Election de Trump : ceux qui sont sidérés sont ceux qui n’ont pas compris la période

Notre journal a répété à l’envi que la crise systémique de la formation sociale capitaliste ne donne comme possibilité pour l’oligarchie que de durcir toujours plus les politiques d’austérité et donc d’augmenter les inégalités sociales. Tout simplement parce que les lois tendancielles de cette formation sociale ne permettent pas autre chose. Comme dans les années 30, les peuples ont alors deux issues : la gauche de gauche ou le processus de droitisation vers l’extrême droite. Le problème pour nous est que la gauche de gauche n’existe pas encore et que nous n’avons qu’une gauche de la gauche en décomposition.
En décomposition car elle est infesté de virus néolibéraux : stratégie du consensus contre la démocratie empêchant de répondre aux besoins du peuple, extrêmisation d’un extrême centre consensuel, maintien des discours perdants qui n’intéressent plus les citoyens, refus de penser le modèle politique post-capitaliste, amour du libre-échange, volonté de défendre l’Union européenne et la zone euro alors qu’elles empêchent toute politique progressiste, sous-estimation des réactions violentes de l’oligarchie en cas de processus « gauche de gauche », croyance que le volontarisme peut faire fi des lois tendancielles des formations sociales capitalistes, soutien au piège du système des primaires, amour du communautarisme anglo-saxon et haine de la laïcité comme principe d’organisation sociale permettant le plus haut niveau de liberté pour tous, dédain de la lutte des classes, dédain de la pratique de masse, refus de penser la lutte entre impérialismes, mépris du peuple et de la nation, acceptation de se couper de la classe populaire ouvrière et employée, refus de l’éducation populaire et de la bataille pour une nouvelle hégémonie culturelle, préférence pour des cartels d’organisations anti-démocratiques, culture de l’entre-soi, refus d’établir une ligne jaune avec les partis néolibéraux de droite comme de gauche, croyance que des partis de masse peuvent se constituer de manière endogène à partir de groupuscules coupés des masses, etc.

Devant l’absence de gauche de gauche, des expérimentations ont lieu ici et là, avec Bernie Sanders aux Etats-Unis, avec Podemos en Espagne, avec la France insoumise en France. Nous devons regarder ces expérimentations avec empathie et de façon humble, tout en sachant que le chemin vers une gauche de gauche sera encore long. Raison de plus pour prioriser l’éducation populaire refondée en vue de construire une nouvelle hégémonie culturelle.

En attendant (et il faudrait plutôt raccourcir le délai !), ce sont l’abstention populaire (60 % des jeunes, des ouvriers, des employés – majoritaires dans le peuple – qui se sont abstenus aux dernières élections) et les réponses réactionnaires de droite ou d’extrême droite qui mobilisent la classe populaire ouvrière et employée et les couches moyennes intermédiaires.

L’élection présidentielle française de 2017 se profile malheureusement dans la lignée du Brexit de droite en Grande-Bretagne ou de l’élection de Trump aux Etats-Unis, en lien avec un durcissement sans comparaison des politiques d’austérité et de « démocrature ».

Au lieu de croire qu’en diabolisant Trump on empêchera la décomposition totale de la gauche de la gauche, il vaudrait mieux être attentif à ce qui peut rassembler le peuple dans une voie progressiste et aussi engager des débats populaires plutôt que groupusculaires. Mais de grâce, laissons au vestiaire les discours trentenaires qui ont alimenté l’actuelle décomposition de la gauche de la gauche. Reprenons les fondamentaux et adaptons-les au XXIe siècle : les pensées de Condorcet, Marx, Jaurès et Gramsci, l’esprit de la Résistance et du peuple mobilisé, le déjà-là produit par le programme du Conseil national de la Résistance et son joyau révolutionnaire la Sécurité sociale, le principe rassembleur de la laïcité, le modèle politique évolutif de la République sociale, avec ses principes constitutifs, les ruptures et les exigences qu’elle implique, ainsi que la stratégie de l’évolution révolutionnaire.
Voilà notre feuille de route pour les quelque 300 rendez-vous annuels dont l’organisation est prévue avec notre partenaire, le Réseau Education Populaire (REP).

PS – Sur l’élection américaine, on peut trouver des éléments intéressants dans la chronique de Relations internationales due à Pierre Guerlain : « Ceux qui ont tué Bernie Sanders ont récolté Trump« .

Voir aussi l’article de Pablo Iglésias, ci-après.