La cérémonie de remise des Prix de la Laïcité 2012 s’est tenue devant un parterre fourni de 400 personnes à l’Hôtel de ville de Paris, lundi 8 octobre, en présence de Anne Hidalgo, première maire adjointe de la capitale.
Le Prix international de la Laïcité, décernés par le Comité Laïcité République, a été remis à la québécoise Djemila Benhahib, par un jury indépendant présidé, cette année, par « Charb » directeur de « Charlie Hebdo ». Ce dernier a rendu hommage au travail réalisé par Djemila Benhabib, jeune Québécoise d’origine algérienne, en faveur de la laïcité et des droits des femmes.
Par la qualité des interventions et la présence massive de nombreux élus et des représentants des principales associations laïques cette manifestation a été un succès.
Le président du Comité Laïcité République, Patrick Kessel a déclaré que les associations laïques, après des années de dérives, de contournement en ce qui concerne la loi de Séparation avaient bien reçu les promesses du candidat : François Hollande et que « le moment était venu de passer des engagements aux actes ». Il a par ailleurs souligné l’inquiétude des laïques face aux dérives du « printemps arabe », citant notamment le cas de la Tunisie où le projet de nouvelle Constitution pourrait entériner la différence des droits entre hommes et femmes.
Djemila Benhahib, auteure notamment de Ma vie à contre-Coran, recevait son trophée et prononçait un discours en faveur d’un monde laïque et féministe.
En voici quelques extraits :
C’est à travers un regard de femme, celui d’une féministe laïque vivant en Amérique du Nord, fortement imprégnée des valeurs républicaines, ayant grandi en Algérie que je me propose d’aborder cette réflexion sur la laïcité qui est d’emblée, je le dis et je l’assume le fruit aussi bien d’un cheminement subjectif que d’une véritable analyse proprement factuelle marquée par mon
vécu dans trois types de sociétés distinctes :
- nord-africaine, en Algérie ;
- européenne en France et
- nord-américaine au Québec
(…) Ces trois expériences nous démontrent clairement, à des degrés variés, bien évidemment, et sous des formes différentes, à quel point les velléités politiques sous couvert du religieux peuvent se mettre en marche à un moment ou un autre de l’histoire dans un pays quelconque pour entrer en concurrence avec l’ordre politique établi soit pour le fragiliser, l’ébranler voire carrément le remplacer pour changer le destin d’un pays, la nature même de son Etat et le devenir de son peuple.
(…) Les intégrismes religieux ont trouvé là [avec le multiculturallisme] une niche confortable qui leur a permis d’étendre leurs tentacules à travers une configuration sociale qui consiste à segmenter et fragmenter les sociétés en fonction d’appartenances ethniques et religieuses pour aboutir fatalement à l’effritement du lien social. J’entends et vous l’aurez deviné : cette aberration monumentale qu’est le multiculturalisme dont l’équivalent n’est autre que le « multicommunautarisme » c’est-à-dire un « multiracisme » institutionnalisé.
(…) Au printemps de l’année 2012, j’ai vécu au rythme de l’Égypte et de la Tunisie. Je voulais aller à la rencontre de leurs peuples, sentir leurs fluctuations intérieures et capter leurs émotions ; sortir des dépêches de journaux ; saisir à chaud des réalités complexes et contradictoires ; humer l’air ambiant ; arrêter de vivre à distance les bouleversements historiques qu’a connus la région et surtout, être portée par ce souffle de liberté. J’ai eu l’impression que tout a changé sans toutefois avoir changé. Une chose est sûre : la laïcité et la place des femmes sont au cœur des débats.