Alors que les sondages indiquent des intentions de vote à raison de 26 % chez les 18-24 ans en mars (soit le double de ce qu’elles étaient au 4e trimestre 2011 !), et quoi qu’on pense de leur possibilité à influer significativement sur les résultats, il faut reconnaître que l’opération « dédiabolisation/médiatisation » de Marine Le Pen porte ses fruits chez les jeunes. Si ces intentions se traduisaient par un passage au vote effectif au détriment de l’abstention, il faudrait d’une part que les partis républicains s’interrogent sur leur discours, de l’autre que toutes les générations subséquentes se demandent quelle culture politique elles ont transmis à celle de ces 18-24 !
Donc d’urgence avant le premier tour, achetez la BD dont il va être question, offrez-la ou laissez-la négligemment traîner sur la table du salon à la vue des jeunes qui passent… tout en vous préparant à répondre à des questions sur les périodes qu’ils n’ont pu connaître et sur les égouts qui ont au fil du temps alimenté le FN : néo-nazis, royalistes, catholiques intégristes, OAS, néo-païens, skins et autres antisionistes extrêmes sinon négationnistes. Ce sera une oeuvre de salubrité.
Car il ne suffit visiblement plus de dire que le FN n’est pas un parti comme les autres ni de réfuter ses idées comme si elles se plaçaient dans un continuum de possibles acceptables. La nature même du Front national est à prendre en compte dans ses racines et c’est ce à quoi aide le livre de Caroline Fourest et Fiametta Venner (La vie secrète de Marine Le Pen, paru en 2011). Voici l’adaptation en bande dessiné du livre (sous le même titre, signé de Caroline Fourest et, comme dessinateur, de Jean-Christophe Chauzy, Grasset/Drugstore, 2012). Plus de 100 pages bourrées d’informations (et notamment de nombreuses notices bibliographiques sur les protagonistes de cette histoire – qui commence à la naissance de « l’héroïne » en 1968, mais n’omet pas de retracer les états de service du papa).
Si cette biographie de Marine Le Pen remet les pendules à l’heure sur les versions misérabilistes de son enfance et donne une image peu flatteuse de la femme « courageuse », sa personne n’est pas l’essentiel dans toute la période qui aboutit à la purge des mégretistes en 1998 : c’est bien d’un clan et de népotisme qu’il s’agit, d’un « cloaque familial » pour reprendre l’expression du rival malheureux purgé à cette époque faute d’avoir pu purger lui-même le Paquebot de Montretout. Les liaisons mafieuses ne sont pas esquivées et on ne sera pas surpris de voir la façon dont le FN tente de se sortir de la déconfiture financière où l’a plongé le résultat des élections de 2007.
La suite est mieux connue mais la façon dont la fille prend ses distances avec le père tout en restant dans l’admiration totale, la conquête de Hénin-Beaumont et l’évolution des courants internes (les rapports avec Bruno Gollnisch et le congrès de Tours du 15 janvier 2011) constituent à la fin du livre une apothéose dans le comique.
Car bien sûr c’est une BD qui vous fera éclater d’un rire (grinçant) sans complaisance et fournira bien des arguments annexes au débat de fond.