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Ils sont fous ces Romains !

La mondialisation a quelque chose de vertigineux. Pour trier dans cette immensité, la tentation est grande de se raccrocher à ce qui nous ressemble plutôt qu’à ce qui nous rassemble : l’identité et non les idées. La peur de l’uniformisation favorise paradoxalement le repli identitaire, qu’il soit communautaire, culturel, religieux, régional ou national. Face à ces crispations, qui s’entrechoquent, il existe deux tentations : celle de laisser « filer » le lien social et celle de recoudre la société avec un corset.

Un certain angélisme multiculturaliste voudrait croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. L’inflation de demandes particularistes au nom du religieux ne poserait aucun problème. Dans certains pays, l’invocation de la culture ou de la religion permet même d’obtenir des passe-droits. Une femme en voile intégral a le droit de faire ses courses masquée alors qu’une femme en cagoule serait arrêtée.

Au Canada, un patient juif a été soigné en priorité aux urgences pour lui permettre d’être rentré avant shabbat, alors qu’un fan de « Stargate » n’aurait jamais obtenu pareille faveur pour ne pas rater sa série favorite. En Grande-Bretagne, les sikhs ont le droit de conduire une moto sans casque pour porter le turban, alors que des bikers en bandana récolteraient une amende. Aux États-Unis, les Américains d’origine amérindienne peuvent consommer des substances hallucinogènes traditionnelles, alors que de nombreux fumeurs de cannabis sont arrêtés au titre des lois antidrogues… Ces passe-droits n’ont l’air de rien. Mis bout à bout, ils défont l’égalité et l’universalité.

Usés par des débats sans fin sur comment « accommoder » ou interdire ces demandes insolites, les peuples perdent patience. Il devient facile de leur expliquer que tous les maux viennent d’une seule religion, l’islam, et non de l’intégrisme. Qu’il suffirait de stopper l’immigration pour sauver l’identité nationale… alors que des converties aux yeux bleus portent le niqab et que des Algériennes ont immigré en France pour ne pas porter le voile.

Qu’importe ces subtilités. Les plus hautes autorités suggèrent de se replier sur l’identité nationale pour répondre au repli communautariste. L’islam serait la religion des « accueillis » et n’aurait qu’à se faire discret pour ne pas choquer ceux qui « accueillent ». Tout sonne faux dans le récit qu’on nous propose. L’islam devient une religion exogène du seul fait de l’antériorité judéo-chrétienne. Et la France se voit redéfinie par ses racines religieuses davantage que par ses lois laïques, comme si Clovis l’avait emporté sur la Révolution française. N’était-ce pas, déjà, le propos risqué du président à Saint-Jean-de-Latran ?

On croit également reconnaître un slogan à la mode : « A Rome, fais comme les Romains. » Tant pis si l’intégrisme est un phénomène politique et non culturel. S’il séduit certains Gaulois et révulse d’autres musulmans, tout aussi « Romains » que les autres. Subtilités d’intellectuels, on vous dit…

Comment ne pas conforter la surenchère avec de tels arguments ? Déjà, Marine Le Pen nous explique que la solution ne réside pas seulement dans l’identité nationale mais l’identité française voulue par le FN. Comme si l’intégrisme catholique et le nationalisme étaient la réponse au communautarisme musulman… Comme si on pouvait résoudre la crise du multiculturalisme en revenant au monoculturalisme !

Heureusement, il existe une alternative à ces deux tentations. Accepter de reconnaître que ce défi est politique et non culturel. Ne pas y répondre par l’identité mais par l’idéal : l’humanisme laïque et universaliste. Retrouver le chemin d’un modèle français qui combat les inégalités et renforce la citoyenneté. Continuer à faire de la laïcité le coeur de ce nouveau pacte citoyen. En un mot : ne pas appeler à faire comme chez les « Romains », mais résister à tous ceux qui voudraient nous ramener soit à l’âge de la pierre, soit à celui de l’Empire romain.

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