Notre camarade belge, Nadia Geerts, qui n’est plus à présenter aux laïques ni aux républicains français, a coordonné récemment la publication d’un intéressant ouvrage, la Laïcité à l’épreuve du XXIe siècle (Ed. Luc Pire, Bruxelles, 2009), auquel ont collaboré pas moins de 16 autres auteurs, belges dans leur quasi-totalité. Tous ces auteurs sont engagés, soit par leurs travaux universitaires, soit sur le terrain, soit les deux à la fois, ce qui est le plus souvent le cas dans la défense pied à pied de la laïcité contre les attaques incessantes des intégristes de tous poils, singulièrement des islamistes et de leurs idiots utiles au sein de la gauche.
C’est ainsi que Mohamed Sifaoui a opportunément rappelé ce racisme, que les laïques de confession musulmane ou de cette origine (belges, français, néerlandais…) dénoncent depuis tant d’années. Ce racisme considère que les musulmans sont culturellement inaptes à comprendre et à bénéficier des valeurs humaines universelles et de la modernité politique, telle que la laïcité, etc. Il pr prête ainsi main forte aux agissements des islamistes qui bafouent l’islam et les musulmans.
Pierre Efratas a critiqué pour sa part certains « clichés » dont les antilaïques ont injustement affublé la laïcité et ses partisans. C’est ainsi qu’ils présentent, comme incongrus, les débats démocratiques que ceux-ci souhaitent enclencher dès lors qu’ils concernent le système institutionnel belge, notamment la place indue, qu’il octroie aux religions. Il s’agit, en substance, d’aboutir par ce débat à la restauration de la signification, actuellement travestie, de la notion de « neutralité » de l’Etat telle que comprise et appliquée dans cette monarchie. Autre cliché parmi d’autres qu’évoque l’auteur : la malveillante assimilation de la laïcité au laïcisme, qui est l’entrave ou l’interdiction de la libre expression des religions dans l’espace public.
Pour Guy Haarscher, les intégristes et leurs complices utilisent deux stratégies complémentaires pour tenter d’abattre la laïcité dans son pays : l’attaque frontale et l’attaque pernicieuse. Mais c’est cette dernière que ceux-ci utilisent le plus, car elle est la plus difficile à contrecarrer. Elle consiste, pour ces fossoyeurs, à s’emparer des principes des droits de l’Homme et des valeurs humaines universelles, de les détourner de leurs sens, puis de les retourner contre les démocrates et les laïques. Les intégristes tentent également de tromper l’opinion publique en faisant l’amalgame entre « race » (pourtant invalidée par la science) et religions pour pouvoir qualifier de racisme, notamment à l’encontre des musulmans, toute tentative s’opposant à leurs agissements. Leur dessein est d’essayer d’intimider et de neutraliser les laïques, les démocratiques, les féministes, les antiracistes… et si possible de rétablir un délit aussi réactionnaire que celui du blasphème.
Fatoumata Sidibe traite dans cet ouvrage de la montée en puissance des intégrismes, tant en Europe que dans le reste du monde ; une montée qui menace, selon elle, gravement plusieurs droits des femmes. Les intégristes et leurs marche-pieds se servent aussi de la notion du relativisme culturel, dont les conséquences sont dévastatrices, particulièrement pour les femmes d’origine immigrée en Europe. C’est pourquoi l’auteur souligne les effets salutaires de la laïcité, laquelle se dresse devant la prétention des intégristes à investir la sphère publique en vue de disposer du sort de ces populations, notamment.
Trop de liberté tue la liberté. C’est le message que Nadia Geerts a voulu transmettre à travers sa contribution. La liberté d’expression ne peut, selon elle, véritablement s’exercer et s’épanouir que dans le cadre des lois établies qui la bornent pour mieux la garantir. Cette limitation est d’ordre institutionnel, conformément au respect du principe de l’ordre public. Les opinions et les pratiques particularistes individuelles ou collectives ne peuvent donc ni s’exprimer dans la sphère publique, qui est l’espace de la loi commune à tous les citoyens en vue de raffermir le lien social, ni contrevenir aux lois en vigueur et aux principes constitutionnels dans la sphère privée, avec son espace personnel et son espace public.
Chemsi Cheref-Khan pose, quant à lui, la nécessité d’un débat national sur le financement des religions, financement incompatible avec l’esprit, à défaut que ce soit avec la lettre d’un Etat laïque digne de ce nom. Ce débat est d’autant plus pertinent que ce financement promeut les religions au détriment du vivre ensemble ; un vivre ensemble qui ne cesse de recevoir des coups de la part des communautarismes que nourrissent ces mêmes religions, ou qu’elles sont du moins incapables d’empêcher l’expansion.
Nous ne pouvons, faute de place ici, donner une idée des autres contributions tout aussi riches que celle de Gisèle de Meur, Philipp Bekaert, Catherine François, Charles Suzanne, Michèle Peyrat et Lara Herbinia, Eric Cogan, Jalila Si M’hammed et Hugo Godoy, Georges Verzin et de Claude Javeau.