pour construire le nouveau pays, en tant que citoyens aux droits pleins et entiers, jouissant d’une représentation dans toutes ses institutions. David Ben Gourion n’aurait pas été choqué par ce plagiat, tiré de la Déclaration d’Indépendance d’Israël.
Ainsi, Mahmoud Abbas deviendra le Ben Gourion palestinien. Les circonstances n’étaient pas moins incertaines quand Ben Gourion a déclaré l’indépendance en 1948. Mais notre père fondateur a pris le risque, et nous avons de la chance qu’il l’ait fait.
Le risque que prendrait Abbas serait bien moindre. Sur les 192 Etats membres des Nations unies, plus de 150 reconnaîtraient une Palestine libre, et la Palestine deviendrait bientôt le 193e. Bien que nous ignorions la position des Etats-Unis, il est difficile de croire que Barack Obama accepterait de se laisser entraîner de nouveau dans l’isolation, maintenant que l’Amérique refait partie du monde.
Et que ferait Netanyahou ? Envahir et reconquérir la Cisjordanie ? Restaurer le gouvernement militaire à la Muqata de Ramallah ?
Et quels ordres Ehoud Barak donnerait-il à l’armée ? La Serbie n’a pas osé envahir le Kosovo après que celui-ci a déclaré son indépendance, et même la grande Russie ne s’est pas permis de demeurer dans le territoire géorgien souverain après la guerre russo-géorgienne.
Tout de suite après la déclaration d’indépendance, des fêtes commenceraient dans la capitale, Jérusalem-Est, et des gens du monde entier s’y joindraient, y compris des Israéliens. Les masses de la Maison Ismaël feraient la fête joyeusement dans les quartiers de la ville, en particulier dans les quartiers dont ils ont été évincés par des gens aux prétentions religieuses. Cela devra être des manifestations de joie sans violence, et aucune pierre ne devra voler.
Cette semaine, j’ai appelé Abbas au téléphone. Cela faisait plus de quatre ans que nous ne nous étions pas parlé. Je lui ai fait part de tout ce que je suis en train d’écrire aujourd’hui. Je lui ai encore dit autre chose : ce qui s’est produit au Mur de Berlin il y a 20 ans, et à l’apartheid quelques mois plus tard, arriverait aussi à l’occupation. Elle s’effondrera, même s’il y aura encore des tentatives de la renforcer à l’aide de clous.
Yossi Sarid