Zarathoustra, tout le monde en a au moins entendu parler. On sait que c’est le titre d’une œuvre majeure de Nietzsche qui annonce la mort de Dieu, condition préalable à l’enseignement du dépassement de soi conduisant au Surhomme. Cependant peu savent que Zarathoustra est un véritable « prophète », fondateur du zoroastrisme. Il serait né dans le nord ou l’est de l’actuel Iran ou peut-être en Bactriane, actuel Afghanistan, plus de 1 000 ans av. J.-C. Le zoroastrisme est une réforme du mazdéisme qui doit son nom à son dieu principal, Ahura Mazda.
Cette réforme, qui est intervenue au cours du Ier millénaire av. J.-C. , est devenue la religion officielle des Perses sous la dynastie des Sassanides (224-651), jusqu’à ce que l’islam arrive. Elle a fortement imprégné le chiisme musulman et toute la société iranienne au point d’être encore très présente culturellement mais aussi par la présence d’une communauté résistante.
Les zoroastriens hier comme aujourd’hui respectent le feu comme symbole divin. Zoroastre prêchait un dualisme reposant sur le combat entre le Bien et le Mal, la Lumière et les Ténèbres. Le zoroastrisme est donc l’une des premières religions monothéistes.
La philosophie existentielle de Zarathoustra, proclamée plus de 1 700 ans av. JC., est la première révolution humaniste et libératrice de l’Histoire, autant pour les femmes que pour les hommes, car comme l’a écrit le grand spécialiste français de Zarathoustra Paul du Breuil « les femmes perses jouissaient d’une liberté unique dans l’Antiquité grâce à la reforme de Zarathoustra avant qui la femme arya était une véritable esclave, comme pour Aristote chez qui la femme relève d’un statut proche de l’esclavage ».
C’est dans cette atmosphère zoroastrienne, que furent abandonnés tous les dogmes et tous les cléricalismes. La première déclaration des droits de l’homme fut rédigée au 6e siècle av. JC, sous Cyrus, le premier roi des Perses.
Selon cette charte, découverte au 19e siècle en Mésopotamie, gravée sur un prisme d’argile et conservée aujourd’hui au British Museum, les peuples de l’empire jouissaient d’une liberté totale de croyance, de langue et de coutumes : « J’ai accordé à tous les hommes la liberté d’adorer leurs propres dieux et ordonné que personne n’ait le droit de les maltraiter pour cela. J’ai ordonné qu’aucune maison ou propriété ne soit détruite. J’ai garanti la paix, la tranquillité à tous les hommes. J’ai reconnu le droit de chacun à vivre en paix dans le pays de son choix… » .
C’est aussi durant cette période que le temple de Jérusalem, détruit au 7e siècle av. JC. par le Babylonien Nabuchodonosor, fut rebâti par les juifs déportés en Babylonie qui grâce à Cyrus purent regagner leur pays. Cyrus entra ainsi dans la Bible.
C’est dans cette religion à la philosophie des plus moderne que nous plonge de manière très originale Nicolas Wild. Originale parce qu’il s’agit d’une bande-dessinée, en noir et blanc, d’un dessin très doux.
Originale aussi parce que l’auteur se met en scène, il est le héros contemplateur de l’histoire. Sa bédé c’est du vécu. Il dessine, se dessine comme un (vrai) journaliste de la presse écrite aurait décrit un périple sans prendre parti, simplement en décrivant ce qu’il vit. Le rythme de l’histoire est intéressant. Le lecteur a l’impression d’être dans la peau de l’auteur-héros. Dès les premières planches sur Paris où il converse avec des réfugiés afghans, en passant par l’Iran des Mollahs où il nous fait découvrir la communauté zoroastrienne, jusqu’à une Suisse à s’interroger sur le meurtre d’un dénommé Cyrus Yazdani, figure emblématique de la culture zoroastrienne. Humaniste au franc-parler, passionné par l’histoire de sa religion et de sa communauté, Cyrus s’était attiré les foudres de la République islamique à plusieurs reprises, se voyant régulièrement pris à partie ou menacé de mort.
Son assassinat intervient dans une vague de meurtres ayant touché les leaders zoroastriens à travers le monde (entre 2005 et 2008) mais qui ressemblent plus à des affaires de mœurs qu’à des assassinats politiques…
Sans perdre son indéfectible sens de l’humour, Nicolas Wild décortique les « non-dits » d’un procès instruit comme une banale affaire de mœurs… et nous propose sa propre version des faits. S’inspirant de la vie de Kasra Vadarafi, il a préféré créer le personnage de Cyrus Yazdani afin de pouvoir jouer sans complexe avec la vérité…
La qualité de l’ouvrage lui a valu d’obtenir le 20e prix France Info de la Bande dessinée d’actualité ainsi que d‘avoir été sélectionné au festival de la Bande dessinée d’Angoulême.
Indéniablement la lecture de cet ouvrage vous donnera envie d’en savoir plus sur le zoroastrisme et sur l’histoire de Cyrus le Grand qui plus de 1 000 ans avant Jésus-Christ inventa une forme de laïcité.
Dessinateur : Nicolas Wild Scénario : Nicolas Wild Éditeur : La boîte à bulles Collection : Contre-coeur Date de parution : 01 Mars 2013 ISBN-13 : 978-2849531075 Illustration : Noir et blanc |