L’AG des Amis de ReSPUBLICA s’est réunie le 31 mai 2023 dans les locaux de l’Association Le Maltais Rouge. L’assemblée a désigné comme président de séance, Arnaud de Morgny et comme secrétaire de séance, Philippe Duffau.
Chaque participant s’est présenté. Nous pouvons retenir que la plupart militent dans des associations attachées à la laïcité, au combat social, à la défense et à la promotion des services publics, au développement de l’éducation populaire émancipatrice. Dans l’ensemble, chacun et chacune ont considéré que le journal ReSPUBLICA remplit son rôle pour lutter contre les « infox », pour la réalisation de la République sociale. Sont appréciées également la tonalité du journal et les analyses précises des articles publiés.
Après l’approbation à l’unanimité du rapport moral présenté par le président Philippe Schwartz, l’approbation à l’unanimité du rapport financier pour l’année 2022 et des comptes prévisionnels pour 2023 et le quitus accordé à la trésorière, Monique Vézinet ainsi que le renouvellement du Conseil d’administration(1)Rappel de l’article VII : « L’association est dirigée par un Conseil d’administration composé d’un maximum de 8 membres, 4 membres de droit (Bernard Teper, Monique Vézinet, Philippe Schwartz, Nicolas Gavrilenko) auxquels s’ajoute jusqu’à 4 administrateurs élus parmi les membres actifs pour un an. » Ont été élus ce 31 mai 2023 MX Tambay, Jean-Claude Boual, Arnaud de Morgny, Philippe Duffau. Il a été procédé, dans la foulée, à l’élection du bureau de l’association(2)Président : Philippe Schwartz ; trésorière : MX Tambay ; secrétaire : Philippe Duffau élu à l’unanimité., un large et fructueux débat s’est engagé avec de nombreux intervenants.
Le lectorat du journal
Un membre du comité de rédaction a mis en avant le fait que les donateurs et soutiens, les membres et correspondants du journal résident majoritairement en province. Cela explique le nombre d’excusés et la difficulté à réunir physiquement en un même endroit ces personnes. C’est une confirmation que nous perçons plus en France rurale et périurbaine que dans les grands centres-villes. Ces secteurs où nous sommes plutôt bien accueillis concernent les lieux où se trouve la classe ouvrière et populaire, loin des centres. Dans ces grands centres, la ligne stratégique de ReSPUBLICA rencontre quelques difficultés, car c’est là que percent les politiques identitaires marquées par le wokisme importé des États-Unis, wokisme souvent inconnu en dehors des villes et de certaines banlieues.
Un autre membre du comité de rédaction précise que ReSPUBLICA n’est pas « basiste » en ce sens que le journal est ouvert à toutes les tendances y compris à celles et ceux qui sont sans appartenance. Toutes les mouvances sont ainsi analysées et participent au mouvement social. Toutes les organisations sont traversées par une hyperbureaucartisation et les concepts petits-bourgeois véhiculés par le wokisme. Il évoque l’union des directions des organisations en prenant l’exemple de la NUPES dont l’objectif était d’éviter la catastrophe électorale. Dans ce cadre, LFI a réussi un coup tactique génial face au PCF et au PS. L’accord ne s’est pas fait sur un programme de gouvernement, mais sur des valeurs en deçà desquelles il ne fallait pas aller. Les divergences sont telles qu’il n’y aura pas d’union à l’occasion de l’élection du parlement européen. Cette union NUPES s’est faite sur un support bureaucratique qui a décliné en autoritarisme à l’intérieur des organisations membres. L’important est de parler à l’ensemble de la population sur la base d’un projet émancipateur et enthousiasmant.
La guerre en Ukraine
Notre ligne stratégique, qui a été fortement influencée par notre bataille contre les signes religieux à l’école, est percutée par l’actualité géopolitique et la position « campiste » d’une partie de la gauche. Cette position « campiste » consiste à s’inscrire dans le camp impérialiste de l’Occident et de l’OTAN contre l’autre impérialisme de la Russie et de la Chine. Notre position non alignée gêne.
La reconquête des classes populaires et la place de la jeunesse dans les organisations politiques
Notre volonté d’aller vers la République sociale ne peut aller contre les ouvriers, la jeunesse qui s’abstiennent. La gauche est en recul et ne recueille qu’entre 25 et 30 % des suffrages exprimés. Nous devons reprendre corps chez les ouvriers, les employés et les jeunes de moins de 35 ans. Il faut bien constater que les organisations sont dirigées par des « anciens », car les jeunes rechignent à s’engager dans des organisations politiques et syndicales. La gauche semble être passée à côté des grands mouvements récents depuis les « Gilets jaunes ». Si la gauche continue à fonctionner comme aujourd’hui, il ne pourra y avoir que des reculs sur la laïcité, l’écologie et le social.
La crise ne pourra que s’aggraver, car Macron et/ou ses successeurs éprouvent ou éprouveront toujours plus de difficultés à gérer le pays. La gauche qui a abandonné l’objectif de prise du pouvoir ne pourra que laisser la place à l’union des droites, extrême-droite comprise. Un tsunami au niveau de la recomposition des droites se profile.
Un autre intervenant ajoute qu’il n’est pas pessimiste concernant l’engagement de la jeunesse. Dans toute organisation, on croit que tout est bloqué. Pourtant, la marmite explose et dans nombre d’organisations politiques, la jeunesse perce. Il cite LFI et le rajeunissement de l’ensemble de la direction. Le rajeunissement est possible. Les jeunes veulent des actes immédiats et concrets et cela est propice à un retour des jeunes qui veulent s’engager dans les mouvements politiques. Il rappelle que deux femmes ont pris les rênes des deux syndicats les plus importants, la CGT et la CFDT. Il revient sur le recul de gauche qui est passée de 45 % à 25 ou 30 %. Il ne faut pas perdre de vue que le rassemblement sous Mitterrand s’est fait avec une partie de la droite et les libéraux. Aujourd’hui, la gauche divisée rassemble 35 % des voix et unit 25 à 30 %. La question de l’éclatement de la NUPES se pose. Pour lui, ce n’est pas certain. ReSPUBLICA s’inspire de l’éducation populaire qui peut contribuer à l’union. Rien ne se fait en matière d’unité sans l’union de la base et l’union au sommet. Pour que la gauche se requinque, il faut l’union à la base et au niveau des organisations.
Pour un autre intervenant, il faut s’ouvrir aux jeunes tout en admettant que ce soit difficile. La société numérique ne facilite pas la tâche, car elle vise à capter l’attention et les jeunes ne veulent plus lire des articles difficiles. Pourtant, le format des articles de ReSPUBLICA est celui qui convient pour avancer. Il ne faut pas se soumettre au principe de Patrick Le Lay pour qui le rôle des médias, amplifié par les GAFAM, est de libérer du temps de cerveau disponible pour consommer ce que proposent les publicités. Il cite Platon pour qui l’écrit est à la fois un poison et un remède. C’est le cas de Google. Il dénonce pour finir la prolétarisation de l’ensemble de la société avec l’ubérisation.
La lutte des classes
Le secrétaire de l’association déclare que pour lui, la lutte des classes, mère de toutes les luttes, doit intégrer trois dimensions. La 1re dimension concerne la lutte pour les intérêts physiques, moraux et matériels des travailleurs. Elle concerne l’activité syndicale en particulier et le mouvement social en général. La 2e dimension consiste à jeter les bases d’une nouvelle société au sens où l’entendait Jean Jaurès c’est-à-dire le dépassement du salariat à savoir une organisation fondée sur les travailleurs associés, les producteurs associés qui deviennent pleinement responsables des entreprises qu’elles soient de production ou de service. Cela relève des mouvements politiques dits de transformations. Ce sont là deux dimensions traditionnelles de la lutte des classes.
La 3e dimension invite à ce que la nouvelle société soit en harmonie avec la nature, avec la nécessité de préserver les grands équilibres écologiques locaux et planétaires. Il reprend une expression de Hubert Reeves pour qui l’humanité doit subir une sorte d’examen de passage. L’humanité est en capacité de s’autoéliminer avec l’arsenal nucléaire qui peut détruire la planète et la destruction massive de la biodiversité qui rendra la Terre inhabitable. Ainsi, soit elle continue sur le chemin ultralibéral qui fait du profit l’alpha et l’oméga de toutes activités humaines peu importent les conséquences dont la disparition de l’être humain soit elle invente une nouvelle société en harmonie avec la nature et l’humanité pourra vivre encore longtemps.
Il revient aussi sur la lutte des classes. Il considère deux difficultés actuelles : l’émiettement extrême du syndicalisme qui empêche la construction d’un rapport de force durable favorable aux travailleurs et l’émiettement également extrême des forces politiques dites de transformation dans lesquels à la lutte des classes se substitue la lutte des places et des égos.
Les questions écologiques et climatiques
Un autre membre du comité de rédaction invite à ne pas se scléroser et à fournir les efforts nécessaires sur le traitement des questions climatiques, écologiques et sur la lutte de classes. Avec le mouvement écologique, la transition écologique cela est patent ; Il est urgent de trouver un angle pour ne plus subir ce qui se passe avec le climat. Le rapport Pisani-Ferry présente une liste à la Prévert sans cohérence, sans articulations entre les propositions et sans transversalité. Ce rapport indique une baisse de 25 % du PIB. Les analyses dominantes relèvent du productivisme alors que tout le monde fait mine de se réclamer de l’écologie sans questionner le process de production. De nombreuses régions ne seront plus viables et entraînement une multiplication des conflits. Il interroge la question européenne et invite, même si des nuances existent entre nous, pour aller au-delà du national vers le niveau européen et international. Il regrette le défaut d’approche offensive sur l’Europe qui, pourtant, dicte les normes que nous devons respecter.
Un autre intervenant déclare dans le même sens que l’écologie doit être traitée en ce sens que la 1re cause du dérèglement climatique est le système capitaliste.
À propos de la lutte des classes et de l’écologie, une intervenante rapporte que les jeunes veulent de l’action. Les articles de ReSPUBLICA représentent pour eux de la théorie. Y a-t-il une paresse pour entrer dans la théorie ?
La crise du COVID
Une intervenante exprime un bémol à propos de l’analyse de la crise du COVID et de la position exprimée dans le journal. Il ne faudrait pas confondre les complotistes, les « platistes »… d’une part et les non-vaccinés qui ne sont pas opposés aux vaccins en général, mais au vaccin ARN. Elle reproche aux syndicats de n’avoir pas défendu les soignants, car non-vaccinés. Où est la fraternité ?
Le féminisme
Une intervenante déclare apprécier ReSPUBLICA notamment les articles sur le féminisme. Elle évoque les viols en temps de guerre qui n’existent que parce que le corps des femmes n’est pas respecté en période de paix. En Ukraine, les femmes sont écartées, car elles ne seraient pas capables de se battre ; la situation est identique dans d’autres conflits comme en Somalie, Érythrée, Éthiopie ou encore au Tigré. Elle rappelle que l’ONU a permis que les femmes soient associées à la table des négociations. Les féminicides sont fréquents partout dans le monde, en Asie, Afrique, Moyen-Orient et Europe. Elle réprouve le féminisme de Caroline de Haas et de Sandrine Rousseau qui en est une caricature. Il n’y a pas de luttes prioritaires et des luttes minoritaires.
Elle s’appuie sur le mouvement des retraites qui montre l’investissement conséquent des femmes contre les inégalités salariales et les inégalités des pensions. Elle établit une différence fondamentale entre un féminisme qui se fonde sur la lutte des races – wokisme, identités religieuses, question de genre, transidentitaire – et le féminisme universaliste qui s’appuie sur la lutte des classes. Elle évoque le nationalisme qui ne se limite pas l’Europe comme le montre les dernières élections en Turquie où les victimes se comptent surtout parmi les Kurdes, les Syriens réfugiés, les Yézidis, les minorités. Partout, les premiers visés sont les migrants avec le retour des conservatismes.
Conclusion du président
Il rappelle que ReSPUBLICA est un collectif qui évite l’usage purement individuel qui caractérise le numérique, les réseaux sociaux. Ce collectif favorise une activité positive. Il regrette de constater que certains camarades se soient laissés prendre au piège d’un usage strictement individuel et, parfois, ont affaibli leur niveau de conscience. Il est important de hiérarchiser entre les faits parlants ou essentiels et les faits secondaires, de ne pas confondre le principal et le secondaire. Le secondaire est la critique du barbecue façon Sandrine Rousseau et le principal est le viol des femmes en Ukraine, la lutte contre le voile en Iran, le massacre de femmes sur lesquels on entend peu les féministes façon « wokisme ».
Il retient du débat qu’il est important d’écouter les avis positifs et les critiques. Nous sommes mis face à nous-mêmes. Peut-être ne sommes-nous pas la hauteur sur des sujets tels que le féminisme et l’écologie. Sur le plan organisationnel, il faut éviter de créer des cellules spécialisées sur le féminisme, la laïcité, l’écologie, l’Europe… Il faut plutôt intégrer en cohérence tous les aspects sans séparer ni éclater. Il évoque la dialectique qui invite à bien comprendre la réalité contradictoire, à bien maîtriser le moment dans lequel nous sommes en France qui se caractérise par :
- une tendance à la droitisation,
- des conditions contradictoires comme en 1789 et 1917 sur le plan national et international,
- une exception française comme le mouvement des « Gilets jaunes », le mouvement contre la réforme antisociale des retraites dans sa phase 1 puis 2 en ce moment,
- un rejet du système qui est passé de 40, 50 puis 70 % des sondés alors les gens pro-systèmes ont régressé de 37 % à 30 %,
- un danger que le rejet se transforme en dégoût général qui ferait le lit de l’extrême-droite,
- un danger de s’enfermer dans le piège macroniste qui consiste à affirmer que critiquer Macron ferait le jeu de Le Pen,
Il s’agit de théoriser, donner des clés de compréhension, de parler clairement, de tirer les leçons positives et négatives du mouvement des retraites. Remettons les pieds sur terre et dégrisons-nous afin de nous préparer à une situation dont la complexité va en grandissant.
Notes de bas de page
↑1 | Rappel de l’article VII : « L’association est dirigée par un Conseil d’administration composé d’un maximum de 8 membres, 4 membres de droit (Bernard Teper, Monique Vézinet, Philippe Schwartz, Nicolas Gavrilenko) auxquels s’ajoute jusqu’à 4 administrateurs élus parmi les membres actifs pour un an. » Ont été élus ce 31 mai 2023 MX Tambay, Jean-Claude Boual, Arnaud de Morgny, Philippe Duffau |
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↑2 | Président : Philippe Schwartz ; trésorière : MX Tambay ; secrétaire : Philippe Duffau élu à l’unanimité. |