Hakim Arabdiou : Pouvez-vous d’abord vous présentez brièvement à nos lecteurs ?
Ibtissame Betty Lachgar : J’ai 34 ans et je suis psychologue clinicienne-psychothérapeute au Maroc.
H. A : Votre projet de pique-nique public en plein ramadan a finalement été empêché d’avoir lieu par la police du roi. Avez-vous été assez naïve pour croire que le pouvoir marocain allait vous laisser déjeuner en public en plein ramadan ?
I.B.L : Naïf n’est pas le terme. Nous voulions une action symbolique qui puisse vraiment pointer du doigt les contradictions entre ce que dit la constitution et la réalité, entre la Convention internationale des droits civiles et politiques ratifiée par le Maroc en 1979 et la réalité, et donc demander l’abrogation de l’article 222 du Code pénal marocain, qui condamne d’un a six mois de prison ferme quiconque “notoirement connu pour son appartenance à l’islam” rompt le jeûne en public.
H. A. : Est-ce que vous vous attendiez à une intervention policière? Votre objectif était-il de provoquer un coup d’éclat médiatique autour de votre revendication de la liberté de ne pas suivre les prescriptions du ramadan ?
I.B.L. : Nous nous attendions nullement à une intervention policière et encore moins de cette envergure. Et, encore une fois, ce n’était pas le ramadan qui était “ciblé” mais la liberté de culte, de conscience. Liberté de croire ou non, de pratiquer ou non, d’être musulman ou non. C’est un choix personnel, individuel et spirituel. Quelle est cette foi par contrainte? Il n’est plus question de foi à ce moment là. De plus, l’article 6 de la Constitution marocaine garantit la liberté de culte pour tous et l’article 18 de la Convention internationale également. Nous avons choisi la période du ramadan, car nous condamnons l’article 222 du CP qui est au cœur de ce combat et représentatif de cette contradiction entre les textes (Constitution et Convention internationale) et le Code pénal.
H. A. : Cette action vous a valu des démêlés avec la police et la justice marocaines.
I.B.L. : Il y a eu enquête, donc interrogatoires. Mais il n’y a pas eu de suite, nous n’avons pas été poursuivies en justice. En revanche, nous avons été interdites de quitter le territoire mais sans notification, ni verbale ni écrite, ce qui était illégal, d’autant qu’il n y avait pas de poursuites. Grâce à l’aide de notre avocat et de plusieurs associations internationales des Droits de l’Homme, l’interdiction fût levée.
H. A. : Quel bilan tirez-vous de votre action ? et quelles perspectives avez-vous tracées à votre Mouvement alternatif pour les libertés individuelles au Maroc ?
I.B.L. : Notre action a été une réussite et un succès. Le buzz médiatique involontaire a délié les langues, on commence à parler de liberté de religion et de conscience, et contrairement à ce que l’on peut croire, de nombreux jeunes marocains sont pour cette liberté là et les libertés individuelles en règle générale.
Quant aux perspectives, nous avons été très actifs, nous, membres de MALI, lors des nombreux procès intentés à la presse, nous soutenons nos camarades journalistes et défendons fermement la liberté d’expression! Nous préparons d’autres actions au nom des droits humains et des libertés, particulièrement la liberté de la femme.