Alors que la crise mondiale poursuit sa lente, mais irrésistible progression, il est un fait notable : la ligne néolibérale reste et perdure (pas de pause estivale ! ). Et pour cause : tout système hégémonique poursuit sa logique propre et perdure jusqu’au bout de lui-même, au point de se détruire lui-même. Dans l’état actuel, la crise signe la fin du capitalisme, mais il entraîne avec lui des millions de victimes pris dans ses filets.
Au pouvoir depuis 2007, le président Sarkozy, moulé dans le paradigme bourgeois, n’a de cesse de poursuivre cette ligne désastreuse qui chaque jour livre d’avantage de vies en sacrifice aux logiques qui sont les siennes. Il semble qu’au jeu de l’économie de bout de chandelle, c’est la retraite des femmes qui est à présent dans le collimateur des néolibéraux, espérant que les calculs de coin de table permettront de retarder l’inéluctable confrontation avec la réalité matérielle et sociale des citoyens de ce pays.
Constatons également que, si le législateur est en train de gratter sur ce terrain pour des économies ridicules, il ne pense nullement à légiférer sur les hauts salaires. Et notons qu’il lui serait possible, rien qu’en imposant 10 employés de BNP Parisbas, de toucher 49,9 millions d’euros puisqu’il s’agit du montant des primes versé par la banque à seulement dix personnes. Mais là, rien ! Le choix éthique (donc politique) est clair : préserver le gain d’argent au détriment de millions d’individus. Ainsi, l’accumulation d’argent est reconnue et préservée pour ce qu’elle est, alors que la gestion et la dépense pour construire une vie meilleure à des millions de gens est réduite (écoles et instruction publiques, santé et retraites, infrastructures et communications, espaces de vie, etc. ).
Ainsi, constatons que la crise produit des réactions différentes suivant les individus : elle ne fait que cristalliser sur leurs positions les esprits amenés à être dépassés. Il est donc inutile d’attendre des néolibéraux, des capitalistes, mais aussi des passéistes de toute sorte, une quelconque ouverture vers un autre mode de fonctionnement que celui qui a été le leur. A des esprits neufs, ouverts (qu’ils soient dans des corps jeunes ou vieux ! ), les possibilités de construire une alternative au productivisme et au capitalisme, car ceux-là avec la crise auront la tendance à créer davantage, à regarder encore plus loin, à s’affranchir des limites des traditions politiques du XXème siècle devenues inadaptées.
Et nous aurons besoin de ces alternatives politiques, car au delà de cette crise structurelle, le capitalisme n’aura d’autre solution pour perdurer que d’employer la force, le sécuritaire, la violence, le liberticide. Et gageons que ses tenants n’hésiterons pas une seconde à suivre cette voie.
La haine du réel conduit à l’aberration
Le couple accumulation-production qui est, avec le gain d’argent, le socle existentiel du paradigme bourgeois, fonde le libéralisme et la poursuite de ses efforts effrénés dans une logique sans fin : le productivisme. La névrose est constatée, car dans son paradigme la production n’a d’autre finalité que l’accumulation pour « encore plus de productions », pour « encore plus de gains d’argent ». Dans quel but ?! Mais dans le but d’accumuler et de « produire encore plus ». Depuis la Révolution et l’avènement en France du paradigme bourgeois, le sens de la vie, sa finalité, sa réussite, son bonheur individuel et la constitution même d’une société, se mesurent aux seules valeurs connues et pratiquées par la bourgeoisie : produire, accumuler, gagner de l’argent, industrialiser et soumettre à l’ordre marchand. Le paradigme bourgeois est un réductionnisme complet de tout autre chose à l’économie (d’où son nom : économisme).
Névrose constitutive du productivisme, cette course folle produit les égarements les plus effarants : une financiarisation de l’économie (qui devient du vent, des chiffres boursiers sur des écrans d’ordinateurs) et une perte totale de finalité liée à l’existence humaine (puisque tournées exclusivement vers le matériel, le bien, la possession comme mesure de toute chose). L’Angleterre est, hélas !, le triste exemple d’un pays tout entier absorbé dans cette vision de monde, dans la culture et l’éthique néolibérale, dont le projet politique tatchérien ne fût que l’aboutissement, et tout cela au prix des existences et des souffrances humaines.
De fait, l’absence complète de liens éthiques avec le réel, avec le monde vivant, avec l’humain, conduit le système actuel à des conséquences gravissimes pour les individus : productivisme certes, mais uniquement pour produire le superflu au détriment du nécessaire, privant ainsi des centaines de millions de personnes sur la planète de ce qu’il faut pour vivre en les plongeant dans la misère. A cela, il faut ajouter l’organisation de la rareté, c’est-à-dire la suppression de ce qui est abondant, gratuit, disponible, pour servir la névrose du productivisme (industrialiser ou marchandiser toute chose sur la planète) et soumettre tout à l’économisme.
Les indices d’une telle névrose sont évidents : dans un même pays, les femmes qui sont mères (qui ont donc donné la vie à des enfants, permettant ainsi à une civilisation d’exister, à des liens sociaux de perdurer, au plaisir et à la créativité individuelle d’être des réalités à venir) sont la cible du système et voient leur retraite menacée. Et dans le même temps, 49,9 Millions d’euros de prime sont partagés entre seulement 10 employés de banque, c’est-à-dire des personnes qui ne font qu’aligner des chiffres et menacer la vie de millions d’autres ! Ce diagnostique signe la névrose du paradigme bourgeois, son désir de séparation d’avec les principes vitaux.
Partout, l’économisme, qui régit les 200 ans d’ère industrielle, tente d’imposer la marchandisation, car il ne connaît que ce principe économique pour comprendre la totalité du réel. Marchandisation des retraites, de l’éducation, de la santé, mais également du vivant, des plantes, de l’eau, et bientôt peut-être… de l’air ?!
Encore une fois, le constat est fait que la seule critique sur le plan économique inféode aux outils du néolibéralisme et à la vision des capitalistes : l’économisme qui sévit depuis deux siècles. S’enfermer dans la critique économique, c’est restreindre viscéralement tout projet politique dans ses capacités à dépasser le productivisme. Autrement dit, c’est rendre impossible la construction de ce qui va permettre de sortir de cette crise structurelle sans guerre ni désastre : un nouveau paradigme en accord avec le réel.
Unification des classes moyennes et des classes populaires
Dans le cadre d’une analyse de fond, il est bon de rappeler qu’aucune solution politique viable et constructive ne sera à même de voir le jour sans l’unification des aspirations des classes populaires et celles des classes moyennes. Deux solutions existent. Celle de l’ancienne tradition de gauche consistant à faire perdurer comme vision politique l’horizon des Trente Glorieuses, et qui dans les faits ne propose aucune alternative au productivisme, mais le retour à un ordre du monde antérieur (il faut noter que lorsque l’on parle des gens de droite ayant de telles orientations politiques, c’est le qualificatif de « réactionnaires » qui vient alors).
L’autre option, qui doit être la nôtre, est de grandir les aspirations des classes populaires et des classes moyennes, au sein d’un même projet politique capable de dépasser les termes imposés par le paradigme bourgeois. Cette union est une nécessité pour construire le projet de demain.
En d’autres termes, il n’y aura pas d’alternative politique ni de sortie de crise pacifique pour des millions de personnes tant qu’un projet politique se bâtira sur les valeurs travail, productivisme et accumulation fondatrices du paradigme bourgeois. Le Pacte Républicain est l’opportunité de lier les individus-citoyens dans un projet politique, non pour « gagner plus » ou « produire plus » ou « posséder plus », mais pour la construction commune d’un cadre de vie où chacun trouvera les possibilités de se construire une vie heureuse. Telles sont les bases à même de porter la nouvelle tradition politique de la gauche.