A posteriori, on mesure à quel point le putsch organisé par l’oligarchie du Honduras le 28 juin 2009, avec le soutien implicite, puis direct des Etats-Unis, trahissait, depuis le départ, un état de nervosité croissant de cette dernière face à la montée des aspirations populaires dans la vie politique et économique du pays.
Alors que le 29 novembre, on assistait là bas à une mascarade électorale portant au pouvoir, dans un contexte de forte abstention, le président conservateur – non légitime – Porfirio Lobo, en Uruguay, le candidat du « Frente Amplio » (Front élargi), José « Pépé » Mujica, emportait avec 51,2 % des voix l’élection présidentielle. Un événement qui, avec le triomphe d’Evo Morales en Bolivie le 6 décembre, démontre que la gauche progressiste, dix ans après son émergence, dure, s’enracine, et même se développe en Amérique latine.
En obtenant près de 63 % des voix à l’élection présidentielle et les deux tiers des sièges au Parlement avec son parti – le Mouvement vers le socialisme (MAS) – , Evo Morales inaugure ainsi un nouveau mandat ( le second, mais le premier dans le cadre de la nouvelle Constitution) et consolide le mouvement de révolution démocratique en cours en Amérique du Sud.
La crise systémique internationale, les difficultés et contradictions inhérentes à des processus qui visent la transformation des structures économiques, politiques, et sociales de la société, les campagnes médiatiques offensives et à charge contre les plus emblématiques des gouvernements de transformation du sous-continent (Bolivie, Equateur, Venezuela), les menaces des Etats-Unis qui organisent leur retour militaire sur place, notamment via l’ouverture de sept nouvelles bases en Colombie n’y changent rien : un vaste mouvement populaire, profondément réfractaire au néolibéralisme et aux nouvelles prétentions impérialistes du puissant voisin étatunien, traverse durablement l’Amérique latine et peut s’appuyer sur des gouvernements qui relaient largement ses revendications.
Dans tous ces pays, et sous des formes diverses qui correspondent aux contextes des uns et des autres, une relation dynamique se construit entre mouvements populaires, forces politiques et gouvernements autour de quelques moteurs :
- la refondation citoyenne de la nation par l’organisation de constituantes (un « constitutionalisme populaire » selon la formule de Hugo Chavez),
- la réappropriation sociale des ressources naturelles et énergétiques,
- le développement de politiques sociales et environnementales ambitieuses.
- Sur ce dernier point, les pays de l’Alliance bolivarienne des peuples d’Amérique (Alba), notamment la Bolivie, sont à la pointe des propositions reprises par les mouvements sociaux de la planète pour lutter contre le réchauffement climatique (reconnaissance de la dette écologique des pays du Nord, rejet des agrocombustibles, fin du régime privé des brevets, instauration de taxes globales sur toutes les transactions financières, etc.),
- l’indépendance vis-à-vis des Etats-Unis et des institutions financières internationales ( FMI, Banque mondiale, OMC),
- le développement de nouvelles formes d’intégration régionale : Union des nations sud-américaines (Unasur) et Alba.
Certains journalistes du Monde se demandaient quelques jours avant l’élection bolivienne, qui, à part « une poignée d’entreprises étrangères attirées par ses richesses naturelles et des altermondialistes fascinés par la charge symbolique du syndicaliste d’origine aymara parvenu au pouvoir (…) s’intéresse aujourd’hui à la Bolivie ? »
N’en déplaise à nos médias en campagne, la réponse s’impose : les peuples.
Cette nouvelle n’est pas bonne pour les oligarchies sud-américaines. Le coup d’Etat au Honduras a constitué le point de départ d’une nouvelle bataille politique et idéologique entre ces dernières, leurs alliés et les peuples en mouvement. Certains médias ont déjà choisi leur camp.
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Source : http://www.marianne2.fr