Le système ordolibéral (variante européenne du néolibéralisme) est en crise profonde. Chaque rustine mise en place (voir les dernières mesures telles l’accord sur les dépassements d’honoraires ou la politique du « choc de compétitivité ») renforce la crise elle-même en précipitant notre pays vers la récession et l’austérité sans fin. Seule l’oligarchie voit ses intérêts défendus par ces politiques anti-sociales et austéritaires. Si la priorité de l’éducation populaire et de l’armement intellectuel du peuple devient un impératif catégorique, c’est qu’aujourd’hui un trop grand nombre de nos concitoyens admettent sans sourciller les dogmes du néolibéralisme en général ou de l’ordolibéralisme en Europe, et que la transformation sociale et politique s’en trouve bloquée.
Hier, l’oligarchie a justifié la contre-réforme-régressive des retraites par la fausse évidence du « Mon bon monsieur, ma bonne dame, il y aura de plus en plus en plus de retraités et de moins en moins d’actifs, donc la contre-réforme est nécessaire et c’est pour votre bien ! » Avec cette pensée magique de bas étage, la division par 10 du nombre de paysans et le doublement du nombre des bouches à nourrir depuis le début des années 60 aurait dû nous conduire vers 2010 à la famine…
Aujourd’hui, l’oligarchie justifie sa politique régressive par la fausse évidence du « Mon bon monsieur, ma bonne dame, si nous ne baissons pas le coût du travail, nous allons vers la catastrophe ! » Avec cette pensée magique de bas étage, nous allons – dans l’allégresse ou la fatalité au choix – vers l’accroissement sans fin du chômage, des inégalités sociales de toute nature, de la pauvreté, de la misère,de l’affaissement en gamme de la production industrielle française, pour aboutir à la guerre sociale dans chaque pays.
La principale mesure annoncée par le Premier ministre consiste en un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) calculé sur la base de l’activité des entreprises sur l’année 2013. Les 20 milliards seront réduits à 10 milliards en 2014 (au titre de l’année 2013) puis à 5 milliards chaque année suivante.
Pour compenser cela, le gouvernement Hollande-Ayrault qui a fustigé l’augmentation de la TVA par Sarkozy fait de même (même cas de parjure que pour le traité budgétaire). Plus de 2 milliards sont prévus avec le passage du taux de TVA de 19,6 à 20 % en 2014, plus de 4 milliards par le taux intermédiaire qui passera de 7 à 10 %. Quant à l’abaissement du taux de 5,5 % à 5 %, cela sera un gain d’aubaine que nous expliquons ci-dessous. Il reste donc 4 milliards d’euros à trouver avec des taxes à découvrir, plus les 10 milliards de baisse des dépenses publiques (personne ne demande où ces dépenses sont prévues ?).
Comme nous sommes dans une société du spectacle, le gouvernement annonce urbi et orbi 300.000 emplois créés en début 2017 grâce au CICE. Cette promesse n’engage que ceux qui y croient ! Pourquoi ?
L’ex-patron Louis Gallois et le Medef saluent l’artiste gouvernemental. Ils ont raison. Seuls les intérêts de l’oligarchie ont été défendus dans cette initiative.
Après l’enfumage, en avant vers les effets d’aubaine
Comme pour les 30 milliards par an des exonérations Fillon de cotisations sociales, ce sont les effets d’aubaine qui seront au rendez-vous. Pour les exonérations Fillon, il a été dépensé 30 milliards par an pour maintenir un peu plus de 60.000 emplois. Il en sera de même avec la politique Hollande-Ayrault et son choc de compétitivité.
Il faut savoir que l’administration fiscale contrôle de moins en moins les déclarations fiscales des entreprises (conséquence de la baisse des dépenses publiques et de la diminution forte du nombre de contrôleurs !) comme elle contrôle de moins en moins les remboursements de la TVA sur les exportations et pour le crédit d’impôt-recherche. Quant à la baisse de 5,5 % à 5 %, elle ne bénéficiera pas plus aux citoyens que la baisse Sarkozy sur la restauration. Tout simplement à cause du contrôle impossible dû à l’effondrement du nombre de contrôleurs des impôts. Tous les patrons le savent très bien. Il faudrait donc que les citoyens le comprennent aussi !
Mais par ailleurs, rappelons-nous que toute cette politique était déjà présente dans la Stratégie de Lisbonne signée en mars 2000, main dans la main par Jacques Chirac et Lionel Jospin qui nous promettait que l’Union européenne allait devenir « l‘économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010 » On a vu ce que valait cette promesse !
Face à ce tohu-bohu médiatique, l’intérêt du salariat est de voir s’engager une campagne d’éducation populaire sur la réalité de l’industrie française
Chaque fois que des organisateurs du mouvement social ont demandé au Réseau Éducation Populaire (REP) d’intervenir sur ce sujet, il a été montré que la compétitivité de l’industrie française a été mise à mal par le patronat lui-même et les gouvernements précédents : le niveau indigne de la recherche -développement (inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE) a placé la France non dans le haut de gamme industriel à haute valeur ajoutée (ce qui devrait être le moteur du développement économique pour la France) mais dans la gamme moyenne avec comme concurrents les pays émergents avec des rapports salariaux insupportables en libre-échange, surtout avec la politique de réévaluation de l’euro voulue par l’Allemagne.
Tous les gouvernements précédents ont laissé les grands groupes industriels maltraiter les PME sous-traitantes et l’accès au crédit bancaire devenir plus difficile pour les PME. Aucun gouvernement n’a fait voter une loi contre les licenciements boursiers ni pour faciliter l’accès au crédit bancaire.
Prenons comme exemple le groupe Sanofi (1ère entreprise pharmaceutique européenne et 3ème mondiale). Fort de ses 8,8 milliards de bénéfices, il a décidé de distribuer 4,5 milliards à ses actionnaires et de supprimer plus de 2 000 emplois. Le groupe pharmaceutique a détrôné Total comme première capitalisation boursière française le 8 novembre à la clôture de la Bourse de Paris.
Toutes les firmes multinationales françaises utilisent les prix de transfert pour délocaliser les bénéfices dans un pays à fiscalité avantageuse ou dans un paradis fiscal.
Organisons des réunions publiques pour montrer que la volonté du Medef de faire croire que la baisse des cotisations sociales est la seule solution sert de paravent à la croissance des dividendes, pour montrer que ceux-ci ont crû de plus de 60 % depuis le début du siècle et forment un voile pudique sur la déformation du partage de la valeur ajoutée en faveur du profit et en défaveur des salaires et des cotisations sociales (soit 9,3 points de PIB depuis 3 ans, soit en euros d’aujourd’hui plus de 180 milliards d’euros par an).
C’est toute la politique économique et sociale qu’il faut changer . toute diminution des cotisations sociales, ou tout crédit d’impôt sans contrepartie ni contrôle, c’est du profit supplémentaire pour le patronat, qu’il utilisera uniquement pour ses actionnaires.
L’histoire a montré depuis la politique d’austérité de Laval en 1935 que toutes les politiques d’austérité se transforment en politiques de récession appelant à chaque fois un tour de vis supplémentaire. Nous avons au contraire besoin d’une autre politique face à la crise économique, à la crise financière, à la crise de la dette publique et face à la politique de désindustrialisation massive des gouvernements précédents que ce gouvernement ne fait que poursuivre. Il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour craindre avec cette politique du moins-disant salarial, qui ne s’attaque pas aux causes de la désindustrialisation française, que le déficit extérieur de la France continue à rester très fort.
Il ne nous reste que la piste de l’armement intellectuel des citoyens et acteurs sociaux et politiques du pays.