Disons-le tout net : un certain nombre de mesures présentées au Bourget sont de bonnes mesures que tout militant du mouvement social accepte volontiers. Mais il n’y a pas de mesures qui visent à une alternative au modèle néolibéral parce qu’il n’y a pas de mesures suffisantes pour agir sur les causes de la triple crise.
Le ton de son discours est devenu plus ferme contre la finance internationale mais les propositions ne suivent pas.
Bien sûr, la séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires et la taxation des transactions financières vont dans le bon sens. Mais il n’y a rien par exemple pour financer les États à près de 0 % car seule une banque centrale peut le faire – ce qui est interdit par l’article 123 du traité de Lisbonne. François Hollande ne dit pas qu’il faut désobéir aux articles 123 et 125 du traité de Lisbonne. C’est pourtant essentiel. Il ne dit rien non plus sur la nécessité d’un audit citoyen de la dette, etc.
Il ne dit pas comment il compte régler le problème du libre-échange qui empêche tout développement tant des pays moins avancés que de la France (et sa nécessaire réindustrialisation).
Il dit qu’il veut 60.000 enseignants en plus uniquement par redéploiement ce qui veut dire qu’il compte supprimer 60.000 nouveaux postes de fonctionnaires ailleurs (sans dire où, ce qui est très préoccupant pour les hôpitaux, la police, etc.).
Sur le développement des services publics et des services de santé et de protection sociale, nous restons sur notre faim dans la mesure où les couches populaires et les couches moyennes intermédiaires (77 % de la population) souffrent des inégalités sociales de santé, du refus de soins pour cause financière, des dépassements d’honoraires, des franchises sur les soins, de la désertification médicale, des délais d’attente de plus en plus grand,s des maisons de retraite à prix prohibitifs pour elles, etc.
A part les créations d’emplois aidés, l’insuffisance est patente des projets contre le chômage, contre la précarité, contre les CDD, contre les temps partiels subis, contre la pauvreté, contre le manque de logements (nécessité de 500.000 constructions nouvelles par an dont la très grande majorité en logement social : le durcissement souhaitable de la loi SRU proposé par François Hollande est insuffisant pour obtenir cet objectif), contre la dette illégitime (car n’ayant servi qu’à enrichir les spéculateurs sans lien avec l’économie réelle).
Rien sur la nécessaire augmentation du remboursement de l’assurance-maladie ni sur le refus de la retraite à 60 ans pour tous. Là encore, François Hollande nous fait croire qu’il y a un problème démographique pour les retraites, alors que c’est un leurre comme ce fut un leurre de croire en 1960 que diviser le nombre de paysans par 10 et doubler le nombre de bouches à nourrir en 50 ans allait aboutir en 2010 à la famine… (1)Là encore, les conférences du Réseau Éducation Populaire et du réseau Salariat montrent que le salaire disponible moyen aura augmenté en 2050 de 50 % en 40 ans pour une augmentation de la richesse de 90 % (chiffre du Conseil d’orientation des retraites). On peut même montrer que si l’augmentation de la richesse est seulement de 60 %, le salaire moyen disponible sera encore supérieur de plus de 13 % à celui d’aujourd’hui. Il n’y a donc pas de problème démographique nécessitant une contre-réforme régressive même si on passe de 6 retraités pour 10 actifs aujourd’hui à 9 retraités pour 10 actifs en 2050.
En fait, François Hollande en ne prenant pas à bras-le-corps le problème de la répartition des richesses de plus en plus inégalitaires entre d’une part les salaires directs (le bas de la fiche de paye) et les salaires socialisés (les prestations sociales) et d’autre part les profits, s’interdit de changer de modèle politique et nous fait croire qu’un modèle néolibéral de gauche est susceptible de changer la donne. N’a-t-il pas compris qu’il faut partir d’une critique du tournant néolibéral de 1983 et non pas rester dans le paradigme des Zapatero, Papandréou, Socrates et consorts ?
Même la proposition de constitutionnalisation de la loi du 9 décembre 1905, qui va dans le bon sens, mérite quelques éclaircissements : ne voit-on pas le Sénat à majorité socialiste voter un amendement du sénateur socialiste Alain Richard visant à permettre le financement des crèches confessionnelles en contradiction avec la loi de Séparation ! Et Roland Ries, maire de Strasbourg et membre de l’équipe de campagne de Hollande, déclarer que son candidat est favorable au maintien du statut concordataire en Alsace-Moselle ! Tout cela fait désordre, mais François Hollande voudra-t-il désavouer sa majorité au Sénat et le maire de Strasbourg ?
Pour exercer la vigilance nécessaire aux enjeux de la période et éclairer les citoyens, le journal ReSPUBLICA appelle infatigablement à des initiatives d’éducation populaire tournées vers l’action.
Notes de bas de page
↑1 | Là encore, les conférences du Réseau Éducation Populaire et du réseau Salariat montrent que le salaire disponible moyen aura augmenté en 2050 de 50 % en 40 ans pour une augmentation de la richesse de 90 % (chiffre du Conseil d’orientation des retraites). On peut même montrer que si l’augmentation de la richesse est seulement de 60 %, le salaire moyen disponible sera encore supérieur de plus de 13 % à celui d’aujourd’hui. Il n’y a donc pas de problème démographique nécessitant une contre-réforme régressive même si on passe de 6 retraités pour 10 actifs aujourd’hui à 9 retraités pour 10 actifs en 2050. |
---|