Le Collectif départemental de défense du service public postal créé en 2008 regroupe des comités citoyens d’usagers, des syndicalistes, des élus locaux et régionaux.
Retour sur l’expérience du Collectif départemental :
4 cas d’étude
1) Le référendum citoyen d’octobre 2009
L’idée est venue du comité citoyen du Pin en mai 2009 : face à l’annonce du prochain passage au Parlement de la Loi Postale (annoncé pour septembre 2009), dans un contexte qui ne laisse aucun doute sur le vote des députés et sénateurs, et guère d’espérance sur la capacité des actions « traditionnelles » de mobilisation de mettre en échec ce projet, l’idée est lancée de tenter le coup d’un « référendum citoyen ». Avec cette utopie : si des millions de citoyens expriment leur opposition à cette loi, le gouvernement Sarkozy et la majorité parlementaire prendront-ils le risque de la faire passer ?
Très vite, des contacts « horizontaux » pris avec des collectifs locaux de divers départements montrent une adhésion à la proposition. Le délai est court (d’autant plus que se profilent les deux mois d’été …), ils incitent à la prise de deux initiatives :
– mettre assez rapidement les instances nationales dans la boucle, en comptant sur leur capacité de faire caisse de résonance à la proposition, dans la mesure où elles la jugeront appropriée : c’est ce qui va se passer, Convergence, les associations politiques de maires (communistes et républicains, socialistes, verts) et l’ensemble des partis politiques de gauche et plusieurs syndicats décident de s’impliquer ;
– préparer matériellement la consultation : en accord avec l’ensemble du Collectif départemental, le comité citoyen du Pin élabore ce qu’il nommera le « kit référendum » : son expérience des consultations citoyennes, son savoir-faire doublé d’une éthique de l’information et de la consultation lui permettent de concevoir en quelques jours un projet d’affiche, les bulletins de vote, un argumentaire, et surtout des propositions méthodologiques.
Dans la mesure où les déterminants seront le nombre de votants et la crédibilité de la consultation, trois points sont considérés comme étant incontournables :
1 : la question. Un mot ne doit pas figurer dans la question : « gouvernement ». En effet, il ne faut pas demander aux citoyens de se positionner pour ou contre le gouvernement, mais pour ou contre la privatisation rampante de La Poste et la remise en cause du service public. Nous savons que de nombreuses personnes « de droite » sont hostiles à cette évolution, comme en attestent les sondages d’opinion estimant entre 2/3 et 3/4 la proportion de citoyens opposés à la loi.
2 : l’émargement. Pour éviter toute suspicion de double vote, l’émargement sur liste électorale doit être la règle partout (l’accès aux listes électorales est un droit, et si un maire fait de la résistance, il est possible d’imaginer des moyens de contrôle non contraignants de l’unicité du vote).
3 : un argumentaire équilibré. Les arguments « POUR » et les arguments « CONTRE » doivent avoir la même importance. Pour le « CONTRE », pas de problème. S’agissant du « POUR », il est suggéré de demander à la direction de La Poste et au ministère de tutelle de fournir leurs arguments. Prévoyant qu’ils ne répondront pas, nous avons collecté des documents (articles de presse, prises de paroles à l’Assemblée Nationale, déclarations du directeur national de la Poste) qui ont permis de synthétiser cette argumentation. Un document avec une feuille A4 pour le OUI, une feuille A4 pour le NON est élaboré.
Résultat à fin août 2009, après le passage dans les tuyaux nationaux (partis politiques notamment) :
– il n’est plus question de « référendum » mais de « votation » : ce terme, qui est utilisé en Suisse pour désigner une consultation mais a chez nous un autre sens (l’action de voter), est très ambigu ; pourquoi dévaloriser cette consultation citoyenne, en réduire l’importance en l’affublant d’un mot n’ayant pas de sens véritable ?
– la question commence par « Le gouvernement »
– l’émargement ne sera pas la règle partout, certains syndicats transformant le vote en pétition sur les lieux de travail (sans demander un engagement à ne pas voter une deuxième fois dans sa commune)
– le double argumentation ne sera reprise que par 3 départements. « On ne va quand même pas leur faire de la pub ! », a expliqué un militant politique comme justification de ne produire que les arguments du NON.
2 350 000 votants, impensable au départ, les gendarmes à l’affût au téléphone toute la journée du vote pour connaître les premiers résultats (sur demande du ministère de l’Intérieur, préciseront-ils). Et surtout une ambiance incroyable autour des urnes, des gens qui se parlent, échangent sur le service postal, expriment leur grande satisfaction de cette consultation. Cela n’a pas été suffisant pour empêcher la loi de passer. Mais quand on regarde la carte, on constate qu’en gros un quart du territoire national a été couvert. Rêvons d’une couverture totale, 10 millions de votants, que fait le gouvernement ? Dans les conditions de déroulement de la consultation, il aurait eu beau jeu d’arguer de l’absence d’émargement systématique, et d’une information déséquilibrée pour mettre en doute sa légitimité.
2) L’action des maires en Isère (octobre 2014 – janvier 2015)
Le Collectif départemental, identifiant les maires de communes avec bureau de poste comme les seuls maillons décisionnels pouvant empêcher le remplacement de ces bureaux « de plein exercice » par des Agences Communales (APC) ou Relais Commerçant (RPC), sollicite quelques maires très engagés dans la défense du service public postal pour qu’ils rédigent un « communiqué commun des maires ». L’idée est de le soumettre au 123 maires isérois dont la commune a au moins un bureau de poste, en espérant qu’ils soient assez nombreux à adhérer au communiqué pour bloquer le plan de réorganisation prévu par La Poste sur 2015, dont la clé de voûte est la transformation massive de ces bureaux en APC / RPC.
Le Collectif départemental décide d’organiser un rassemblement public lorsque le nombre de 20 maires signataires aura été atteint. Ce qui se produit à la mi-novembre. Notre pointage montre alors que le taux de signataires par rapport au nombre de maires ayant donné une réponse est de l’ordre de 80%. Parmi les signataires, il y a bien sûr les maires dont l’appartenance politique ne laisse aucun doute sur leur positionnement. Nous prévoyons donc que le taux de signataires baissera au fur et à mesure que les réponses des municipalités concernées nous parviendront.
Lorsque nous atteignons la moitié de réponses (un peu plus de 60 maires), nous constatons que le taux de signataires est monté à 90%. Parmi eux, de nombreux maires étiquetés PS, soutenant en principe le gouvernement, et obligatoirement des maires positionnés plus à droite sur l’échiquier politique. On peut imaginer qu’en d’autres lieux, d’autres auraient dressé des listes de maires en fonction de leur appartenance ou sympathie politique pour définir des priorités dans nos prises de contact : pas sûr que le résultat aurait été meilleur !
L’explication de ce constat, qui bouscule bien des idées reçues, est que l’attachement au service public relève moins d’un positionnement idéologique ou politique que de préoccupations très concrètes relatives à la vie de la commune, aux besoins et au bien-être des habitants notamment des personnes âgées ou fragilisées pour une autre raison. Aux valeurs humaines, en quelque sorte.
3) L’action à propos des MSaP
C’est vers la fin du 1er trimestre 2015 que le Collectif départemental a eu connaissance de deux nouvelles « alternatives » aux bureaux de poste de plein exercice proposées par La Poste : le facteur-guichetier et la Maison de Services au Public.
Vis à vis des Agences Postales Communales (APC) et Relais Poste Commerçant (RPC), l’argumentation est facile à construire et à transmettre : recul des services, et certitude qu’à terme le service postal de proximité disparaîtra à moins d’accepter de le financer par la fiscalité locale. Comme dans le même temps, La Poste affiche des bénéfices, il est relativement aisé de susciter une mobilisation.
Vis à vis des MSaP, la question est bien plus complexe, car les territoires ruraux connaissent une désertification progressive des services, très pénalisante pour les populations. En 2015, en plusieurs points de l’Isère, fleurissent des banderoles et autres messages dénonçant les fermeture programmées de trésoreries. Un maire d’une commune de l’Ouest isérois nous dira aussi : « au cours de la même semaine, on m’annonce la fermeture du guichet SNCF et la remise en cause du bureau de poste ». Donc toute initiative prévoyant de ramener des services à proximité des populations est susceptible de rencontrer un a priori favorable.
Dans ces conditions, comment alerter sur les dangers ?
Deux stratégies semblaient possibles : considérer que les MSaP, en regroupant des services qui ne relèvent pas ou plus du service public, contribuent à leur disparition, et que de ce fait, il faut s’opposer à leur mise en place (« ne pas mettre le doigt dans l’engrenage »). Mais avec quelles perspectives d’obtenir gain de cause (gain de cause = rétablissement d’authentiques services publics) ?
Le Collectif départemental va prendre une autre voie : sans être naïf vis à vis des logiques qui amènent de tels projets, amorcer un double mouvement :
– se rapprocher des citoyens pour percevoir leurs besoins
– identifier dans la chaîne de décision où se situent des maillons de pouvoir : les maires et/ou présidents des communautés de communes. Pour leur proposer de travailler ensemble, avec des syndicalistes et des usagers, à la définition de conditions rendant acceptable la mise en place d’une MSP ou MSaP. Ne pas tenir compte de ce que sont les dispositions actuelles, prévues et prévisibles, mais mener cette réflexion en se souciant uniquement des besoins des citoyens, des préoccupations des élus locaux, des exigences des postiers, et de l’idée que l’on peut se faire d’un service utile à tous.
Dans l’espoir que les maires concernés posent ensemble des exigences déterminées vis à vis de la mise en place de telles structures, pour arriver à faire bouger les lignes (à l’image de ce qui s’est passé en Isère vis à vis des APC / RPC). Parce qu’entre des services privatisés (qui ne seraient offerts que dans la mesure où ils généreront des taux de rentabilité conséquents), et des services publics authentiques, la marge est réelle et importante.
Un exemple : aujourd’hui, rien n’est prévu pour que les usagers soient intégrés à la gestion de ces structures. Si, sur les centaines de maires concernés par la mise en place d’une MSaP, une proportion importante dit « nous ne signerons que si les usagers sont intégrés au conseil de gestion », nous pouvons espérer obtenir une avancée non négligeable. En effet, se trouvant au cœur du dispositif, les représentants seront mieux placés qu’ailleurs pour exiger que les principes fondateurs du service public soient la règle (avec en appui le soutien des usagers).
Le pari d’entraîner ces maires dans un tel mouvement d’ensemble peut paraître un peu « fou ». Mais qui aurait pensé, au moment du lancement de l’opération « communiqué commun des maires de l’Isère », atteindre une proportion d’adhésion telle que la direction nationale de La Poste a dû consentir à certains reculs ?
4) L’approche de la « défense du service public »
Bien évidemment, le point commun entre toutes les composantes du Collectif départemental est la défense du service public. Cette position de défense se fonde sur deux approches différentes :
– un positionnement de principe, idéologique, politique : c’est à l’Etat que doit revenir la responsabilité de la gestion ce qui relève du bien commun, et le service postal doit en faire partie. C’est le seul moyen d’assurer l’égalité des citoyens vis à vis du service, cela suppose un statut particulier du personnel du fait de son engagement au service à rendre, etc …
– un positionnement pragmatique : le bien-être des citoyens, qu’ils soient usagers (satisfaction de leurs besoins) ou salariés (conditions de travail respectueuses et valorisantes) est l’objectif assigné à toute action.
Chaque membre du Collectif départemental porte en lui ces deux approches, mais dans des proportions très variables d’une personne à l’autre. Elles reposent toutes deux sur des logiques qui se recoupent (sinon, le Collectif départemental ne pourrait pas fonctionner) : dans la mesure où l’entreprise qui gère le service postal devient soumise à un contexte concurrentiel, avec des objectifs de rentabilité à atteindre, le bien-être des usagers et des postiers ne peut être assuré correctement. Mais cette affirmation relève dans le premier cas d’un point de vue a priori, dans le deuxième cas d’un constat a posteriori.
Par contre, ces deux approches de la défense du service public induisent deux discours différents, deux manières différentes de s’adresser aux usagers, aux élus, aux postiers. Et surtout deux types d’actions différents.
Pour faire avancer sur la question de principe, il est indispensable de créer un rapport de force politique. Cela suppose des démarches pédagogiques spécifiques (pour « faire comprendre les enjeux »), des actions auprès de décideurs politiques (pour « s’assurer du soutien de »), des manifestations publiques (pour « crier l’indignation en montrant que nous sommes nombreux et déterminés »).
Pour faire valoir le bien-être des citoyens, il faut leur donner la parole et leur demander d’exprimer leurs besoins (les enquêtes citoyennes), poser la question de la vie communale (sans réel bureau de poste, notre commune deviendra un village dortoir, dépourvu de commerces de proximité), poser la problématique concrète et lourdement chargée sur le plan émotionnel de l’intolérable souffrance au travail.
En se gardant de tout excès de manichéisme, on peut considérer que le débat est centré dans le premier cas sur de « grandes questions de société », dans le deuxième cas sur « la vie des gens ». L’addition de ces deux approches considérées comme complémentaires constitue un atout majeur.
Pour illustrer le propos : le Collectif départemental a été à plusieurs reprises en contact avec François Brottes, qui fut à la fois « monsieur poste » au PS, député de l’Isère et président de la Commission des Affaires Economiques de Sociales de l’Assemblée Nationale. Dans les échanges, il a toujours affirmé non sans une certaine fierté que La Poste avait été maintenue dans le « public » puisqu’aucun euro de capital privé n’a fait son entrée (argument qui relève de la « position de principe »). A chaque fois que nous lui avons opposé les « besoins des usagers non satisfaits », il n’a su répondre que « dites-moi où ça se passe, si c’est dans ma circonscription, je ferai le nécessaire ». Et quand nous avons voulu aborder la question de la souffrance au travail, la seule réponse qui nous a été communiquée par son service parlementaire a été « mais il y en a partout ». Et le dialogue s’est rompu. Parce que sorti des questions de principe, il n’avait aucune réponse à nos demandes.
Quelques caractéristiques et principes spécifiques de ces actions innovantes
L’évocation de ces quatre cas rencontrés par le Collectif départemental permet de discerner des approches différentes, des modes d’actions différents. Il est vraisemblable que ces différences d’approche ne concernent pas seulement la défense du service postal, ni même la seule défense du service public, mais le « militantisme revendicatif » d’une manière générale, c’est à dire tout ce qui se rapporte à l’intervention citoyenne vis à vis des décisions de pouvoirs en place, quel qu’en soit le cadre (vie locale, vie publique, entreprise, etc …). Il y a donc un enjeu fort à réfléchir à leur propos.
1) Des approches plus pragmatiques qu’idéologiques
C’est probablement la clé de voûte, le point central sur lequel le Collectif départemental a pu faire émerger des pratiques novatrices. Ne pas se contenter de références à un certain art de vivre en société (ici, le bien commun), mais se confronter aux réalités locales les plus concrètes pour définir des objectifs accessibles, partagés, qui ont du sens pour tous les acteurs concernés, dans leur diversité.
Exemple : sur la petite commune du Pin, lorsqu’en 2006 La Poste annonce une réduction drastique des horaires (passage de 18h30 à 8h hebdomadaires), la seule position de principe aurait amené une réaction de refus de toute réduction d’horaire. Au lieu de cela, le comité citoyen a pris l’initiative de mesurer les besoins des usagers par une enquête citoyenne, pour élaborer une proposition alternative : réduction à 13h hebdomadaires mais avec des horaires collant mieux aux disponibilités des habitants. Ce qui a permis d’obtenir une augmentation de la fréquentation du bureau de poste.
2) La mise en action dynamique à tout moment de l’ensemble des acteurs concernés
Pour la défense du service public postal, les principaux acteurs concernés sont les usagers, les postiers, les élus locaux. En les informant, en les incitant à ne pas se résigner, en se plaçant à leur écoute, en créant les occasions pour qu’ils se rencontrent, échangent et perçoivent la réalité de leurs intérêts communs, en étant force de propositions crédibles, nos structures locales ont pu faire reculer La Poste chaque fois qu’il y a eu alliance forte entre ces différents acteurs. Nous constatons qu’un maire, aussi déterminé soit-il, se retrouve vite impuissant à s’opposer aux projets de La Poste s’il n’existe pas dans sa commune un comité local, outil de l’implication des usagers.
Exemple : le maire de St Victor de Cessieu, suite à une rencontre avec la Poste, diffuse dans les boîtes aux lettres de sa commune l’information de la prochaine fermeture du bureau de poste. Le ton est un mélange de déception et de résignation. Les réactions de plusieurs habitants constituant un collectif local l’amènent à accepter de tenir une réunion avec les élus municipaux, des usagers, un membre du Collectif départemental : l’évocation des outils d’enquête permettant de recenser les besoins réels, la perspective de mener l’action tous ensemble, les contacts discrets mais réguliers avec quelques postiers, font basculer la municipalité dans une position de résistance déterminée. Le bureau est à ce jour toujours ouvert, sans modification des horaires d’ouverture (depuis 2011).
3) Les alternatives réalistes du « positivisme revendicatif »
Face à une situation, il nous paraît essentiel d’aller au-delà de la seule dénonciation de ce qui nous paraît injuste, inacceptable, intolérable, par la promotion d’alternatives, qui soient à la fois crédibles et porteuses de la satisfaction de nos besoins et exigences.
Pour certains, proposer des solutions alternatives revient à se laisser entraîner dans une démarche de cogestion ambiguë sur le fond, voire pénalisante à terme. « Cela revient à faire alliance avec l’ennemi », peut-on entendre parfois. Ce qui a été mis en œuvre par le Collectif départemental va à l’encontre de ce point de vue, pour plusieurs raisons :
– une alternative crédible est un facteur de mobilisation : nous l’avons tous constaté, à un appel à se mobiliser devant une situation qui le justifie, on voit arriver très vite le petit noyau des « rapidement convaincus », puis dans un deuxième temps, des personnes que l’on a réussi à convaincre. C’est l’ampleur de cette « deuxième vague » qui est souvent déterminante. Montrer que nous sommes capables de ne pas nous contenter de dire « NON », montrer que d’autres solutions existent, associer les personnes directement concernées à leur élaboration, renforcent de manière très sensible le potentiel de mobilisation
– une alternative crédible affaiblit le pouvoir auquel nous nous opposons : il ne peut plus se contenter de justifier ses décisions par l’argument « on ne peut pas faire autrement ». En l’obligeant à se positionner par rapport à la proposition alternative, on le fait venir sur le terrain que l’on a choisi. De plus, on gagne en crédibilité vis à vis de lui : des attitudes uniquement dénonciatrices provoquent des positions de rejet pur et simple, il ne reste que le rapport de forces pour faire valoir notre point de vue : quand il n’y est pas, il ne reste que les yeux pour pleurer …
– une alternative crédible trace la sortie d’un conflit : c’est dans la proposition alternative que se trouvent les éléments de l’accord qui permettra de mettre fin au conflit
– la démarche de la proposition alternative contribue à éduquer les citoyens a contrario de la « culture de l’anti » : en amenant les acteurs concernés à participer à son élaboration, elle les fait entrer dans une démarche collective constructive qui incite à la réflexion (dimension Education populaire), donne confiance en soi, rend crédible le « faire ensemble », et ouvre l’espérance en des lendemains meilleurs.
4) Le développement de nos capacités d’imagination, de nos potentiels de création dans un fonctionnement au consensus
Ne rien s’interdire d’imaginer, de proposer, éviter de se contenter de faire du « copier / coller » de ce qui se fait dans les traditions militantes, est essentiel si l’on veut être en capacité de s’opposer à la disparition du service public postal.
Le pendant nécessaire à cette dynamique est la capacité du Collectif départemental à décider au consensus : écouter, échanger les points de vue, analyser ensemble, permet ensuite que la décision s’impose d’elle-même. Cela permet de tempérer le produit des imaginations, de le rendre faisable, ou de décider de l’abandonner en bonne connaissance de cause.
On est bien loin du « qui est contre ? qui s’abstient ? », qui ne permet même pas d’avoir un décompte juste des « pour », et qui a surtout un effet clivant, générateur de frustrations, voire pire. Evidemment, si on ne peut pas faire autrement, il faut compter, mais privilégier le cheminement vers le consensus donne une force bien supérieure à tout collectif qui l’adopte. Cela suppose que chacun accepte d’en jouer le jeu … pratiquer de la sorte, n’aide-t-il pas à « se faire grandir » sur le plan humain ?
5) Des valeurs humaines et une éthique forte
L’esprit avec lequel se développent nos actions est que « en aucun cas, la fin ne peut justifier les moyens« .
Au-delà de l’objectif partagé de la défense du service public postal, la capacité d’initier des pratiques novatrices se fonde sur des valeurs et une éthique partagées, qui transparaissent dans les actes que nous posons : nos choix d’actions à mener, nos prises de paroles publiques, nos manières d’être avec les autres, nos comportements. Ceci contribue à donner une image de notre Collectif qui est un facteur important de son identification.
Au-delà du respect de l’autre, du pluralisme, de l’écoute qui fondent le sens collectif, le développement de la confiance en l’autre, voire de la bienveillance renforcent la capacité à œuvrer ensemble, et à y prendre du plaisir : la convivialité n’est pas un « gadget à la mode » mais une réalité qui peut se percevoir dans divers moments forts.
Chaque fois que dans nos rapports aux autres, nous semons quelques « graines d’humanité », que nous mettons de l’énergie dans la constitution du lien humain, nous engrangeons de la force collective (entre nous) et de la crédibilité (vis à vis des autres).
Un petit événement qui a marqué : le 29 novembre 2014, nous organisons un rassemblement devant le bureau de poste des Abrets pour les 20 premières signatures du communiqué commun des maires, suivi d’une conférence de presse en fin de matinée. Autour de la table, 1 journaliste, 10 maires signataires et 3 membres du Collectif départemental. L’introduction faite par le Collectif départemental sera très brève, les maires prennent la parole à tour de rôle pour répondre aux questions des journalistes, aucun d’entre eux ne la monopolise. Au bout d’une bonne demi-heure, le journaliste s’éclipse, et les échanges se poursuivent entre maires, avec une grande écoute, une réelle bienveillance, et ce qui n’est pas négligeable, un réel plaisir à partager ce moment, qui aura été fondateur de quelque chose.
Une éthique de l’information et de la consultation : pour être crédibles, c’est à dire pour qu’elles soient utiles, les enquêtes de recensement des besoins des usagers nécessitent une grande rigueur dans les manières d’informer, dans l’explication des enjeux, dans les modalités de la consultation. Assurer le pluralisme de l’information quand cela est justifié, citer les sources, recouper les informations, refuser de diffuser une information tant qu’elle n’a pas été suffisamment vérifiée, poser des questions claires et si possible ouvertes, laisser des temps d’échanges entre diffusion de l’information et consultation, éviter d’induire les réponses par la rédaction de la question, etc. sont essentiels.
En guise de conclusion
Mettre en œuvre des pratiques fondées sur de tels principes n’est pas difficile, n’est pas réservé à des « élites militantes »: bien au contraire, c’est souvent le bon sens commun qui sert de guide. La difficulté principale réside dans la démarche d’aller vers les autres. Oser entrer en relation avec des personnes que nous ne connaissons pas n’est pas aisé, certains ont plus de facilités que d’autres pour le faire. Mais quand on constate ce que l’on en retire individuellement (sur le plan de l’apport personnel) et collectivement (aussi bien en terme d’efficacité que de qualité du « faire ensemble »), il serait dommage de ne pas s’y aventurer.
Un constat : plus une structure développe ce type de pratiques, plus elle semble en mesure de s’installer dans la durée. On peut supposer que les liens humains tissés puis entretenus au fil des actions, sur fond de diversité dans la composition du Collectif et de volonté partagée de bien fonctionner ensemble, en sont la cause.
Aucune conviction n’est reniée, rien ni personne n’est exclu dans la mesure d’une adhésion aux valeurs, ces pratiques ne sont que du « Plus » qui nous met en meilleure capacité de faire valoir ce que nous défendons.
Ne sont-elles pas aussi des manières de tracer des chemins qui conduiront à l’instauration d’une société où le bien-être humain, pris aussi bien dans ses deux dimensions individuelle et collective, sera au centre des préoccupations communes ?