Nous avons à plusieurs reprises dénoncé les conséquences sociale du mouvement « réformateur » néolibéral (voir le récent article de ReSPUBLICA sur les inégalités). Examinons sur un cas, pris parmi de nombreux autres, celui des familles séparées, comment l’oligarchie capitaliste traite ces conséquences (cf France Stratégie, « Comment partager équitablement le coût des enfants après la séparation ? ».
La lecture de cette étude est édifiante. D’abord, il est incroyable de constater sur quels sujets le néo-libéralisme conduit les chercheurs à travailler. Ensuite, une inutile mathématisation bac+8 ne sert qu’à faire croire à la scientificité des conclusions. Derrière cet appareil, il s’agit en réalité de légitimer l’idée que la seule solution aux problèmes de notre temps est de mieux partager la pénurie toujours plus grande qui en est la cause ! Et ce message passe en boucle sur tous les médias néolibéraux !
Résumons l’étude : lors d’une séparation, celui qui est lésé par les mesures socio-fiscales actuelles serait… le parent qui ne garde pas le ou les enfants du couple dans le cas de la garde alternée et même dans le cas du droit de visite traditionnel. Et l’étude donne des alternatives préparant sans doute les prochaines « réformes » du mouvement réformateur néolibéral avec fourniture du logiciel permettant de proposer au juge une nouvelle pension alimentaire soi-disant plus juste.
Cette conclusion largement préétablie est assise sur une méthode de travail qu’un collectif de chercheurs a rapidement récusée (voir http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/06/25/l-appauvrissement-des-meres-apres-une-separation-n-est-pas-simule_4661769_3232.html), tandis qu’un collectif d’associations féministes titre : “France stratégie efface la pauvreté des mères seules avec enfants“.
De plus, ne mesurer les injustices que dans l’histoire synchronique du moment présent amène à négliger les évolutions dans le temps : on sait bien par exemple que les riches deviennent plus riches et les pauvres plus pauvres (phénomène caché dans le discours néolibéral ).
Dans le cas considéré, on ne tient donc pas compte de la diachronie, de l’appauvrissement exponentiel dans le temps des familles monoparentales dirigées par des femmes à 96 % et majoritairement créés par les ruptures conjugales.
Cette étude est donc un exemple de la mystification « réformatrice » néolibérale, pure action idéologique basée sur une succession accélérée de « réformes » toutes plus justes les unes que les autres à condition d’accepter de trouver normal que les riches s’enrichissent et que les pauvres s’appauvrissent.
Asseyant ainsi un peu plus sa victoire (jusqu’ici) dans la bataille pour l’hégémonie culturelle, le mouvement « réformateur » néolibéral propose de corriger les injustices au fur et à mesure qu’elles apparaissent, mais seulement entre les plus pauvres ! Cela rappelle le débat sur les fraudes à la sécurité sociale où on ne parle que des fraudes des assurés sociaux (moins de 1 % des dépenses !) mais jamais des fraudes tant illégales qu’illégitimes du patronat !
À cette fin, des instances de dialogue et de concertation créées pour le besoin offrent un simulacre de débat : le Conseil d’orientation des retraites (COR), le Haut conseil pour l’amélioration de l’assurance-maladie (HCAAM), le Haut conseil de la famille (HCF), le Haut conseil du financement de la protection sociale (HCFi-PS), etc. La composition de ces instances, véritables appareils idéologiques de l’État néolibéral, revient au Premier ministre, mais que ce soit du temps de Sarkozy ou de Hollande, elle reste la même. On y trouve une majorité « en béton » de personnalités dites qualifiées, c’est-à-dire ouvertement néolibérales et favorables à l’actuelle construction européenne. Et ce n’est pas l’intégration minorisée (surtout au HCF) du mouvement syndical afin de donner une impression d’objectivité qui assure un réel pluralisme de vues.
À l’appui de l’action idéologique via ces instances, le mouvement réformateur néolibéral peut largement mobiliser la haute administration pour lui commander des études ou la faire animer ces instances, mettant ainsi des centaines de hauts fonctionnaires, à plein temps ou à temps partiel, au service du maintien de son hégémonie idéologique, tandis que les médias dominants se font les porte-voix des messages à répandre.
Encore une illustration de la nécessité de mener avec force et vigueur la bataille pour l’hégémonie culturelle et donc de l’éducation populaire !