L’auteur, Guy Georges, ancien secrétaire général du Syndicat national des enseignants (SNI), relate dans son ouvrage la Bataille de la laïcité : 1944-2004 (éd. Sudel, Paris, 2008) ce que fut la chronologie et l’âpreté des luttes pour la défense l’Ecole publique et de son caractère laïque, menées de 1944 à 2004 par le SNI, la Fédération de l’Education nationale (FEN) et le Comité national d’action laïque (CNAL). Cette relation est effectuée à travers l’analyse de deux journaux syndicaux : L’Ecole libératrice, publication hebdomadaire du SNI, et Enseignement public, publication mensuel de la FEN.
On y apprend que dès la Libération une offensive globale, concertée et convergente contre la laïcité scolaire et l’Ecole publique avaient été déclenchée par l’Eglise catholique et le Vatican, offensive fermement soutenue par la droite et l’extrême droite.
Il s’agissait pour le parti clérical d’obtenir avant tout le financement de l’Ecole privée par les fonds publics, d’un statut de l’enseignement privé et du caractère d’un service public, tout en maintenant le « caractère propre » de cette Ecole, à savoir continuer à dispenser l’enseignement des matières et des activités spécifiques, avant tout catholiques.
Ce parti menait également sa lutte autour de deux autres axes. Le premier visait à dégrader la qualité de l’enseignement public, en le privant de moyens financiers, infrastructurels et humains, qui lui manquaient déjà cruellement ; tandis que l’Ecole privée se voyait octroyer des aides multiformes et croissantes par les pouvoirs publics.
Le deuxième avait été d’essayer de dépouiller d’école publique de son caractère laïque en réclamant l’introduction en son sein de cours de religion chrétienne et en s’adonnant au prosélytisme à travers les aumôneries dans les collèges et à travers les Paroisses universitaires dans les Ecoles normales, et si possible dans les Cours complémentaires.
Les Parlementaires laïques, de gauche pour l’essentiel, ont toutefois réussi en mai 1945 à faire supprimer partiellement le financement du privé, non sans que les parlementaires antilaïques de droite ne soient parvenus à y imposer plusieurs dérogations.
De leurs côtés, les forces syndicales et laïques, le SNI, la FEN et le CNAL, avaient réclamé la mise en œuvre des vastes plans Langevin-Wallon et de Le Gorgeu, de construction et de reconstruction des infrastructures scolaires publiques, de dotation en moyens matériels et humains, etc. Ils avaient également réclamé, dès 1944, l’abrogation des lois antilaïques d’enseignement, en premier lieu celles qui avaient été promulguées par le régime de Collaboration de Vichy, ainsi que la nationalisation des écoles privées.
A l’offensive du parti clérical, les forces progressistes ripostaient également par de fréquentes et immenses manifestations et grèves de protestation ; par des campagnes d’information permanentes tous azimuts ; par la tenue de colloques sur l’école et sur la laïcité ; par la commémoration grandiose des centenaires des lois laïques de la seconde moitié du XIXe siècle, instituant la gratuité, l’obligation et la laïcité de l’enseignement.
Le parti clérical a cependant atteint la plupart de ses objectifs au cours de ce dernier demi-siècle. Il en est ainsi de l’adoption en 1951 des lois Barangé et Marie qui ont permis d’octroyer des bourses d’études aux enfants inscrits dans les établissements scolaires privés, bourses très vite augmentées et étendues à d’autres catégories d’élèves de ce même enseignement.
L’espoir des forces laïques suscité par l’accession de la gauche au pouvoir, en 1956, fut vite déçu. En effet, elle n’avait abrogé que les lois antilaïques, votées depuis 1951, et non pas toutes les lois antilaïques, promulguée depuis le régime de Collaboration de Vichy.
La droite, revenue au pouvoir, fit voter la loi Debré le 31 décembre 1959 qui fait prendre en charge par l’Etat les salaires et les dépenses de fonctionnement des écoles privées. Celles-là mêmes qui, en retour, acceptent d’adopter les programmes, les examens et les diplômes en vigueur au ministère de l’Education nationale (contrat d’association). La même loi assure un financement partiel des écoles, qui ne souhaitent pas se soumettre aux conditions ci-dessous (contrat simple).
En réaction à cette remise en cause frontale de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905, portant séparation des Eglises et de l’Etat, près de 11 millions de Françaises et de Français avaient signé la pétition nationale pour l’abrogation de cette loi, lancée par 13 organisations syndicales, politiques ou laïques.
La loi Debré fut aggravée par la loi Guermeur, qui avait établi un contrat unique, nettement plus avantageux pour l’Ecole privée que les deux précédents. C’est ainsi qu’elle avait instauré la quasi-égalité de financement, de formation et de salaire de l’Ecole privée avec l’Ecole publique, mais sans que la première des deux ne soit soumise aux mêmes obligations que la seconde.
L’on assiste toutefois à des décantations au sein de l’Ecole privée à la fin des années 1960. C’est ainsi que la plupart des syndicats de l’Ecole privée (CFDT) se sont affiliés au SNI et à la FEN, et se sont montrés favorables aux revendications de ces deux syndicats ; des revendications relatives à l’insertion des enseignants de l’Ecole privée dans l’Education nationale, à la nationalisation de cette Ecole, à son autonomie d’enseignement et son administration par rapport à l’Episcopat.
Mais la gauche, qui avait accédé au pouvoir en 1981, tergiverse et fait traîner les choses en longueur pour finalement conserver, pour l’essentiel, la législation antilaïque, héritée des divers gouvernements de droite.
Autre trahison de la laïcité au profit des intégristes, surtout musulman, à partir du début des années 1980, celle de la Ligue française de l’enseignement et de son Cercle Condorcet, dont la cheville ouvrière n’est autre que l’antilaïque Jean Baubérot. Elle sera bientôt suivie par le MRAP, la FCPE, etc. Cette trahison fut aussi celle du gouvernement de gauche, dont le ministre de l’Education nationale, Lionel Jospin, avait diffusé, en 1989, une circulaire antilaïque autorisant le port du hdijab à l’école publique laïque. Les islamistes n’avaient pas manqué de s’engouffrer dans cette importante brèche ; ce qui incita le gouvernement à mettre sur pied la commission Stasi, qui a recommandé la promulgation d’une loi interdisant les signes religieux à l’école. Ce fut celle du 15 mars 2004.