Depuis longtemps la gauche de la gauche a abandonné la lutte des exploités contre les exploiteurs pour aboutir à la lutte des pauvres contre les riches, cette dernière ne menant nulle part.
Depuis bien longtemps, la gauche de la gauche a abandonné les couches populaires ouvrières et employées pour se circonscrire dans la lutte anti-discriminations.
Depuis bien longtemps, la gauche de la gauche a abandonné l’objectif de construire un nouveau modèle politique anti-capitaliste et se « vautre » dans un anti-libéralisme sans avenir (voir l’article de B. Teper dans ce numéro).
Depuis bien longtemps, la gauche de la gauche a aussi abandonné le principe de laïcité passant de l’islamo-gauchisme soit disant anti-impérialiste et altermondialiste (soutien à Tariq Ramadan et aux Frères musulmans) vers une incompréhension de la poussée laïque en cours en Algérie, en Tunisie, en Égypte, etc. (1)Voir le texte d’Ahmed Halfaoui, La faillite théorique d’une certaine extrême-gauche sur la Syrie : « dès l’entame de la crise, [ces théoriciens de l’extrême gauche] ont planté les éléments constitutifs d’une analyse qui ne donne aucune place et aucun rôle fondamental aux entreprises des États-Unis et de leurs satellites européens et arabes, ni ne prend en compte l’investissement massif de groupes djihadistes injectés dans la ”révolution”. La nébuleuse Armée syrienne libre (ASL), fiction militaire soutenue par les médias atlantistes, bénéficie d’une reconnaissance sans faille de nos théoriciens, alors même que sur le terrain nous sommes en face de chefaillons, la plupart du temps guidés par les desiderata de leurs financiers étrangers ou par l’appât du gain. Vérité que même la presse occidentale n’arrive plus à taire. »
Or cette gauche de la gauche est prise à contre-pied. Petit à petit, elle voit surgir une gauche de gauche refusant en même temps les dictatures militaires et les communautarismes et autres intégrismes religieux, tous deux soumis aux politiques néolibérales (tous les gouvernements islamistes ont accepté les plans d’ajustements structurels proposés par le FMI, la Banque mondiale, les États-Unis et l’Union européenne). C’est ce que nous avons précédemment appelé le « double front » (voir les éditos La nouvelle donne… et L’actualité valide…) .
Pendant qu’en France, dans la gauche de la gauche des universités d’été, les « indigènes de la République » (ceux qui professent qu’il faut s’allier à l’islam et à l’islamisme, car c’est la religion des pauvres) multiplient les conférences, au Maghreb et au Moyen-Orient les gauches laïques tentent de construire un bloc majoritaire face aux islamistes et aux dictatures.
En Algérie, notons l’appel de Tizi-Ouzou « contre l’inquisition et pour la liberté de conscience » (relayé à Paris le 3 août, place du Trocadéro) pour soutenir les « dé-jeûneurs » poursuivis pour ne pas respecter les consignes du ramadan.
Pour Mohand Bakir en effet (2)http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2013/08/01/article.php?sid=152155&cid=41 Lire aussi dans ce numéro http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/les-heraults-de-lislamisme-reviennent/6881, les Algériens non musulmans ne sont pas des citoyens comme les autres :
« L’appel de Tizi-Ouzou pour la liberté de conscience est une initiative politique de premier ordre. Elle place au cœur du débat public une question essentielle, celle de la confessionnalisation honteuse de l’État algérien. Une dérive qui découle de la compromission des courants dits de ”la famille révolutionnaire” avec ceux de l’islam politique.
Depuis des années, cette islamisation rampante de l’État algérien se trahit épisodiquement par une dérive moralisatrice dans les rangs des services de sécurité. Les appareils de sécurité n’hésitent pas à s’en prendre sur délation à des non-jeûneurs, des Algériens qui pour des raisons qui les regardent ne sont pas concernés par l’observation du Ramadhan. Une inquisition est en train de s’installer au mépris des garanties de la liberté de conscience, de celle d’opinion et de la sacralité de la vie privée inscrites dans les lois en vigueur. »
On saluera dans le même sens la création à Paris, le 6 juillet dernier, du Conseil des ex-musulmans de France (sur le modèle de celui existant déjà en Grande-Bretagne) qui se donne parmi un ensemble d’objectifs laïques la défense contre les menaces et intimidations pour cause d’apostasie.
En Tunisie, la gauche laïque redouble d’intensité après les assassinats de ses deux martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, tandis qu’Ennahdha continue obstinément de rejeter les exigences de la majorité du peuple.
En Égypte, la gauche laïque a développé la contestation de l’ex-président Morsi qui n’avait fait que reprendre la politique économique et sociale de la dictature militaire. Comme l’écrit Mohamed Bouhamidi : « Toute l’action de Morsi a consisté à aggraver le rôle des facteurs externes et des pressions étrangères pour imposer les agendas des puissances étrangères, dont le djihad en Syrie. Négation des droits des minorités et de la diversité religieuse, concentration de pouvoirs pharaoniques, intelligence avec des puissances étrangères sur le sort du canal de Suez et du Sinaï, silence face au lynchage de chefs religieux chiites, incendies d’églises coptes, déclaration d’amitié et de fidélité à Shimon Pérès constituent quelques repères clés. »
Le même insiste justement sur les conditions de la démocratie : « Le monde arabe ne s’appartient pas, et dans cet espace, l’Égypte encore moins. Dans ces conditions, il est difficile de parler de démocratie. Quand l’essentiel des décisions de souveraineté vous échappe, que vaut la souveraineté du peuple, postulat primordial de l’exercice de la démocratie qui traduirait en actes et en réalité cette souveraineté ? Parler d’un président démocratiquement élu, comme si les élections pouvaient résumer et fonder la démocratie, est une grande erreur ou un leurre. »
Après les événements du 14 août, l’évidence des pressions néolibérales s’illustre dans ce pays : les Etats-Unis et l’Arabie saoudite après avoir collaboré avec le régime islamiste, constaté le refus du peuple et tenté la conciliation entre l’armée et le régime Morsi, ne sont-ils pas prêts par défaut à un compromis avec la dictature militaire ?
Dans tous les cas de figure, nous ne pouvons que réaffirmer et préciser la stratégie du double front : refus de l’islamisme et du communautarisme, ici comme ailleurs ; refus des dictatures soutenues par l’impérialisme néo-libéral ; soutien dans tous les pays en question aux processus démocratiques en profondeur et aux gauches laïques.
Notes de bas de page
↑1 | Voir le texte d’Ahmed Halfaoui, La faillite théorique d’une certaine extrême-gauche sur la Syrie : « dès l’entame de la crise, [ces théoriciens de l’extrême gauche] ont planté les éléments constitutifs d’une analyse qui ne donne aucune place et aucun rôle fondamental aux entreprises des États-Unis et de leurs satellites européens et arabes, ni ne prend en compte l’investissement massif de groupes djihadistes injectés dans la ”révolution”. La nébuleuse Armée syrienne libre (ASL), fiction militaire soutenue par les médias atlantistes, bénéficie d’une reconnaissance sans faille de nos théoriciens, alors même que sur le terrain nous sommes en face de chefaillons, la plupart du temps guidés par les desiderata de leurs financiers étrangers ou par l’appât du gain. Vérité que même la presse occidentale n’arrive plus à taire. » |
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↑2 | http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2013/08/01/article.php?sid=152155&cid=41 Lire aussi dans ce numéro http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/les-heraults-de-lislamisme-reviennent/6881 |