J’étais mardi l’invitée de l’émission française « La ligne jaune », aux côtés de Bernard Teper (UFAL), Pierre Cassen et Anne Zélenski (Riposte laïque). (http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=3033). L’occasion pour moi de mesurer le fossé qui me sépare de Riposte laïque et de faire le parallèle avec un certain activisme islamique. Entre la peste et le choléra, je ne choisis pas.
Non, décidément, entre ceux qui crient haro pêle-mêle sur la viande hallal, le ramadan, les minarets, le voile et j’en passe, et ceux qui, lors d’une récente conférence à Sainte-Walburge, voulaient me convaincre que la viande hallal était intrinsèquement rassembleuse, pouvant convenir à tous, je ne choisis pas. Je ne choisis pas parce qu’autant je me moque que chacun mange hallal ou casher et prie à la mosquée, au temple ou à l’église, autant je refuse que les écoles, les administrations publiques ou, pour faire bref, les institutions de l’Etat adoptent ou s’adaptent à des prescrits confessionnels qui sont tout à fait respectables dans la sphère privée de chacun, mais n’ont pas à influencer la sphère institutionnelle.
Non, décidément, entre ceux qui, sous prétexte que le voile les dérange – et nul ne peut me soupçonner, je pense, de ne pas l’être par ce fichu bout de tissu ! – veulent l’interdire partout, et ceux qui prétendent qu’il est un hommage à la beauté et à la respectabilité de la femme, je ne choisis pas. Je ne veux pas de ce piège à la respectabilité, je veux être respectée pour ce que je suis, non pour ce que j’ai ou non sur la tête. Et je déplore que tant d’hommes, tant de femmes aussi, persistent à jouer ce jeu de la respectabilité conditionnelle. Mais de respect, je n’en ai guère trouvé dans l’attitude d’Anne Zelenski, cette « féministe de la première heure » qui me dégoûterait du féminisme avec ses « mademoiselle », « ma petite » et autres attitudes condescendantes, voire franchement grossières.
Non, décidément, entre ceux qui présentent les musulmans comme les nouveaux envahisseurs, adeptes d’une idéologie fascisante avec qui il ne s’agit pas de vivre, mais qu’il s’agit de faire taire, et cette dame voilée faisant un tableau effarant de l’avenir des jeunes musulmanes si leur voile leur était interdit à l’école, je ne choisis pas : à l’en croire en effet, l’interdiction du voile aurait pour conséquence de renvoyer à leur domicile la majorité des musulmanes, les condamnant à un quotidien de nettoyage et autres travaux ménagers, avant un mariage précoce et une kyrielle d’enfants à la clé. Un tableau que ne désavouerait pas Riposte laïque, qui refuse de distinguer entre islam et islamisme… exactement comme les islamistes.
Je ne choisis pas, parce que je crois que les extrêmes se rejoignent. Je crois que c’est usurper la laïcité que la transformer en traque monomaniaque de tout ce qui ressemble à l’islam. Je crois que la laïcité est un principe politique d’organisation de l’Etat qui interdit à ce dernier de se faire juge des croyances, puisqu’il ne s’agit que d’assurer leur coexistence pacifique. Ce qui implique évidemment certaines balises, chose que les extrémistes musulmans (et autres) se refusent à entendre et encore plus à accepter.
Alors, à Riposte laïque, j’ai envie de reposer cette question, restée sans réponse sur le plateau : que cherchez-vous, au fond ? Cherchez-vous une manière de vivre ensemble, chacun avec ses convictions, sans que nulle ne s’impose aux autres, ou cherchez-vous à démontrer, à l’instar de l’extrême droite, que nous ne pouvons pas vivre ensemble, que les musulmans sont « inassimilables » car porteurs d’une idéologie guerrière et colonisatrice ?
Et à certains de ces activistes musulmans qui remuent ciel et terre pour faire valoir partout la supériorité des lois divines sur les lois humaines, j’ai envie de poser cette question : cherchez-vous à vivre ensemble, avec les non-musulmans, ou à souffler sur les braises qui alimentent Riposte laïque et ses pseudopodes ?