La dernière trouvaille du mouvement réformateur néolibéral solférinien est incroyable. On savait déjà que chaque gouvernement depuis 1983 est pire que le précédent. Nous savons aujourd’hui que même avec le même gouvernement, chaque mesure va plus loin dans la destruction des “conquis” sociaux que la précédente.
Ainsi, le projet de modification du code du travail (pour plus de détails, lire l’analyse ci-dessous de Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail). Dès l’article 1, la messe est dite. On transforme la durée « légale » en durée « normale » en précisant que « des conventions et accords collectifs peuvent retenir une durée différente », c’est donc la fin de la durée légale. Suppression de plusieurs alinéas du Code du travail (deuxième alinéa de l’article L.3121-2, deuxième alinéa de l’article L.3121-3, modification de l’article L.3121-4) permettant de supprimer la rémunération des temps de pause et de restauration, les temps d’habillage et de déshabillage quand une tenue de travail est nécessaire, des modalités de contrepartie (repos ou rémunération) si le temps de déplacement professionnel est supérieur au temps habituel de déplacement entre le domicile et le lieu du travail.
L’accord collectif d’entreprise (là où le rapport des forces est le plus faible, comme par hasard !) ou d’établissement passe avant l’accord de branche (même s’il est plus défavorable) et les usages disparaissent de ces améliorations possibles.
Les onze heures de repos obligatoires par tranche de 24 heures pourront être fractionnées. Pour un licenciement illégal, l’indemnité prud’homale sera plafonnée à 15 mois de salaire. Elle est pas belle, l’histoire, pour le patronat ?
Un accord d’entreprise (là où le rapport des forces est le plus faible) pourra baisser les salaires, augmenter le temps de travail, et il pourra diviser par cinq les majorations des heures supplémentaires, dans des conditions beaucoup plus défavorables pour les salariés que dans les conventions collectives ou dans la loi. Les temps d’astreinte pourront être décomptés des temps de repos. Le dispositif des forfaits-jours, qui permet de ne pas décompter les heures de travail, est étendu. Les apprentis mineurs pourront travailler 10 heures par jour et 40 heures par semaine. Le plancher de 24 heures pour un contrat à temps partiel n’existera plus. Un référendum pourra imposer une mesure antisociale par chantage contre l’avis de 70 % des syndicats. Un entreprise pourra faire un « plan social » sans que l’entreprise n’ait de difficultés économiques. Après un accord d’entreprise, un salarié qui refuse un changement dans son contrat de travail pourra être licencié car l’accord d’entreprise aura dans la hiérarchie des normes une supériorité par rapport à un contrat individuel plus ancien. Un simple accord d’entreprise pourra faire passer de 10 heures à 12 heures le temps de travail journalier. Les congés pour décès d’un proche ne seront plus garantis. La durée maximale de la durée hebdomadaire de travail pourra passer de 48 heures à 60 heures sur simple accord d’entreprise ! Et bien sûr, dans l’affaire, des effets particulièrement nocifs vont atteindre les femmes.
Vous voulez une primaire avec le PS et défendre cela s’il gagne la primaire ?
Il faut en finir avec l’oligarchie capitaliste ! Bien sûr, ils ont reculé la date du passage en conseil des ministres mais c’est juste pour essayer de négocier avec la CFDT, la CFTC et la CGC pour garder l’essentiel pour eux et enlever certaines horreurs en en laissant d’autres ! L’heure est à la mobilisation.
Annexe : “Retrait du projet de loi El Khomri”
par Gérard Filoche (1er mars 2016)
” Tout est dans l’article 1 : ne serait-ce qu’à cause de ce seul article, tout le projet de loi El Khomri doit être retiré. C’est la remise en cause historique, théorique, juridique fondamentale d’un siècle entier de code du travail.
Pour le comprendre il faut savoir que le code du travail est né en 1910 après la catastrophe de Courrières de 1906 dans le Pas-de-Calais. Lors de cette tragédie, 1099 mineurs avaient perdu la vie au fond des puits. Le patron avait exigé que le travail reprenne en cessant la recherche des survivants, car sinon le charbon polonais allait arriver et il allait mettre la clef sous la porte. Une douzaine de jours plus tard, 13 puis 1 survivants étaient ré apparus. Le choc émotionnel avait été tel qu’on avait décidé de créer le Ministère du travail pour qu’il échappe aux exigences du Ministère de l’économie.
Le choix fondamental a été d’adapter le travail aux humains et non pas les humains au travail. Si nous avons exigé les 3 x 8 : 8 h de travail, 8 h de loisir, 8h de repos, ce n’est pas pour plaire aux patrons des entreprises, c’est pour plaire aux humains, pour qu’ils puissent vivre avec leur travail.
Aussi lorsque le Président Hollande annonce qu’il allait « adapter le droit au travail aux besoins des entreprises », c’est une contre-révolution conceptuelle. Elle n’a rien de « moderne » et rien à voir avec la « crise » : c’est le retour au 19° siècle, bien avant 1906, aux débuts du salariat post esclavage quand il n’y avait ni lois ni cotisations sociales.
Ça n’a rien à voir non plus avec l’emploi : François Hollande l’avoue le 21 février 2016 en précisant que cette loi « n’aura pas d’effets en termes d’emploi avant plusieurs mois. Mais il s’agit d’installer un nouveau modèle social ». Il ne pouvait mieux reconnaître que le chômage était un prétexte, et qu’il visait surtout à rompre avec le droit du travail existant.
Le projet dit El Khomri est donc une remise en cause idéologique ultra libérale de décennies de combat des syndicats et la gauche pour protéger les salariés. Même les patrons ont été surpris de ce projet de loi qui va plus loin que ce qu’a fait la droite.
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