Massacres. Epouvante. Corps déchiquetés, cœurs brisés. En plein cœur de Paris, capitale des libertés. Le terrorisme islamiste, une nouvelle fois, et à une échelle sans précédent pour la France, a blessé gravement la République. Ah ! nous voudrions bien mener d’autres guerres, à la pauvreté, l’inégalité, l’indifférence écologique, au train fou du super capitalisme, aux triomphes annoncés du Front National. Mais la démocratie française est dans la ligne de mire des djihadistes et nous avec. Pas de choix : sans rien oublier de nos autres combats légitimes, il faut faire face à cette nouvelle bête immonde.
Le « total-terrorisme » islamiste, c’est la terreur utilisée comme moyen d’instaurer la terreur : une société soudée, n’acceptant aucune critique, aucune objection, aucune liberté de se tenir à l’écart des interprétations les plus fanatiques du Coran. Ce projet politique, tourné contre l’émancipation des hommes et des femmes, donc aussi contre la gauche de transformation culturelle, sociale et politique, est intégralement contre-révolutionnaire. Les djihadistes veulent créer en France une guerre civilo-religieuse. Rois du pétrole (de contrebande) et de vidéos abjectes, ce sont des ultra-capitalistes 2.0 d’une efficacité redoutable, car ils appuient sur les vulnérabilités des démocraties et sont mus par un projet de « civilisation » justifiant la démesure de leurs actes.
Alors, oui : des mesures « régaliennes » doivent êtres prises, à la hauteur de la guerre que le total-terrorisme nous fait. Ces gens ne mènent pas le combat qu’avec des mots. Bien sûr, il faut que cette lutte se fasse sous la surveillance du droit et des citoyens. Des limites doivent être posées, mais en assurant une défense efficace contre ce qui nous tue. On ne dialogue pas avec une Kalachnikov. Les massacres du 13 novembre constituent pour nos services de sécurité un échec cinglant. A l’évidence, jusqu’ici, contre le terrorisme, il n’y a pas eu un excès mais une insuffisance de sécurité. Comment ne pas voir aussi la faillite d’un certain discours gauchiste hors sol qui, avant comme après les tueries de janvier, se consacrait à lutter contre « l’hystérie sécuritaire », et dont les tenants se sont brillamment abstenus de participer aux défilés du 11 janvier, quand ils ne ricanaient pas contre une « marche blanche » ?
Le terrorisme ne reculera pas dans la vraie vie si on ne lui oppose pas des moyens policiers, militaires et judiciaires assumés. Que s’ouvrent enfin les yeux : le terrorisme n’est pas un « fantasme » mais un danger mortel immédiat. Cette menace ne dépérira pas exclusivement sous l’effet de politiques sociales : il faut battre les terroristes sans attendre que leurs causes (au demeurant multiples et complexes) s’évanouissent. Oui, il faudra lutter en même temps contre le super-capitalisme cynique, le communautarisme et l’intégrisme pour vider les bassins du terrorisme. Mais il n’est plus possible de tout miser sur l’avènement d’une société enfin bonne. Il faut aussi et immédiatement nous défendre contre de nouveaux massacres. Car s’il y en a, la société meilleure s’éloignera.
Il n’est plus possible de passer son temps à étriller les dispositifs anti terroristes par esprit de système anti-sécuritaire. L’état d’urgence peut certainement donner lieu à dérapages. Une extrême vigilance s’impose. Reconnaissons que face à l’ampleur des massacres et au danger imminent, il était impossible que l’Etat ne réagisse pas. Prétendre qu’il fallait que tout continue comme avant, constitue aussi un dérapage. Mais il est faux d’affirmer qu’en lui-même, l’état d’urgence constitue une sortie de l’état de droit : prévu et encadré par des textes, il est temporaire et chacune des mesures prises pourra être l’objet de recours devant le juge administratif (si nécessaire en recourant à la procédure rapide du « référé »), ou le juge judiciaire (par exemple si des infractions sont révélées au cours des perquisitions « préfectorales »).
La gauche ne peut disparaître dans l’union nationale : elle doit féconder d’un contenu progressiste le rassemblement antiterroriste, ce qui exige d’exister, en tant que gauche, dans ce combat. La résistance aux politiques socio-libérales doit continuer, contre des réformes destructrices qui déchirent toujours plus une socialité déjà bien entamée. Mais cette résistance ne saurait servir d’excuse pour éviter d’aborder de front, en pensée et en action, le « total-terrorisme ». Depuis le 15 janvier, aucune initiative unitaire à gauche n’a été prise pour créer des espaces de réflexions, des lieux de militantisme contre le terrorisme et ses apologistes ! Après le 13 novembre ? L’attentisme continue. La division face au pire se cultive, chacun dans son parti, chacun dans son syndicat, chacun dans son association. Or nous avons besoin d’unité pour mener la bataille de l’opinion, débattre avec les citoyens, rassembler largement, faire converger les forces progressistes et inclure la grande majorité des musulmans attachés aux principes républicains, notamment en faisant la chasse à tous les actes anti-musulmans.