Malgré la fronde de la majorité parlementaire du parti travailliste britannique contre Jeremy Corbyn, ce dernier s’est renforcé à la tête du parti. Les élections régionales espagnoles en Galice et au Pays basque ont montré une légère poussée de la droite et de Podemos au détriment des autres partis. En France, la décomposition des partis de la gauche de la gauche se poursuit. Seule, pour l’instant, la candidature de Jean-Luc Mélenchon suscite un espoir à gauche. Mais tout cela s’effectue dans le cadre d’un effondrement prévisible de la gauche toute entière (gauche de la gauche et gauche gouvernementale). La question se pose donc de savoir si on peut éviter un deuxième tour « droite versus extrême droite ».
Grande-Bretagne
Avec 77 % de participation au sein du parti travailliste britannique, 61,8 % des voix, soit 313.209, sont allées à Jeremy Corbyn, contre 193 229 à Owen Smith, le candidat de la majorité des députés de la formation. A noter que Jeremy Corbin a fait 61 000 voix de plus qu’en 2015.
Pour comprendre l’enjeu politique, il faut savoir que la majorité des députés et Owen Smith sont des néolibéraux, européistes alors que la base sociale ouvrière du parti travailliste a voté le Brexit. Ce scrutin était devenu nécessaire depuis que la majorité des députés avaient reproché à Jeremy Corbyn d’avoir soutenu avec peu de ferveur l’option de rester dans l’Union européenne. La majorité puissante qu’a obtenue Jeremy Corbyn est due au soutien des syndicats, des ouvriers, des employés et des jeunes qui ont voulu rompre avec les politiques néolibérales de la direction d’avant 2015.
Bien évidemment, la tâche des nouveaux responsables ne sera pas facile. Car il faut conduire une mutation du parti travailliste britannique qui est loin d’être terminée pour que cela se transforme en une majorité populaire dans les urnes.
Espagne
Aux élections régionales en Galice, la droite (le parti populaire PP) garde sa majorité avec plus de 41 % des voix. Podemos fait une percée avec plus de 19 % des voix dépassant les socialistes du PSOE qui font moins de 18 %. Le Bloc nationaliste de gauche dépasse 8 %. En résumé, on peut dire : maintien de la droite majoritaire, poussée de Podemos et recul du PSOE et du bloc nationaliste de gauche.
Aux élections régionales du Pays basque, poussée des nationalistes de droite (PNV) avec plus de 37 % des voix, recul des nationalistes de gauche avec un peu plus de 21 %, poussée de Podemos avec près de 15 % des voix, recul des socialistes du PSOE avec moins de 11,5 % et de la droite espagnole (PP) avec tout juste 10 % des voix.
Avec ces deux régions, c’est plus de 10 % du corps électoral espagnol qui a été appelé aux urnes. On voit là que le débat va faire rage au sein du PSOE entre ceux qui veulent un accord national avec la droite néolibérale espagnole et ceux qui veulent un accord à gauche avec Podemos. Après 9 mois sans majorité politique en Espagne, nous verrons s’il y aura une révolution de palais pour changer la direction du PSOE et refaire l’alliance néolibérale PP-PSOE ou s’il y aura une troisième élection législative en 2016 pour que le peuple espagnol choisisse entre ces deux options.
France
La situation française est le produit d’un ras le bol populaire à l’égard de la direction politique du pays depuis 2012 (avec les politiques d’austérité et la criminalisation de l’action syndicale organisée par le gouvernement), d’un processus de décomposition de toute la gauche qu’elle soit gouvernementale et néolibérale ou qu’elle soit la gauche de la gauche. Cette décomposition a pour principale cause le fait que la classe populaire ouvrière et employée qui représente 53 % de la population française s’abstient à 60 % aux élections.
Rappelons que François Mitterrand a été élu le 10 mai 1981 principalement parce qu’il a eu les suffrages de plus de 70 % des ouvriers et des employés. Le contraste est saisissant. Dans les colonnes de ReSPUBLICA, nous avons à de nombreuses reprises fourni un discours explicatif du pourquoi de ce désamour :politiques néolibérales, poussée du communautarisme dans la gauche de la gauche de préférence à la laïcité, facteur important en France d’unification du peuple mobilisé, refus des organisations à construire des campagnes d’éducation populaire refondée, ligne politique qui ne rompt pas avec le néolibéralisme et le communautarisme, stratégie électorale opportuniste, formation économique et politique quasi inexistante dans les partis et les syndicats, refus d’une analyse diachronique, refus de comprendre le réel du capitalisme aujourd’hui, etc.
Ajoutons à cela qu’il est plus difficile aujourd’hui de chercher les 500 signatures pour la présidentielle qu’en 2012. Nous passons allègrement d’un système de démocratie imparfaite à une démocrature. Comme le pouvoir n’est plus dans les communes mais dans les communautés de communes, les agglomérations et les métropoles et que tous leurs dirigeants sont soit PS soit LR, le chantage à la subvention bat son plein.
Même pour Jean-Luc Mélenchon, cela ne sera pas facile d’avoir les 500 signatures. Il en est à 200 promesses de signature. Et encore plus difficile pour tous ceux qui n’ont pas déclenché un rassemblement aussi large que lui.
Pour l’instant, nous nous avançons vers un deuxième tour probable et non souhaitable droite-extrême droite. Et ce ne sont pas les innombrables appels à l’union et à des primaires sans contenus de toute la gauche qui seront susceptibles de faire bouger l’électorat populaire abstentionniste.
Nous verrons la position du PCF début novembre. Mais, sans attendre, on ne peut pas faire l’économie des débats nécessaires pour construire non pas une gauche de la gauche en décomposition, mais une gauche de gauche dont les pratiques sociales et politiques soient à la hauteur des enjeux – comme nous l’avons déjà définie à plusieurs reprises dans ReSPUBLICA – et capable de redonner espoir aux couches populaires. Nos intervenants sont à votre disposition.