2012. Voilà nos militants de gauche, voire de la gauche anti-libérale, qui se mobilisent. Les meetings sont pleins de militants enthousiastes, persuadés que leur leader va les mener à la victoire, à la transformation sociale. Forts de leur leader charismatique, ces « militants politiques » estiment réussir directement par le bulletin de vote, là où les militants sociaux (associations, syndicats, notamment) n’ont pas réussi dans le mouvement social des retraites malgré leurs efforts. Nous serions sauvés par DSK, Aubry, Royal, Joly, Mélenchon, Chassaigne, Gérin, Besancenot, entre autres bien sûr.
Antilibéraux, néolibéraux ? L’essentiel est de gagner la transformation sociale et politique. Plus que la victoire des postes en 2012, c’est le chemin de l’émancipation culturelle, sociale et politique qui compte !
Pour ce faire, trois conditions indispensables sur lesquelles Respublica reviendra chaque semaine:
- rien ne se fera sans les fronts de résistance du mouvement social syndical où les “militants des partis politiques” ne sont pas assez présents ;
- rien ne se fera sans un développement des structures autonomes d’éducation populaire tournées vers l’action liées aux mouvements sociaux et politiques où les “militants des partis politiques” ne sont pas assez présents ;
- rien ne se fera sans prendre à bras le corps les impensés de la gauche qui obèrent sa renaissance aux yeux des couches populaires (ouvriers, et employés majoritaires en France (53%), loin devant les couches moyennes intermédiaires et supérieures.
Montrons, par exemple, un impensé dont personne ne parle et qui est malgré tout un point important dans la nécessaire reconquête des couches populaires. Toute société, tout modèle politique a des élites économiques, politiques et culturelles : la question est de savoir comment elles se constituent. Dans l’Ancien régime, c’était simple : par l’héritage et par l’allégeance. Au tout début du 20ème siècle, le flux annuel des donations et des patrimoines par rapport au revenu national était de 24,1 %. Nous étions alors dans une France dont les élites étaient les enfants des élites d’hier : la transmission se faisait par le sang.
Les avancées du début de la troisième République et les situations laissées par les cataclysmes des deux guerres mondiales ont fait baisser ce flux à moins de 10 % à la fin de la première guerre et à moins de 5 % après application du programme du Conseil national de la résistance (gloire à lui!) vers les années 1950. Nous commencions donc à sortir de la France des héritiers financiers directs.
Patatras !, la division de la gauche, sa trahison, le travail culturel des néolibéraux (Hayek, Société du mont pèlerin dès les années 50), la construction européenne faite pour la finance et les héritiers, la nouvelle gouvernance mondiale, les militants déboussolés ne se vouant qu’à des leaders, ont fait remonter ce taux à 14,5 % en 2008. Tout porte à croire qu’avec le sarkozysme ce taux est sans doute encore plus fort aujourd’hui. Retour à la case départ : la constitution des élites par le sang.
Face à ce phénomène, l’impensé de la gauche est donc de croire qu’on peut aller vers la transformation culturelle, économique et sociale sans comprendre que les couches populaires ne se mobiliseront que s’il y a, entre autres bien sûr, le retour à une mobilité sociale forte (on appelle mobilité sociale le niveau de possibilité de sortir de sa couche sociale de naissance pour aller par l’enseignement et le travail vers les élites du système).
Demandons à un militant politique “débordé” (qui ne fait pourtant rien sur les points 1,2,3 évoqués précédemment) ce que propose son organisation pour endiguer la constitution des élites par le sang et pour augmenter la mobilité sociale… nous n’obtiendrons que les balbutiements de ce militant désespéré, invoquant son leader charismatique afin de l’amener vers la victoire en chantant…