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La finance islamique menace la laïcité française

La charia (loi islamique) a tenté de faire son entrée dans la législation française et dans la finance de la place de Paris, mettant à bas le principe de laïcité. Il s’en est fallu de peu que ce ne fut fait le 14 octobre, si le Conseil constitutionnel n’en avait pas écarté le danger, provisoirement il est vrai, en attendant une nouvelle offensive.
Nous demandons instamment au Gouvernement de ne pas poursuivre ses tentatives de porter atteinte à la laïcité en voulant modifier la législation française et la réglementation financière afin de les rendre compatibles avec la loi islamique. En effet, pour tout républicain, la France se doit de ne favoriser aucune religion, et de ne se plier aux impératifs d’aucune d’entre elles.

Rappelons que tout a commencé en février 2009, dans le cadre feutré d’une réunion de spécialistes de la finance, lorsque la ministre Christine Lagarde annonçait qu’elle donnait des instructions fiscales pour faciliter des investissements venus des Émirats. Mais ces instructions se sont avérées insuffisantes si le Code civil français n’était pas changé afin de le mettre en conformité avec la charia, permettant d’émettre des obligations islamiques (sukuks).

En mai, le sénateur Philippe Marini (UMP) glissait subrepticement un amendement dans une proposition de loi de soutien aux PME, qui fut votée sans que nul n’en relève l’énormité. Elle vise à transformer le régime légal de la fiducie (transfert temporaire de propriété).

L’affaire était relancée dans la moiteur de juillet lorsque la ministre de l’économie confirmait, au cours d’une conférence sur la finance islamique, que la France allait « développer sur le plan réglementaire et fiscal tout ce qui est nécessaire pour rendre les activités (de finance islamique) aussi bienvenues ici à Paris qu’à Londres et sur d’autres places ». Il s’agit de la Suisse, du Luxembourg, de l’Autriche, de l’Irlande et de l’Allemagne, pays qui ignorent la laïcité. Et le président de l’association Paris Europlace, Gérard Mestrallet, annonçait pour sa part que « la loi française offre déjà la meilleure flexibilité et la capacité d’adaptation pour accueillir des opérations de finance islamique. Néanmoins, de nouvelles mesures sont actuellement en préparation, avec l’installation d’un nouveau cadre pour les instruments de gestion d’actifs compatible avec la charia par l’Autorité des marchés financiers ». De son coté, l’agence de notation financière Moody’s indiquait dans son rapport que « la finance islamique en France offre un fort potentiel, mais des obstacles demeurent ».

L’affaire éclate au grand jour, le 17 septembre dernier à l’Assemblée nationale au cours de l‘examen du projet de loi sur les PME. En commission, la députée Chantal Brunel (UMP) avait expliqué – à propos de l’article 6 sexies B modifiant le code civil afin de « permettre l’émission sur la place de Paris de produits compatibles avec les principes éthiques musulmans » – que « cette disposition vise à introduire les principes de la charia dans le droit de la fiducie en le rendant compatible ». La rapporteure ajoutait qu’il y a « des déterminants culturels dont il faut tenir compte » pour « corriger » notre système bancaire. Pour le député (PS) Henri Emmanuelli, ces propos heurtent profondément la devise républicaine et la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat, ajoutant : « Nous pensons au contraire qu’il ne faut introduire, ni les principes de la charia, ni l’éthique du Coran, ni même le droit canon, la Torah ou le Talmud, qu’il soit de Babylone ou de Jérusalem. »

CONTRÔLE D’UNE AUTORITÉ ISLAMIQUE

Soulignons que le dernier avatar a pour cadre le Conseil constitutionnel saisi par des députés socialistes, qui a censuré l’article 16 portant sur la finance islamique, non pas sur le fond, mais « en raison de la procédure suivie au Parlement ». Dans l’entourage de Christine Lagarde on prévoyait déjà : « Nous représenterons un amendement dans un autre projet de loi sur la finance. » En somme, un nouveau cavalier législatif est déjà prêt.

Il n’y a pas que Bercy qui est prêt à écorner la laïcité. Deux universités françaises, au moins, ont créé un master dédié à la finance islamique : Dauphine avec une trentaine d’étudiants, et l’Ecole de management de Strasbourg. Par ailleurs, une banque française, le Crédit agricole, a annoncé, fin septembre, le lancement de sa première SICAV conforme à la charia, de droit Luxembourgeois et enregistrée en France.

La micro-finance islamique a déjà investi Paris en y tenant, le 6 octobre, son premier sommet, organisé par Nur Advisors, l’un des acteurs mondiaux dans le domaine de la finance islamique. Son directeur, Kavilash Chawla, ne cache pas sa cible et son ambition en déclarant : « En France, les jeunes musulmans sont de plus en plus éduqués. Beaucoup sont incapables d’obtenir un prêt dans une banque traditionnelle. D’autres ne le veulent pas mais ils peuvent être intéressés pour créer une entreprise ou s’impliquer dans des activités. » Encore faut-il pour cela que l’environnement politique et réglementaire soit favorable à ce système, ajoute-t-il.

Plusieurs établissements bancaires islamiques ont entrepris des démarches auprès de la Banque de France afin d’être accréditées en France. Si le gouverneur de celle-ci, Christian Noyer, précise bien que les régulateurs seront particulièrement attentifs à leur gouvernance, leur gestion de la liquidité, l’accès de ces banques aux banques centrales européennes, il ne dit rien de l’obligation qu’ont ces banques islamiques de soumettre également et parallèlement toutes leurs opérations, à une autorité religieuse islamique, installée en France ou à l’étranger, tant pour le contrôle de leurs opérations en conformité avec la charia, que pour les éventuels contentieux avec leurs clients .

Rappelons que la finance islamique est fondée sur le fait que le prêt à intérêt est interdit selon le verset 275 de la deuxième sourate : « Allah a rendu licite le commerce, et illicite l’intérêt ». Tout investissement doit être attaché à un actif réel. Sont exclus les investissements dans les secteurs de l’armement, de l’alcool, des jeux de hasard, de la pornographie et de l’industrie porcine par exemple. Afin de respecter ces préceptes, les banques islamiques et les sections islamiques de banques conventionnelles ont dû inventer de multiples astuces juridico-financières pour complaire à leur autorité religieuse de tutelle.

Enfin, selon les meilleurs spécialistes, la finance islamique ne pèse actuellement que 700 milliards de dollars dans le monde, ce qui « reste une goutte d’eau dans la finance mondiale », reconnaît un spécialiste, sachant que 60 % de ces fonds se situent dans le golfe Persique et 20 % en Asie du Sud. Pour la France, l’enjeu ne vaut pas le risque pris envers le fondement laïque de sa République car, si l’on en croit le gouverneur de la Banque de France, les risques portés par ce système financier sont nombreux : par exemple, sur les liquidités, les risques opérationnels et légaux, amplifiés par « le manque de standardisation des produits financiers, et le manque d’harmonisation des normes islamiques, avec par exemple des différences dans l’interprétation de la charia des normes comptables ». On voit donc que l’argument de l’intérêt économique et financier de la France ne tient pas plus.

Nous appelons tous les républicains attachés à la laïcité à faire preuve de la plus grande vigilance.

Signataires de l’Observatoire international de la laïcité contre les dérives communautaires : Jean-Michel Quillardet, Fabien Taïeb, Patrick Kessel, Alain Vivien, Catherine Kintzler, Didier Doucet, Gérard Fellous, Pascal-Eric Lalmy.

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