Tout au long du mois de mars, de nombreuses manifestations sont organisées pour célébrer le 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Ce 3 mars 2011, s’est tenue au Palais du Luxembourg, une conférence de presse de Shoukria HAIDAR, Présidente de NEGAR, association en soutien aux femmes Afghanes, sur le thème « Un an après la Conférence Internationale de Londres sur l’Afghanistan, où en sont les droits des femmes afghanes dans le contexte de mise en œuvre du « processus de réconciliation » avec les taliban ?
Comment ne pas être interpellée par la similitude de ces politiques de «réconciliation nationale» qui hypothèquent l’évolution des droits des femmes ?
Au mois de janvier 2010, plus de 200 associations de la société civile se sont mobilisées à Kaboul pour s’opposer au plan de paix que Karzaï allait soutenir le 28 du même mois auprès des 70 pays réunis à la Conférence de Londres.
Ce plan de paix prévoyait la réintégration des taliban dits « modérés » dans la vie politique du pays. C’est pourquoi, les mesures suivantes ont été prises :
- inscrire les Taliban dans des plans de formation,
- leur attribuer des terres
- leur accorder une aide financière
- les blanchir des crimes commis en invalidant notamment la liste noire de l’ONU des criminels de guerre
- tenir une Loya Jirga pour vider la Constitution de 2004 de son contenu moderniste en tordant le cou à l’une de ses dispositions juridiques la plus avancée : l’égalité femmes/hommes.
Cette conférence sponsorisée par les Etats-Unis et l’Europe et ardemment souhaitée par Hamid Karzai, le président afghan en exercice, tirait un trait définitif sur les crimes commis par les Taliban. Elle les invitait à négocier avec eux les conditions du retour à la paix. En un mot, en un tournemain, les Taliban ont été blanchis, mieux encore réhabilités puis hissés au statut de partenaire crédible et d’interlocuteur incontournable dans le processus de normalisation de la vie politique en Afghanistan.
Avant la conférence de Londres, les Talibans étaient considérés à juste titre comme des terroristes, depuis, le regard sur ces monstres est angélique et la sémantique a changé. Aujourd’hui dans le discours diplomatique, après leur réhabilitation, ce ne sont plus que de pacifiques « taliban modérés », voire des « mécontents » (« disafected ») comme les présentent les médias anglo-saxons. Depuis les événements de Tunisie et d’Egypte, la manipulation est encore plus grossière : ce sont des « insurgés » qui vont à l’assaut des …dictatures en place !
Le plan occidental assorti de la promesse d’un budget d’un milliard de dollars, qui n’a jamais été débloqué, a pourtant complètement bouleversé la donne en Afghanistan. Il a permis en premier lieu aux Taliban de se refaire une nouvelle virginité politique après tous les carnages dont ils ont été responsables, de revenir la tête haute au milieu du peuple après l’onction internationale et surtout de se redéployer politiquement en toute légalité dans le pays. C’est pourquoi, ils sont en train d’engranger inévitablement de nouvelles forces d’autant plus que le Pakistan est leur sanctuaire de repli.
La dépénalisation du terrorisme et l’aide matérielle octroyée aux Talibans ont un effet pervers sur l’avenir politique de l’Afghanistan et la société elle-même. Le terrorisme à ce jour n’a pas baissé et demeure très actif dans le territoire afghan. Au plan politique, de telles mesures ont renforcé le courant anti-démocratique en rehaussant l’image de marque des Taliban et fait reculer l’issue démocratique à la crise afghane. D’autre part, elles ont conforté des comportements parasitaires qui gangrènent depuis longtemps la société entière. Dans un pays où le chômage est endémique et la misère ravageuse, pouvait-il en être autrement ? Beaucoup d’Afghans, alléchés par une manne financière inattendue, se sont fait passer pour…des Talibans (!!) dans le seul but de tirer profit des avantages financiers que procure une telle étiquette.
Au lieu d’inscrire le pays dans des projets de développement véritables, une telle démarche a consolidé encore plus dans l’économie afghane la position de la culture du pavot (90% de la production mondiale de la drogue !!) dont les Talibans tirent des bénéfices colossaux. L’appât du gain facile a ouvert la voie à des comportements opportunistes de tout poil et déclenché chez la population des réactions en chaîne qui n’en finissent pas puisque les autorités sont confrontées à une demande incessante d’aide.
La politique occidentale n’a visiblement rien réglé aux plans politique, socio-économique et militaire. Les occidentaux ont intérêt à comprendre que le temps des dictatures est révolu et qu’il est plus qu’urgent de tenir compte de l’aspiration des peuples à la démocratie et à la laïcité en disqualifiant une fois pour toute le courant islamiste pour qu’un jour émerge dans ce pays une République démocratique où seront reconnus les droits de femmes et où règnera une paix durable.
Pour l’Association Nationale Pour la Promotion de la Laïcité en Algérie