Le jeudi 8 mars, dans le cadre du cycle Cinéforum « La question migratoire aujourd’hui » avec la participation de Catherine Wihtol de Wenden, a été projeté le documentaire de Ai Weiwei Human flow (États-Unis 2018 – VO – 2 h 20)
Organisé par REP TSC (Réseau d’Éducation Populaire – Travail Social et Culturel), Parti Communiste Tarn et Amnesty international Albi. En partenariat avec Imagin’Cinémas et Les 400 coups
Plus de 65 millions de personnes ont été contraintes de quitter leur pays pour fuir la famine, les bouleversements climatiques et la guerre : il s’agit du plus important flux migratoire depuis la Seconde Guerre mondiale. Le documentaire aborde l’ampleur catastrophique de la crise des migrants et ses terribles répercussions humanitaires. Tourné pendant une année dans 23 pays, il s’attache à plusieurs trajectoires d’hommes et de femmes en souffrance partout dans le monde – de l’Afghanistan au Bangladesh, de la France à la Grèce, de l’Allemagne à l’Irak, d’Israël à l’Italie, du Kenya au Mexique en passant par la Turquie. Il recueille les témoignages des migrants qui racontent leur quête désespérée de justice et de sécurité. Ils nous parlent des camps de réfugiés surpeuplés, de leurs périples en mer à très haut risque, des frontières hérissées de barbelés, de leur sentiment de détresse et de désenchantement, mais aussi de leur courage, de leur résilience et de leur volonté d’intégration. Ils évoquent la vie qu’ils ont dû abandonner et l’incertitude absolue d’un avenir meilleur.
Ai Weiwei est l’un des artistes les plus connus aujourd’hui. Il mélange de manière provocante l’histoire et traditions chinoises à son style contemporain et s’en sert pour militer pour les droits de l’homme, appuyer des commentaires culturels et critiquer le déséquilibre mondial du pouvoir, faisant de lui une cible politique. « Je ne quitterai jamais la Chine », a-t-il une fois déclaré, « à moins que j’y sois forcé. Parce que la Chine fait partie de moi. Je ne laisserai pas quelque chose qui m’appartient aux mains de gens en qui je n’ai pas confiance ».
Catherine Wihtol de Wenden, docteur en science politique, a été consultante pour divers organismes dont l’OCDE, la Commission européenne, le HCR, le Conseil de l’Europe. Depuis 2002, elle préside le Comité de recherche Migrations de l’Association internationale de sociologie. Elle est également membre du comité de rédaction de Hommes et migrations, Migrations société et Esprit. Juriste et politiste, elle a mené de nombreuses enquêtes de terrain sur les relations entre les migrations et la politique en France. Ses recherches comparatives portent sur les flux, les politiques migratoires et la citoyenneté en Europe et dans le monde.
Commentaire de Christian Dulieu adressé à Catherine Wihtol de Wenden : J’ai lu ce matin article de Sylvie Kauffmann qui accrédite et renforce les analyses que vous proposez depuis de nombreuses années : « Immigration le facteur clé » (Le Monde du jeudi 8 mars 2018). Le « point commun de toutes les insurrections électorales qui secouent les démocraties occidentales depuis trois ans, qui ont ouvert les portes des parlements aux mouvements politiques populistes ou extrémistes, […] ce facteur c’est la résistance à l’immigration massive. […] le moment est venu d’affronter cette question comme ce qu’elle est, une tendance structurante de long terme et non une crise accidentelle. […] Le verdict italien rend encore plus urgente une politique qui organise, réhabilite et maîtrise l’asile et l’immigration à l’échelle européenne. »
Pour cette journée internationale du 8 mars 2018, où est rappelé les droits des femmes, il est bon de rapprocher cet article d’un autre titre du même journal : « L’éducation des jeunes filles est un défi planétaire pour le XXIe siècle. » Je cite Gaël Giraud, économiste en chef de l’Agence française de développement, et directeur de recherche au CNRS. Il est prêtre jésuite. « En 2018, le simple fait d’être une fille est encore un facteur de déscolarisation. Selon l’Unesco, 15 millions de filles vivant aujourd’hui sur la planète n’auront jamais la chance de fréquenter l’école primaire, contre environ 10 millions de garçon. Les disparités sont particulièrement criantes en Afrique sub-saharienne où, pour 100 garçons non scolarisés au primaire, 123 filles se voient refuser le droit à l’éducation. » Hors une grande partie des jeunes filles qui immigrent en Europe actuellement sont d’origine subsaharienne. Ces inégalités devant l’accès à la scolarisation, pourraient dans les années à venir devenir un facteur important de fuite des populations féminines vers d’autres horizons plus justes.
Car, toujours selon les mêmes sources, « Dans le même temps, fait historique sans précédent, en Occident au sens large (Europe, Japon, Corée du Sud, anglosphère ) le niveau éducatif des femmes est devenu supérieur à celui des hommes. ». Quand les discriminations s’estompent sur un territoire et qu’elles s’enkystent sur un autre territoire voisin, ne pensez-vous pas que cela risque bien de provoquer un appel d’air supplémentaire vis à vis des populations féminines africaines tentées par l’exil ?
On voit la que la la formule de « gestion migratoire » nous paraît une formule impropre. La gestion migratoire est avant tout un problème politique, au plus haut et au plus fort sens du terme.