Très beau livre de plus de 150 pages (coédition Canopé/éditions Tallandier, 24,90 euros) avec beaucoup de photos et de documents manuscrits.
Jean Zay, personnage fulgurant, député à 27 ans, ministre à 32 ans, assassiné à 40 ans. Il restera un ministre qui a républicanisé l’école au sens où on l’entend dans Respublica. Il a fait entrer l’école dans un processus visant à parfaire la mission de l’école à savoir construire la pensée personnelle des futurs citoyens. D’autre part, contrairement à beaucoup d’autres responsables du Front populaire, il possédait une ligne juste face à la montée de l’extrême droite et du nazisme. On peut regretter qu’Antoine Prost ait légèrement déformé la biographie de Jean Zay pour laisser croire à la lecture au rôle de précurseur de Jean Zay par rapport aux politiques pédagogistes des gouvernements à partir de la décennie 70 (la théorie du continuum alors qu’il y a rupture !) alors que Jean Zay donnait à l’école la mission de former le futur citoyen ce qui devient de moins en moins le cas dès les années 70. Il passe étonnamment sous silence les trois circulaires laïques de Jean Zay du 1er juillet 1936, du 31 décembre 1936 et du 15 mai 1937 qui pourtant sont les circulaires qui interdisent les signes politiques et confessionnels dans l’école publique, fort importantes pour l’époque. Il y a simplement dans le livre un fac-similé d’un tract qui fait mention de la circulaire du 15 mai 1937 sans lui donner son importance capitale.
Cela dit, le livre détaille sa jeunesse et son éducation républicaine et dreyfusarde. Son père juif mosellan est titulaire de la Croix de guerre. Sa mère protestante issue d’une famille qui a maintenu la mémoire des persécutions organisées par le pouvoir et l’église catholique. Boursier, primé au concours général, il participe et dirige plusieurs journaux tant politiques que littéraires. Le livre relate bien l’affaire du poème pacifiste « Le drapeau », écrit dans sa jeunesse et publié dans Le grenier, qui a valu à Jean Zay une ignoble campagne mettant en cause son patriotisme. Brillant avocat, il ranime les JLR (Jeunesses laïques et républicaines). Ministre, il est le ministre du début de l’unification dans le second degré des primaires supérieures et des classes secondaires payantes. Il dépose le 5 mars 1937, un projet de loi de 22 articles sur l’organisation du primaire et du supérieur. il traite en même temps les activités dirigés et les activités sportives dans un esprit de formation complète du futur citoyen. Loin des nouveaux prêtres actuels des « sciences de l’éducation » , il est favorable aux expérimentations pédagogiques au sein de l’école publique mais avec la liberté pédagogique de l’enseignant. Il développe la Recherche. Étant ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-arts, il est un grand développeur du secteur culturel et les grandes innovations culturelles de la Libération proviennent pour beaucoup des innovations expérimentales de Jean Zay.
Jean Zay a vécu dans l’adversité et cumulait les haines en provenance de l’extrême droite parce qu’il était juif mâtiné de protestantisme (mal vu aussi à l’époque), franc-maçon du Grand Orient de France, opposant à la doctrine sociale de l’Église en provenance de la droite en matière de politique scolaire, car il souhaitait une école populaire pour tous. La milice l’a assassiné sans doute parce que, pour elle, l’emprisonnement n’était pas une sanction suffisante.
Lire ce livre pour éviter de faire de Jean Zay un mal-connu célèbre à l’instar de Jaurès