Avec la fin des primaires socialistes, nous entrons dans une nouvelle séquence de la période de la présidentielle. Les trois principaux candidats de gauche sont connus : François Hollande pour le PS et ses alliés, Éva Joly pour Europe Écologie – Les Verts et Jean-Luc Mélenchon pour le Front de Gauche. Les autres candidats putatifs ne sont même pas sûrs d’avoir leurs signatures y compris le NPA.
Il peut être intéressant de clarifier les éléments politiques de ce début de séquence. Nous en développerons sept :
1) Avec plus de 2,7 millions d’électeurs la primaire socialiste, on peut dire que c’est un succès de la mobilisation pour cette première primaire ouverte aux non-membres du PS. Manifestement, une partie importante des Français se sont intéressés à cette manifestation. Comme en Italie avec Romano Prodi pour la première primaire italienne de l’ensemble de la gauche (plus de 4 millions de votants), comme avec Valter Veltroni pour la deuxième primaire italienne (plus de trois millions de votants), la victoire de François Hollande, à la première primaire française, s’est d’abord construite sur une mobilisation assez forte de l’électorat socialiste. Il est à noter que le nombre de votants pour la première primaire française est important, car pour l’Italie toute la gauche avait accepté d’aller dans une primaire ce qui n’est pas le cas de la France. Comme dans les deux primaires italiennes, la primaire française a validé le candidat des médias du système néolibéral. Ces médias ont promu François Hollande meilleur candidat contre Nicolas Sarkozy et cette promotion médiatique a influencé une partie des votants de la primaire.
2) Cela dit, ce succès de mobilisation n’implique pas, loin de là, un succès pour les scrutins d’avril et de mai 2012. D’abord par ce que le précédent italien a été catastrophique pour la gauche.Il restera à prouver que la première primaire française ne se terminera pas comme en Italie qui a vu la destruction de la gauche par ces primaires. Romano Prodi, candidat des médias, gagne d’un cheveu contre Silvio Berlusconi, fait ensuite une politique contre la classe populaire. Le résultat ne se fait pas attendre, le mécontentement populaire fait effondrer le score de Valter Veltroni et consacre la victoire « à plat de couture » de Silvio Berlusconi.
3) Une fois de plus, les médias et les sondages qui leur sont liés restent une pièce maîtresse de ce que Guy Debord appelle la société du spectacle. Ces médias ont construit Ségolène Royal en 2006, ils ont promu François Hollande en 2011. Ils vont se déchainer pour la campagne présidentielle. Nous y reviendrons plus loin.
4) Il est à noter qu’il y a pour environ 10 % de plus de votants, il y a environ 25 % de nouveaux votants. Donc, il y a des votants du premier tour des primaires qui ne se sont pas déplacés et des votants de deuxième tour qui n’ont pas voté au premier tour. Il apparaît que les votes « personnels » de Ségolène Royal et d’Arnaud Montebourg pour François Hollande ont désarçonné une partie de leurs militants et sympathisants. Pour Arnaud Montebourg, après avoir été le chantre de la démondialisation au premier tour, apporter son vote au social-libéral oui-ouiste (1)référence au vote du 29 mai 2005 du traité constitutionnel européen qui a avalisé toutes les politiques antisociales du PS depuis le tournant libéral de 1983 a de quoi surprendre. En cas de victoire, François Hollande mènera une politique contraire aux idées déployées au premier tour par Arnaud Montebourg. D’autant que lorsque l’on est un homme politique de premier plan comme lui, il n’y a pas de vote personnel connu qui ne soit pas une consigne de vote. Arnaud Montebourg a gagné là un poste de ministre si la gauche gagne en 2012, mais a perdu tout le crédit qu’il avait su créer au premier tour de la primaire autour de ses idées. Il aurait pu se déployer et se développer dans un courant de gauche dans le PS, il réitère l’erreur stratégique de Jean-Pierre Chevènement en 1977 et d’Hamon-Emmanuelli au dernier congrès du PS, en revenant dans l’axe du parti dont les idées sont le contraire de tout ce qu’il a dit durant la première partie de la primaire. De plus les gauches du PS sont plus divisées que jamais.
5) La candidate Éva Joly (Europe-Ecologie -les Verts) est depuis l’université des partis régionalistes à Mouans-Sartoux (06), la candidate des ethno-régionalistes. Elle prône « une Europe fédéraliste des régions », et a annoncé : « nous voulons des régions autonomes » ; elle souhaite donc logiquement la réunification de la Bretagne historique, « l’autonomie basque » (d’une région pouvant aller de l’Espagne à la France), ou encore « une collectivité territoriale unique de la Corse ». Cerise sur le gâteau, elle déclare « Nous voulons que chaque région puisse avoir un statut différent en fonction de ses revendications, ». De ce fait, après avoir développé une position communautariste sur le débat sur la laïcité, la voilà sur une position anti-républicaine primaire ne souhaitant pas un grand avenir à l’État-nation France ni même le développement du principe d’égalité puisque le droit pourra être différent d’une région à l’autre !
6) Il reste donc le Front de Gauche et Jean-Luc Mélenchon pour promouvoir les 4 ruptures et les 10 principes de la République sociale. Mais les ouvriers et les employés (53 % de la population) ne sont pas encore gagnés à ce vote. Le fossé devenu béant avec la politique anti-populaire du gouvernement Jospin n’est toujours pas résorbé. Et sans les ouvriers et les employés, il ne peut pas y avoir d’alternative au système actuel, tout juste une alternance gestionnaire comme nous en avons connu de 1983 à 2002. Voilà donc définie la priorité politique !
7) Revenons aux médias dominants. Les principaux médias sont loin d’être neutres : ils sont le principal propagandiste des politiques néolibérales et il est fondamental de développer une force populaire autonome de ces médias si nous souhaitons une vraie alternative. Que ce soit pour mobiliser les ouvriers et les employés aux cotés des couches moyennes intermédiaires (24 % de la population selon l’INSEE) ou que ce soit pour développer un processus politique autonome des médias dominants, il convient de promotionner les assemblées citoyennes proposées par le Front de Gauche pour qu’elles ne soient pas un simple habillage d’un comité de soutien électoral ou une courroie de transmission des partis constitutifs du Front de Gauche. Si la décision est prise et que les discussions vont bon train dans les partis du Front de Gauche, sauf dans quelques cas, elles ne sont toujours pas constituées. Pourtant la gauche a besoin d’un grand lieu de débat citoyen. Puissent les semaines prochaines voir leur éclosion sur tout le territoire national, qu’elles puissent s’autosaisir sur un ordre du jour discuté démocratiquement aux fins de partir du programme partagé du Front de Gauche pour l’analyser, l’améliorer, l’approfondir, le préciser. Il en a bien besoin. Nous ferons le point de leur avancement dans quelques semaines. Mais en attendant, il faut agir pour créer ces lieux autonomes de rassemblement et de débat.
Dans cette séquence politique, quelle meilleure ligne politique que de faire en sorte que le Front de Gauche fasse le meilleur score possible ? Pour cela, n’est-il pas urgent « de marcher sur ses deux jambes » à savoir instituer les assemblées citoyennes du Front de Gauche avec une composition la plus large possible et développer parallèlement à elles les initiatives d’éducation populaire tournées vers l’action pour éclairer les citoyens ?
Notes de bas de page
↑1 | référence au vote du 29 mai 2005 du traité constitutionnel européen |
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