Abstention élevée
L’abstention élevée, lors des dernières élections européennes, symbolise le fait que de nombreux citoyens, tant français qu’européens, ne sont pas persuadés que les résultats de cette consultation vont répondre aux nouveaux besoins liés à la crise du capitalisme. Plus de 60% de votants à la première élection des européennes en 1979, près de 60% s’abstiennent aujourd’hui !
Si l’idée européenne peut encore avoir un sens, il faudra bien un jour rompre avec cette Europe de l’argent, de la concurrence, du chômage, du communautarisme et de la privatisation.
La droite majoritaire
La poussée de la droite est générale en Europe sauf en Tchéquie et en Grèce. Ceci est incroyable vu la crise du capitalisme. Cela montre que la gauche vit une de ses plus grandes crises de son histoire, déconnectée qu’elle est des peuples en général et des couches populaires en particulier. Elle n’incarne plus une alternative à la société d’injustice que nous subissons.
La droite est majoritaire mais avec un parti présidentiel seulement à 28%. Bien qu’arrivés largement en tête, rien n’est simple pour eux. L’avenir des amis de Nicolas Sarkozy s’annonce donc difficile pour le scrutin des régionales de l’année prochaine tant que l’hypothèque Modem ne sera pas levée (bien que l’ambiguïté du Modem soit de plus en plus visible et que sa chute semble bien engagée), tant que l’alliance néolibéraux et libéraux ne sera pas reconstituée et tant que l’extrême droite sera aussi puissante bien que divisée elle-même. Et si on regarde la fronde des médecins libéraux face au couple néolibéral Sarkozy-Bachelot, l’alliance n’est pas pour demain. Cette hypothèque pourrait voir de mauvais résultats pour la majorité présidentielle dès le scrutin des régionales de 2010 malgré une droite majoritaire car nous allons avoir là un scrutin à la proportionnelle mais à deux tours ! Mais le PS, champion de la désunion et de l’ambiguïté peut venir au secours de la droite si d’ici là, il n’arrive pas à faire une alliance durable de toute la gauche, écologistes et gauche de la gauche compris ; alliance qui semble d’ores et déjà compromise, bien qu’il ne faille jamais jurer de rien en politique.
La gauche minoritaire, le PS de moins en moins sexy
La gauche est minoritaire avec un PS en berne. Malgré son score, le PS demeure, porteur d’une idéologie libérale, et c’est pourtant lui qui représente la gauche pour beaucoup de Français. Mais la plupart des promesses du PS sont inapplicables à cause du Traité de Lisbonne qu’ils ont pourtant adoubé à Madrid par la signature de Martine Aubry au manifeste du PSE. De ce point de vue, ils sont aussi hypocrites que l’UMP, le Modem et Europe écologie.
C’est pourtant bien la politique destructrice des droits sociaux et des services publics que le PS a voté dans leur quasi-totalité, avec une bonne partie par les Verts, qui est en cause. De plus, leurs pitreries sur le refus de renouveler le mandat de Barroso, alors que chaque jour, un parti « socialiste » européen apporte son soutien à Barroso, deviennent pathologiques. Et on ne parle plus des propos du « socialiste »français, Pascal Lamy, président de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), du type : « Mieux que le protectionnisme, le chômage partiel ». On voit bien que ce n’est pas lui qui se trouve en chômage partiel !
Poussée du non de gauche
Poussée du non de gauche avec plus de 12% (Front de gauche, NPA, LO) après 8,6% en 2004 et 9% à la présidentielle et avec un peu plus de la moitié pour le Front de gauche. Cependant, il y a loin de la coupe aux lèvres dans la mesure où le vote des jeunes pour le NPA est empreint de dissidence culturelle et donc de refus catégorique d’alliance avec le PS laissant des espoirs maigres pour une majorité de gauche à court terme. Il faut tordre le coup d’une idée que nous avons vu fleurir sur le net à savoir que les nouveaux entrants au NPA étaient unitaires et que c’était la direction qui ne l’était pas. En fait la direction ne l’était pas mais le soutien à la ligne de la direction fut beaucoup plus facile que prévu tant les jeunes du NPA sont en dissidence culturelle. Et c’est la raison pour laquelle très peu de militants NPA ont suivi Christian Piquet quand il a rejoint le Front de Gauche avec Gauche Unitaire.
Seule, pour l’instant, une division de la droite pourrait donner, dans l’état actuel des choses, la victoire à la gauche au prochain scrutin.
Bonne tenue du Front de gauche pour sa première apparition : sa campagne fut la plus républicaine (donc de gauche car il n’y a pas d’espace dans la phase turbocapitaliste d’aujourd’hui pour le républicanisme de droite) et cela lui a permis de marquer des points vu que seule cette ligne stratégique est audible dans les couches populaires (ouvriers, employés). Il ne faut jamais oublier que ces couches populaires représentent plus de 50% des ménages ! Et que la défaite du PS à la présidentielle est due à l’effondrement du vote des couches populaires au deuxième tour de la présidentielle (54% au lieu de plus de 75% le 10 mai 1981 !).
Nous ne pouvons que saluer cette réussite car la stratégie du Front de gauche est la seule crédible aujourd’hui pour la gauche internationaliste, laïque et républicaine.
Mais le Front de gauche pour être crédible doit éviter les errements du type « Indigènes de la république » qui freineraient le renouvellement stratégique. Le relativisme culturel n’est pas de nature à faire avancer la conscience de classe ainsi que la compréhension de la nécessaire action collective pour des droits universels. Le droit à la différence ne doit pas servir la différence des droits. Place aux débats, à la clarté, à la cohérence !
Forte percée historique des écologistes
Le groupe écologiste européen va croître au-delà de leurs espérances. En France, Europe Ecologie talonne le PS au niveau national mais fait près de 50% de plus que lui en région Ile-de-France ce qui est historique. Manifestement, la stratégie d’union des écologistes a payé.
Ce vote obtenu auprès des classes moyennes montre l’importance des questions environnementales dans les solutions à apporter aux crises actuelles. Nos préoccupations vont aussi dans ce sens et nous devons les faire davantage émerger, car le lien entre le social, l’humanisme, la laïcité, la république, l’écologie est naturel, et s’inscrit dans une vision globalisante qui seule peut construire le projet alternatif de société dont la gauche à besoin.
Le passage du film de Yann-Arthus Bertrand la veille du scrutin qui a, au dire de son réalisateur, entraîné quelques votes en faveur de la liste Europe Ecologie, pose au-delà de la manipulation grossière que cela représente et du fait que les médias sont aux ordres du pouvoir, la volonté justement de ce pouvoir de valoriser cet assemblage écologique qui accepte la concussion avec le libéralisme. Il est donc impératif ne pas laisser l’écologie politique aux « bobos » parisiens (et donc de faire croire qu’il n’y a là que de l’écologie pour ceux qui n’ont plus de problèmes par ailleurs et qui sont d’accord avec le néolibéralisme) ; ceci afin de lutter contre le néolibéralisme qui instrumente la cause écologique en minant l’écologie politique. Il faut donc proposer une alternative globale où l’écologie politique est incluse dans le centre d’un projet alternatif de société porté par la gauche de manière à rassembler les couches populaires et les couches moyennes.
Une extrême droite encore forte mais de plus en plus divisée
Une extrême droite qui sort renforcée en Europe. En France, elle est de plus en plus divisée et avec des courants de plus en plus ouvertement anti-arabe ou antisémite. D’ailleurs, cela est corroboré dans la plupart des pays européens bien que dans certains cas l’extrême droite se soit unifiée comme aux Pays-Bas.
Le républicanisme de droite n’a plus d’espace politique
Ce scrutin a également montré que le républicanisme de droite (Debout la République) n’a plus d’espace politique. En fait, le républicanisme de droite n’a pas survécu à l’arrivée du turbocapitalisme. La bourgeoisie nationale triomphante des « 30 glorieuses » qui fut la base du républicanisme de droite a implosé devant l’hégémonie de la bourgeoisie néolibérale.
Effondrement du château de cartes échafaudé par les militants de gauche et d’extrême gauche qui ont rejoint la droite souverainiste dans un « ni gauche, ni droite » sans avenir et sans réalité politique. Les adeptes de François Morvan, ancien membre du Comité Central de la LCR, d’anciens communistes ou chevènementistes, abandonnant la république pour le souverainisme « ni gauche, ni droite » (ce qui veut dire objectivement de droite !), qui fleurissent sur internet et qui produisent l’illusion d’un impact. En fait, ils n’auront pas d’autres choix que de convenir de leurs erreurs ou de continuer encore plus leur dérive droitière comme dans les années 30.
Question centrale : où en sont les couches populaires ?
Le problème principal de la gauche (et de l’extrême gauche) est qu’elle n’arrive plus à avoir un soutien massif des couches populaires (ouvriers et employés). Seul LO a une petite implantation dans les couches populaires, mais son score limité ne lui permet pas de jouer le rôle qu’elle souhaiterait. Sinon, tous les autres partis de gauche et d’extrême gauche (y compris le Front de Gauche et le NPA), ont une implantation limitée dans les couches populaires et sont formés de militants largement issus des couches moyennes avec des directions venant quasi exclusivement des couches moyennes supérieures radicalisées. Le fossé est donc toujours là. Les couches populaires sont aujourd’hui abstentionnistes, faute de propositions programmatiques efficaces et de responsables politiques qui ont leur confiance, ce qui rend pour l’instant impossible une victoire de la gauche par une majorité franche. Il est vrai qu’ici et là, pour le Front de Gauche et à un degré moindre pour le NPA, une minorité de ces couches populaires a voté pour eux. Mais la question programmatique doit pouvoir être discutée en dehors des périodes électorales.
Quand cette gauche comprendra t’elle le nécessaire travail d’éducation populaire tourné vers l’action auprès des couches populaires ?
Quand comprendra t’elle que cela ne peut se faire principalement que dans le mouvement social et non dans les partis ?
Le rôle du mouvement social est de poursuivre la stratégie de front large dans les luttes et d’engager le gigantesque travail d’éducation populaire tourné vers l’action.
Les partis ont autre chose à faire que personne ne peut faire à leur place, celui d’élaborer la ligne stratégique permettant le rassemblement majoritaire pour rompre avec le turbocapitalisme par la prise du pouvoir par les urnes !
Vouloir faire, par le parti, ce qui est dévolu aux organisations du mouvement social (syndicats, associations, mutuelles solidaires), ou l’inverse, est le meilleur moyen de choisir l’impasse théorique et pratique. L’action est impérative dans ces deux sphères, chacune à sa tache, chacune suivant ses actions et les axes qui lui sont propres ; il en va de l’efficacité de notre combat.