Paradoxalement, la succession des attentats a fourni des réactions habituelles et prévisibles de la part du gouvernement solférinien, de la droite néolibérale et du FN. Le gouvernement solférinien a été capable en quelques heures de prendre le contre-pied d’une partie de sa ligne stratégique erronée antérieure au 13 novembre (nouvelle alliance avec la Russie après les pitreries françaises en Libye, en Ukraine et en Syrie, début de prise de conscience de la guerre nécessaire au total-terrorisme islamiste, etc.). Mais elle continue à intégrer cette prise de conscience à l’intérieur du mouvement réformateur néolibéral qui va l’empêcher de lutter contre toutes les causes multiples de cette crise globale. On ne le dira jamais assez, nous vivons, au sein de notre formation sociale capitaliste, plusieurs crises siamoises complémentaires dans la crise globale : la crise du profit capitaliste, la crise des impérialismes et la crise du mode d’organisation culturelle, sociale et politique.
La droite néolibérale est sur la même position que le gouvernement solférinien, mais fait de la surenchère. Du classique cousu main. Quant au FN, il bétonne sur son credo anti-républicain, contre l’immigration et contre les musulmans. Tout cela est huilé. Mais le plus triste est que c’est la gauche de la gauche qui est le plus à la peine. Incroyable. Tout simplement parce qu’elle est prise à contre-pied sur son compromis avec les adeptes du gauchissement du communautarisme anglo-saxon (contre le principe de la laïcité comme principe d’organisation sociale) qui sont en son sein. On ne peut pas impunément participer aux initiatives ultra-communautaristes et réactionnaires des Indigènes de la République, en meeting le 6 mars dernier à Saint-Denis ou en manifestation le 31 octobre à Paris, et être capable de faire face sérieusement après les attentats du 13 novembre.
Tout simplement parce qu’aucun rassemblement populaire ne peut avoir lieu en France sur un projet communautariste de type anglo-saxon, fût-il gauchi par les gauchistes. Parce que nous sommes en France et que la France avance avec la République contre la dictature et l’extrême droite depuis la Révolution française jusqu’à nos jours en passant par la révolution de 1848, la Commune, la fondation de la IIIe République, le Front populaire, la Résistance et le programme du Conseil national de la Résistance, sur la base de la laïcité comme principe d’organisation sociale et politique. Quand elle recule comme elle le fait depuis plus de 30 ans sous l’impulsion du mouvement réformateur néolibéral, c’est alors qu’elle emprunte au communautarisme anglo-saxon avec l’aide sans doute involontaire (c’est ce qui est grave !) de la dérive de la laïcité d’imposture ou adjectivée promue par la gauche et l’extrême gauche communautaristes. En cela, elle est le pendant d’une autre dérive, cette fois-ci fréquente à droite et à l’extrême droite, à savoir l’ultra-laïcisme anti-laïque qui mène une campagne raciste contre une seule religion l’islam.
Précisons une fois de plus que nous sommes contre tous les racismes et donc contre le racisme anti-arabe et anti-musulman, mais nous nous réservons le droit de critiquer les aspects réactionnaires et régressifs de toutes les religions sans exception. La république protège les croyants mais pas les religions. Elle donne à tous la liberté de conscience et donc la liberté de culte aux croyants mais elle ne doit accepter aucun intégrisme d’où qu’il vienne. C’est d’ailleurs inscrit dans la loi de séparation des églises et de l’État aux articles 34, 35 et 36 :
Article 34 – Tout ministre d’un culte qui, dans les lieux où s’exerce ce culte, aura publiquement par des discours prononcés, des lectures faites, des écrits distribués ou des affiches apposées, outragé ou diffamé un citoyen chargé d’un service public, sera puni d’une amende de 3 750 euros. et d’un emprisonnement d’un an, ou de l’une de ces deux peines seulement.
La vérité du fait diffamatoire, mais seulement s’il est relatif aux fonctions, pourra être établi devant le tribunal correctionnel dans les formes prévues par l’article 52 de la loi du 29 juillet 1881. Les prescriptions édictées par l’article 65 de la même loi s’appliquent aux délits du présent article et de l’article qui suit.
Article 35 – Si un discours prononcé ou un écrit affiché ou distribué publiquement dans les lieux où s’exerce le culte, contient une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique, ou s’il tend à soulever ou à armer une partie des citoyens contre les autres, le ministre du culte qui s’en sera rendu coupable sera puni d’un emprisonnement de trois mois à deux ans, sans préjudice des peines de la complicité, dans le cas où la provocation aurait été suivie d’une sédition, révolte ou guerre civile.
Article 36 – Dans le cas de condamnation par les tribunaux de police ou de police correctionnelle en application des articles 25 et 26, 34 et 35, l’association constituée pour l’exercice du culte dans l’immeuble où l’infraction a été commise sera civilement responsable.
Il faut vraiment que le gouvernement solférinien aime le communautarisme anglo-saxon pour ne pas appliquer jusqu’ici ces articles…
Revenons à notre propos initial. Nous ne faisons pas l’amalgame entre la grande majorité des musulmans d’une part et les islamistes et djihadistes de l’autre. La République doit protection contre tous les racismes en général et contre le racisme anti-musulman et arabe en particulier. Mais nous disons aussi que le djihadisme est contenu dans l’islamisme. C’est l’intérêt de classe commun qui fonde l’alliance des capitalistes des pays financiarisés du Nord et des féodaux des pays à rente du Sud (dont certains aident les total-terroristes islamistes), et pour dénoncer efficacement les deux matrices de l’alliance néolibérale, il faut faire une analyse globale et complexe et ne pas se satisfaire de propos simplistes, pour lesquels le pompon revient au communiqué national du NPA suite aux attentats du 13 novembre (1)« Leurs guerres, nos morts : la barbarie impérialiste engendre celle du terrorisme », communiqué du NPA, 14 novembre 2015. Le simplisme du NPA consiste à dire : tout est la faute de l’impérialisme, de François Hollande et du racisme anti-musulman. À aucun moment, le total-terrorisme islamiste n’est désigné comme un ennemi à combattre. On se croirait pendant la Deuxième guerre mondiale quant certains trotskistes ne faisaient pas de résistance contre l’armée allemande car « derrière un soldat nazi se cache un travailleur allemand » ! Sur ce dossier, la plus grande confusion règne dans la majorité des altermondialistes, car s’y regroupent toutes les pensées contradictoires. Mais pour la plupart d’entre eux, l’abomination reste le modèle politique de la République sociale qu’il confondent souvent allégrement avec les régimes constitués. La Ve République n’est pas plus républicaine que les démocraties populaires n’étaient démocratiques. Mais il n’y a pas d’espace réflexif suffisant chez les altermondialistes pour qu’ils entendent ce discours.
François Hollande appelle à une dangereuse révision de la Constitution
La nouvelle loi sur l’état d’urgence présente des avantages et des inconvénients. Il est vrai que la loi du 3 avril 1955 est par certains côtés obsolète car la situation et les menaces ne sont plus les mêmes. Les avancées de cette loi concernent :
- une amélioration du contrôle du juge administratif qui pourra intervenir en référé. Nous aurions préféré que les perquisitions et les saisies soient soumises à une autorisation préalable du juge administratif, mais c’est déjà un mieux ;
- l’exclusion de tout contrôle de la presse et des associations.
Par contre, la loi du 20 novembre fonde les décisions de la résidence surveillée sur les comportements et non plus sur les actes, ce qui est effectivement critiquable. Car là, on voit bien que le fait de ne plus fonder les décisions sur les actes peut demain se retourner contre une simple contestation dans le cas où la direction politique serait conquise par l’extrême droite. Rappelons-nous le précédent des années 30 où des mesures liberticides avaient été prises par la majorité du Front populaire et largement appliquées par le sinistre Pétain. Chat échaudé craint l’eau froide !
Cependant, ces dispositions restent transitoires.
Mais là où il falloir être attentif, c’est au moment de la révision de la Constitution. Très attentif, car mettre dans une Constitution des dérogations définitives aux droits fondamentaux, cela peut être très dangereux pour la liberté du citoyen. Nous jugerons sur pièces.
Croire, par exemple, que les total-terroristes islamistes vont avoir peur d’une déchéance de la nationalité relève du fantasme. Lutter contre les total-terroristes islamistes par des mesures policières et militaires, oui, mais attenter aux libertés en constitutionnalisant ce qui ne dissuadera pas les total-terroristes islamistes paraît étonnant. La critique de Badinter à Sarkozy sur ce point vaut aussi pour Hollande. Les total-terroristes islamistes de nationalité française doivent être incarcérés et jugés. Point barre. Soyons vigilants quand nous aurons le texte du gouvernement.
Combattre l’intégrisme et le communautarisme d’où qu’ils viennent
Suite aux massacres du 13 novembre, l’intégrisme catholique a déployé sur tous ses sites des propos qui en disent long sur sa détermination contre l’émancipation. Choisissons-en un : le prêtre lyonnais Hervé Benoît qui a provoqué un tollé en publiant une tribune mettant sur un pied d’égalité les terroristes et leurs victimes, ces « morts-vivants » qui aiment « le diable, la mort et la violence ». L’archevêque s’est précipité pour se désolidariser de ces propos mais le prêtre reste à ses cotés. Le cléricalisme a ses raisons que la raison ne connaît pas.
Atef Rhouma, leader de Convergence citoyenne ivryenne (CCI), proche de la nébuleuse des Indigènes de la république, membre de la majorité de la municipalité d’Ivry, cinquième adjoint en charge de la petite enfance, a eu ces mots qui ne voient dans l’action de Daesh que de simples représailles, sans plus : « La réponse par la guerre à Daesh n’engendrera que plus de drames. Daech n’attaque pas nos valeurs, notre culture, il attaque la France parce que la France l’attaque et participe à la mort de centaines de milliers de civils. » (2)Voir http://94.citoyens.com/2015/au-conseil-municipal-divry-sur-seine-le-temps-de-parole-sur-les-attentats-de-paris-derape,20-11-2015.html. La CCI Ivry avait déjà eu des propos troubles le lendemain des massacres du 13 novembre :« Un peu de la terreur que les Syriens vivent chaque jours est sous nos fenêtres. On a du mal à le réaliser… Et pourtant ça ne pouvait qu’arriver au regard des politiques menées.https://www.facebook.com/convergenceCitoyenneIvryenne?fref=ts
On pourra aussi mesurer les conséquences de plusieurs décennies de politique communautariste dans la ville communiste de Saint-Denis avec l’article « Ma ville à l’heure islamiste » de Fewzi Benhabib, ancien communiste algérien, ayant fui son pays à cause de la poussée islamiste des années 90.
Notre tâche : clarifier le complexe et non faire des simplifications abusives
Nous sommes dans une phase où le capitalisme ne peut survivre qu’en intensifiant les politiques d’austérité, où les conflits entre impérialismes vont se développer, où les forces communautaristes et intégristes s’emploient à diviser les peuples. Nous, nous devons rassembler sur une position offensive. Cela ne peut se faire, si on est progressiste, que par une ligne anti-capitaliste, anti-impérialiste, anti-communautariste, anti-intégriste et bien sûr contre le total-terrorisme islamiste. Mais pour cela, il convient d’être clair sur notre projet et notre modèle politique. Pour nous, c’est la République sociale (3)Nos livres sont sur notre site http://www.gaucherepublicaine.org/librairie. Nous sommes prêts à en débattre partout en France et à l’étranger.
Notes de bas de page
↑1 | « Leurs guerres, nos morts : la barbarie impérialiste engendre celle du terrorisme », communiqué du NPA, 14 novembre 2015 |
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↑2 | Voir http://94.citoyens.com/2015/au-conseil-municipal-divry-sur-seine-le-temps-de-parole-sur-les-attentats-de-paris-derape,20-11-2015.html. La CCI Ivry avait déjà eu des propos troubles le lendemain des massacres du 13 novembre :« Un peu de la terreur que les Syriens vivent chaque jours est sous nos fenêtres. On a du mal à le réaliser… Et pourtant ça ne pouvait qu’arriver au regard des politiques menées.https://www.facebook.com/convergenceCitoyenneIvryenne?fref=ts |
↑3 | Nos livres sont sur notre site http://www.gaucherepublicaine.org/librairie |