La question est toujours la même : pourquoi une part importante des citoyens votent-ils contre leurs intérêts ? Parce qu’ils se leurrent avec les discours néo-modernistes en croyant les slogans publicitaires des néo-libéraux. Il suffit que Fillon dise : « je veux augmenter l’âge de départ à la retraite » pour que Macron sorte son slogan mystificateur : « je ne souhaite pas augmenter l’âge de départ à la retraite mais je souhaite moderniser le système des retraites pour parfaire le système par points ou mieux passer en comptes notionnels ». Et voilà les mystifiés en pâmoison devant la jeune pousse patronale. Le problème est que les deux chemins mènent à la même Rome de la baisse des niveaux de retraite pour la grande majorité des retraités et à la baisse de la part des retraites dans la valeur ajoutée (somme des richesses produites par les travailleurs chaque année).
Mais la plupart des responsables et des militants des partis dits de la gauche radicale et des syndicats du mouvement syndical revendicatif sont incapables de présenter un discours aux masses pour leur montrer cette supercherie. Pourquoi ? Parce que ces organisations ont abandonné la formation de masse et surtout l’éducation populaire refondée qui, seule, permet de construire patiemment une nouvelle hégémonie culturelle chez les militants et adhérents de ces organisations et donc aussi chez les travailleurs et les citoyens. Car quand un militant ou adhérent n’est pas capable de répondre aux amis, collègues, ou au grand public, le seul discours qui frappe les esprits est le discours mystificateur des néolibéraux (hier Sarkozy et Hollande, aujourd’hui Macron) ou le discours démagogique et nauséabond des extrêmes droites catholique ou Front national.
Tout d’abord, il faut comprendre que le mouvement réformateur néolibéral a aujourd’hui un projet indispensable à la survie du capitalisme qui est la diminution des salaires directs et socialisés pour les transformer en salaires précaires et en salaires différés à cotisations définies d’abord puis en fiscalisation totale de la protection sociale non privatisée, but du patronat. Ce projet indispensable à la survie du capitalisme, car le capital n’arrive plus à résoudre sa crise du profit : d’une part, il ne lui est plus possible d’engager une troisième guerre mondiale comme il le fit à la fin des années 30 ; d’autre part les innovations n’ont plus les effets d’entraînement en termes de gains de productivité que l’on a connus par le passé, car la tant célébrée « révolution numérique » ne concerne que les services (ubérisation, etc.), c’est-à-dire du travail improductif de plus-value. Tout cela, nous pouvons le montrer en réunion de formation pour ceux qui estiment encore nécessaire à se former.
Puis, il faut comprendre que le projet du mouvement réformateur néolibéral qui a un projet ouvertement anti-social ne peut pas y parvenir sans passer par le syndrome de la « grenouille chauffée ». Donc, il pratique un projet par étapes sur plusieurs décennies en disant à chaque étape que c’est pour le bien du peuple et pour sauver le système social « européen ». Alors que c’est pour la survie du capitalisme et donc de son oligarchie. Ainsi, les contre-réformes des retraites ont connu ces étapes : 1993, 1995 (où les néolibéraux ont échoué), 2003, 2008, 2010, 2013. Et Macron veut engager la suite !
Le Conseil d’orientation des retraites (COR) prévoit la diminution lente mais progressive du taux de remplacement des retraites. La mécanique est connue : le système par répartition « à prestations définies » est petit à petit transformé en système par répartition à « cotisations définies », ce qui a pour effet la baisse du salaire socialisé et donc des retraites. Puis vient, le « système par points » et enfin, le nec plus ultra pour le mouvement réformateur néolibéral, le système par comptes notionnels. Ce dernier système supprime toute négociation car il ajuste le montant de la retraite en fonction de la date de départ à la retraite et de l’espérance de vie de la classe d’âge considérée. C’est la « technique » qui fait alors baisser la retraite et non plus directement le patronat allié aux syndicats complaisants et au gouvernement néolibéral. Fini la solidarité par le système de retraites. A chaque nouvelle contre-réforme, il s’agit de baisser ou d’éliminer les prestations de solidarité pour arriver petit à petit à un système contributif personnel pur mais avec un volume des retraites en diminution relative constante par rapport au PIB. Bien évidemment, l’augmentation des inégalités de santé et d’espérance de vie entre classes sociales ne rentre pas en ligne de compte. Par exemple, à 35 ans, l’écart d’espérance de vie entre cadres et ouvriers est de 7 ans (un an de plus qu’il y a 25 ans !).
Tout est en place, même le journal Le Monde et le Cercle des économistes viennent de primer l’économiste Bozio, compère de Piketty. Pourquoi ? Parce qu’il est un thuriféraire de la retraite par comptes notionnels et de la position patronale de la fiscalisation de la protection sociale ! Dans cette société du spectacle, que la pièce de théâtre commence !
Accélération de la privatisation des secteurs « rentables » et de la socialisation des secteurs « non rentables »
Nous savons donc depuis longtemps à ReSPUBLICA que privatiser les profits et socialiser les pertes est le but constant du capital en général, quelle que soit la période, qu’il y ait croissance ou pas, selon le rapport de force. Et le but du néolibéralisme est de restaurer le profit en cassant les salaires, directs ou socialisés (services publics, école et protection sociale). Il s’agit donc pour Macron et donc le capital de reprendre ce qui a été socialisé, avec éventuellement la possibilité pour des capitalistes individuels de faire du profit au passage via la privatisation de certains services (école, santé, etc.)
Il s’agit bien ici de casser le modèle social issu du CNR, comme le réclamait Denis Kessler et comme les gouvernements l’ont essayé depuis Pompidou président et Debré premier ministre. Libéré des partis, le gouvernement actuel a les mains très libres, il va donc bien avancer vers ce que Sarkozy et Hollande ont encore échoué à atteindre.
Cassant l’unité de la Sécurité sociale, bien mal défendue par le mouvement social et politique, ce but est que les secteurs non rentables seront à terme fiscalisés et les secteurs rentables privatisés par l’oligarchie capitaliste
Mais le discours culturel de Macron et de Philippe est une musique bien huilée. Le transfert des cotisations sociales salariales santé (0,75 % du salaire brut) et chômage (2,4 % du salaire brut) vers la CSG (augmentation de 1,7 %) fera gagner les actifs (surtout les hauts salaires des couches moyennes supérieures ! Il n’y a que les très hauts salaires au-dessus de 33 450 euros par mois qui subiront une légère perte dans ce transfert ! On ne pleurera pas pour eux !) Par contre, toutes les retraites de plus de 1 200 euros (une retraite aisée pour Macron !) vont subir une perte sèche alors que la croissance folle des inégalités sociales de retraites accroît déjà le nombre de retraités dont la vie est de plus en plus difficile. À noter que ce sera un effet d’aubaine pour les patrons qui en profiteront pour moins augmenter les futurs salariés !
Mais il y a plus beau dans la manipulation. Comme les revenus du capital des personnes physiques sont impactés par la CSG, cette hausse sera prétendument compensée par l’introduction du prélèvement forfaitaire unique (PFU), alors qu’elle alourdira la fiscalité pour les petits revenus et l’allégera pour les plus élevés ! Elle est pas belle l’histoire construite et écrite par les vainqueurs !
Bien évidemment, cela se rajoutera à l’effet différé de l’accord régressif de novembre 2015 Agirc-Arrco qui organise la baisse des retraites du privé. Voir ci-dessous.
En fait, la gestion de la Sécurité sociale a subi plusieurs mutations. D’abord, la Sécurité sociale a été gérée de 1945 à 1967 par les représentants élus des assurés sociaux, les conseils d’administration comptant ainsi 75 % de travailleurs. Nous avons ensuite vécu ensuite un double mouvement d’étatisation et de privatisation de la Sécurité sociale. A partir de 1967, on a eu droit à une gestion paritaire plus défavorable aux travailleurs, car le patronat et l’État devenaient majoritaires dans les conseils car les syndicats complaisants votaient souvent avec le patronat. Puis, nous sommes passés à une étatisation de la Sécurité sociale par les « réformes de 1995, 2009, etc.). Macron souhaite terminer ce travail d’étatisation de la protection sociale et donc remplacer la gestion paritaire par une étatisation complète (il le propose déjà sur l’assurance-chômage afin de baisser les prestations) et aller vers le projet du Medef de fiscalisation totale des secteurs non rentables. Comme le Conseil constitutionnel estime que les prélèvements des cotisations ne peuvent avoir lieu vis-à-vis des populations qui ne bénéficient pas des prestations (exemple le financement de l’assurance-chômage par des retraités qui ne peuvent pas bénéficier de l’assurance-chômage, etc.), on voit bien que la suppression progressive des cotisations va entraîner un changement de système totalement étatisé et fiscalisé pour la partie non rentable pour le patronat. Et le démembrement progressif de la Sécurité sociale pour la partie rentable pour le patronat détruira définitivement la cohérence de la protection sociale voulue par le Conseil national de la résistance de la naissance à la mort. Tout cela va dans le sens de permettre des ajustements brutaux à la baisse en cas de crise paroxystique.
L’effet retard de l’accord scélérat de 2015 de la convention Agirc-Arrco
Les salariés du privé vont subir de nouveau une baisse très forte de leurs retraites à cause de l’accord scélérat du 30 octobre 2015 signé entre le patronat et les syndicats CFDT, CGC et CFTC avec la bénédiction de l’ancien gouvernement en général et de M. Macron en particulier. Que ce soit à cause de la sous-indexation des retraites Arrco et Agirc d’un point par rapport à l’inflation, de la baisse des rendements des cotisations complémentaires de 6,56 % à 6 %, du coefficient dit de « solidarité » qui va faire baisser pour trois ans de 10 % le montant de la retraite complémentaire pour les salariés et cadres nés à partir de 1957 et qui liquideront leur pension à taux plein à l’âge légal, soit 62 ans.
De plus, il veut rediriger 15 à 20 milliards d’euros des provisions des caisses de retraites vers des fonds de pensions pour les fournir aux chefs d’entreprise alors que nous savons le caractère hasardeux de ce type de manipulation des retraites des travailleurs.
Sur l’assurance-maladie, le président Macron est favorable à un Ondam (objectif national des dépenses de l’assurance maladie) de 2,3 % alors que les besoins demanderaient plus de 3 %. Des nouvelles diminutions de postes et des fermetures de services hospitaliers sont donc à prévoir.
Une solution : la lutte et l’éducation populaire refondée. Comment ? En créant partout des comités « La Sociale » suite à l’appel lancé par le réalisateur du film du même nom Gilles Perret. N’hésitez pas à nous communiquer alors les coordonnées de votre comité.
Pour ceux qui sont convaincus par cet article et qui veulent organisation une formation, il suffit de nous contacter ou de contacter le Réseau Education Populaire (REP) ! car il faut bien comprendre les enchaînements.