Notre modèle politique est épuisé. Pour penser le modèle politique alternatif, il faut d’abord le penser sous tous ses aspects, sous toutes ses lumières et sous toutes ses ombres. Donc penser aussi la ville, ses finalités, la façon de la construire. Pour cela, une étude critique des politiques urbaines suivies ces dernières décennies est nécessaire. Comprendre les enjeux qui se jouent en ville également.
Ancien maire-adjoint chargé de l’urbanisme et des travaux d’une ville, qui à l’époque était l’une de celles qui construisaient le plus, ancien président d’une société d’économie mixte de construction avec comme partenaire une filiale de la Caisse des Dépôts et Consignations, j’ai été intéressé par ce livre (1)« De la ville en politique » de Robert Spizzichino, chez l’Harmattan (18 euros) .
Mais d’une façon plus générale, tout citoyen qui souhaite penser à notre avenir ne peut se désintéresser de la ville en tant que réceptacle de toutes les contradictions sociales, culturelles et politiques. Vous m’avez compris : il faut lire ce livre !
Je suis un lecteur hétérodoxe, je commence par la fin et dans les 6 postfaces, j’ai commencé par celle de Michel Delebarre, le chantre du néolibéralisme de gauche et du « small is beautiful » (2)plus la collectivité s’éloigne de l’État nation, plus il est heureux et celui qui trouve indispensable pour l’urbanisme de Dunkerque la construction d’une croix monumentale à l’entrée du port. Il y écrit sa méfiance de « la sorte de dictature éclairée” qui semble sous-tendue derrière certaines propositions du livre de Robert Spizzichino ou chez ceux qui disent que le jacobinisme est encore nécessaire à toute avancée en matière de décentralisation. Inutile de vous dire que cela a décuplé mon envie de lire le livre de « Spizzy ».
Puis, j’ai lu celle de Patrick Braouzec, chantre du révisionnisme conservateur et du combat communautariste contre la république sociale. J’ai été servi. Il y dit que le lieu du conflit principal n’est plus la valeur travail (3)il ose écrire « … on se demande ce que pèse encore la valeur travail dans notre société. » ! vécue comme un rapport social et politique dans l’entreprise, mais que ce lieu principal de conflit est la ville. Puis, il dit plus loin : « Et on ressort d’un côté laïcité et de l’autre communautarisme. Ce sont les dérives qui surgissent à partir du moment où ces trois emblèmes de la République (4)liberté, égalité, fraternité, NDLR… ont volé en éclats ». Donc la laïcité est devenue chez ce monsieur une déviance de la République ! Sarkosy peut dormir tranquille, une partie de la gauche ne fait que de l’opposition de pacotille !
Fort heureusement, les quatre autres postfaces et surtout le livre lui-même sont d’un grand intérêt. On peut même dire qu’à la fin, on a envie de demander à l’auteur « Quand écriras-tu ton prochain livre pour aller au bout de ta pensée ? » Car ce livre pose l’ensemble des problèmes du débat, les « historiettes vécues » situées en fin de chapitre donnent de la chair et de la vie à des propos qui peuvent apparaître pour certains un peu « technos ». C’est donc le premier livre sur le sujet à lire !
Tout y est posé : les reculs des démocraties représentative, participative, inclusive, les études des contradictions de l’urbanisation, de la concurrence des villes, des crises urbaines, de la ségrégation sociale et spatiale, de l’urgence écologique, de la sûreté urbaine, le scandale des stratégies foncières, des pathologies urbaines, des caractéristiques ethniques et sociales, des typologies du logement, la présentation des pensées urbaines, du néolibéralisme urbain, des problèmes économiques dans la ville et pour la ville, etc.
Bravo « Spizzy » !
Notes de bas de page
↑1 | « De la ville en politique » de Robert Spizzichino, chez l’Harmattan (18 euros) |
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↑2 | plus la collectivité s’éloigne de l’État nation, plus il est heureux |
↑3 | il ose écrire « … on se demande ce que pèse encore la valeur travail dans notre société. » ! |
↑4 | liberté, égalité, fraternité, NDLR |