Le « grand débat sur l’identité nationale » lancé le 2 novembre par Nicolas Sarkozy et son ministre de l’Immigration, Eric Besson, fait couler beaucoup d’encre et commence même à diviser au sein de la majorité. Directement liée à la campagne électorale UMP des régionales de mars 2010, l’opération devrait durer jusqu’au « grand colloque de synthèse » du 4 février 2010. Le débat est animé par les préfets aux ordres et par les parlementaires UMP, ce qui devrait suffire à disqualifier cette manœuvre électorale.
Sur le site officiel, véritable site UMP bis, une vidéo d’Eric Besson justifie ce débat par l’objectif de « valoriser notre identité nationale », « valoriser la fierté d’être Français » et « concilier compétitivité et solidarité ». La direction bonaparto-libérale française vise à promotionner l’identité nationale française avec le même type de marketing que pour vendre une marque de lessive. La caricature est arrivée à son comble avec l’amalgame réalisée par le triste porte-parole de l’UMP, Frédéric Lefebvre,led26 octobre, entre ce débat et la chanson « Douce France » de Charles Trenet.
De plus, tout est fait pour détourner ce débat de ce qu’il devrait être. En utilisant le paradigme réactionnaire de la diversité contre l’égalité, il permet d’évincer du débat tout ce qui est constitutif d’une identité, à savoir les questions laïques, sociales, démocratiques et républicaines.
Qu’est que l’identité nationale ? L’expression « identité nationale » désigne le sentiment, ressenti par un ensemble de citoyens de faire partie d’une nation. Il est formé de l’ensemble des « points communs » entre ceux-ci. C’est donc un concept culturel qui ne peut pas ne pas s’appuyer sur la réalité de la vie dans la dite nation. Un concept qui se construit dans la vie de tous les jours, il se constate et mais ne vient pas d’ailleurs comme une vérité révélée. La grande Révolution française donnait la nationalité française à qui voulait défendre les idéaux de la dite révolution française comme dans l’armée française victorieuse à Valmy le 20 septembre 1792. Le gouvernement de 1944 issu du Conseil national de la Résistance facilita l’entrée dans la nation de nombreux immigrés par l’application d’un droit du sol républicain. Nous n’aurons pas l’outrecuidance de pousser plus loin ces rappels historiques tellement la nation française aujourd’hui est tout sauf républicaine. Car le problème est bien là. L’identité française s’est construite pour beaucoup dans les luttes laïques, démocratiques, sociales et républicaines. Pour beaucoup et en tout cas pour la majorité des couches populaires (ouvriers, employés) majoritaires dans ce pays, il ne peut pas y avoir d’identité nationale sans référence sérieuse aux principes laïques et républicains.
L’identité nationale française s’est construite sur plusieurs siècles autour des luttes qui ont abouti à l’application plus ou moins aboutie des principes de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de démocratie, de solidarité, de sûreté, de souveraineté populaire et aujourd’hui de développement écologique. L’identité nationale française s’est construite sur un paradigme républicain qui organise le vivre ensemble selon un triptyque Etat, société civile et corps politique des citoyens. La société civile devant avoir une autonomie par rapport à l’Etat, le corps politique des citoyens devant être autonome par rapport à l’Etat tout en nommant les responsables de l’Etat. On en est bien loin. Depuis de nombreuses décennies, les forces économiques et politiques dominantes ont petit à petit détruit cette identité nationale française jusqu’à produire une sorte de Canada Dry de cette identité, qui ne sert aujourd’hui qu’à courir derrière l’extrême droite à des fins électorales et à conforter la grande bourgeoisie néolibérale. Celle-ci se bat pour conserver son pouvoir au sein de la nouvelle phase du capitalisme (que nous appelons le turbocapitalisme ) : maintien de la déformation du partage des richesses au profit des profits supprimant la possibilité de répondre aux besoins sociaux, suppression du principe de solidarité par le processus de marchandisation et de privatisation de toutes les activités humaines et donc des services publics et de la protection sociale solidaire, suppression du principe de laïcité par l’alliance des néolibéraux avec les communautarismes et intégrismes ethniques et religieux, suppression du principe de la souveraineté populaire en organisant le recul de la démocratie (29 mai 2005 et diminution des pouvoirs des élus du peuple au profit des hauts fonctionnaires nommés, etc.), suppression de l’aspiration au principe d’égalité en organisant l’accroissement des inégalités sociales y compris de santé, décroissance de l’autonomie du corps politique des citoyens par la construction d’une école anti-républicaine n’ayant pas pour objectif de faire de chaque élève une liberté constituée, etc.
En fait, il n’y a plus d’identité nationale française à cause de la crise économique et politique actuelle due aux politiques néolibérales. Cette identité nationale est donc à reconstruire. Pour nous, gauche internationaliste, laïque et sociale, cela ne peut s’effectuer que par la résistance aux politiques néolibérales, communautaristes et intégristes, et par la lutte pour la construction d’un nouvel ordre international pour promouvoir l’ensemble des principes laïques, sociaux et républicains notés dans cet article. Notre action sera entièrement liée à cet objectif avec tous ceux qui nous rejoindront.