« De la laïcité, chemin(s) faisant » de Laurent Laot
Bernard Teper
De ce livre édité par Temps Présent en mai 2012, les lecteurs de ReSPUBLICA pourraient se demander ce qu’il apporte de plus que ceux de nos amis Catherine Kintzler ou Henri Pena-Ruiz. Nous leur répondrions que l’attachement majoritaire du peuple français au principe de laïcité, principe d’organisation sociale, ne peut pas uniquement être expliqué par les athées et les agnostiques. Tout simplement parce qu’aujourd’hui, leur nombre est inférieur au tiers du peuple et que ce pourcentage était encore bien plus faible au début du XXe siècle, période d’élaboration de la loi promulguée le 9 décembre 1905 portant séparation des églises et de l’Etat. Il y a donc des croyants y compris catholiques qui soutiennent ce principe de séparation. Tout cela renvoie en grande partie à la contradiction diachronique entre le gallicanisme et l’ultramontanisme.
Laurent Laot est un catholique laïque. Il nous délivre dans ce livre son éclairage tout en nous apprenant beaucoup de choses, sur l’histoire du catholicisme avant la loi de séparation de 1905, sur le Concordat promulgué en 1802 qui ouvre la voie aux régimes des « cultes reconnus » et sur la façon dont le combat laïque s’est constitué pendant cette période. Il nous apprend aussi la différence de traitement de la question des congrégations (par rapport à la question de l’église) tant par les pouvoirs publics que par l’église elle-même. Puis, il nous délivre une analyse diachronique de la publication de la « Semaine religieuse du diocèse de Quimper et de Léon » (qui a changé de nom à travers l’histoire) qui montre concrètement les modifications de la ligne stratégique de l’église de 1886 à nos jours. C’est très intéressant. Et contrairement à de nombreux intellectuels (catholiques, athées ou agnostiques) qui ont combattu et qui combattent toujours le principe de laïcité pour tenter de la rendre compatible avec les cléricalismes, Laurent Laot déclare : « …Rome accepte la « laïcité » mais ne peut que refuser le « laïcisme ». Au final, tout le monde comprend : Rome entend garder les clefs de la définition correcte de la laïcité, de la laïcité tolérable à ses yeux, hors de laquelle, c’est du laïcisme. Ce par quoi se dit son opposition à la laïcité qui est. ». Suit une étude critique mais fouillée de deux documents anti-laïques, l’encyclique « L’évangile de la vie » écrit en 1995 par monsieur Woytila alias Jean-Paul II, et la note doctrinale intitulée « Questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique » publiée en 2002 par la Congrégation pour la doctrine de la foi, instance centrale du cléricalisme du Vatican. Comme le dit Laurent Laot ces documents « ne se résument pas » car « chacun d’eux est à prendre dans sa globalité ».
Vous l’avez compris, ce livre est à lire par tous ceux, citoyens éclairés, militants laïques qui ont compris qu’il faut bien connaître le réel pour pouvoir le transformer. On peut seulement regretter que l’auteur n’ait pas analysé l’influence de certaines structures ecclésiales intégristes telles l’Opus dei dans le virage ultra réactionnaire de l’église contemporaine et dans son alliance avec le modèle politique néolibéral. Cela aurait apporté à la compréhension du réel actuel.