La médecine du travail est un acquis de la Libération, conçue par le CNR et crée à l’unanimité du parlement de l’époque par la loi du 11 /10/1946.
Depuis cette époque cette discipline médicale est devenue une spécialité. Son exercice exclusivement préventif au bénéfice de tous les salariés est assuré encore actuellement dans une pratique de masse par plus de 5000 professionnels.
C’est la dernière médecine préventive qui demeure. C’est la seule discipline médicale dont l’objet exclusif est les relations entre la santé et le travail. Les médecins du travail sont les seuls médecins à connaître le monde du travail. Ce sont les seul qui placés dans l’entreprise par la loi ont pour mission “d’éviter l’altération de la santé des salariés du fait de leur travail”. Leur fonctionnement est placé sous le contrôle des représentants des travailleurs dont ils sont les conseillés de même que de l’employeur en matière de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.
Le MEDEF vient de réussir à faire voter (non sans mal) la loi du 20 juillet 2011 qui détruit cet acquis social, médical et professionnel. Le décret d’application qui va prochainement être publié met en place cette dénaturation.
Cette opération se déroule sans que les vraies questions soient posées.
Est-il raisonnable de charger les managers ou les employeurs de concevoir, mettre en place et diriger, la prévention médicale des risques professionnels, dont ils sont eux mêmes responsables ?
Est-il efficace de charger de cette surveillance des non médecins, sans statut protégé ou des médecins non spécialistes et ou de limiter l’intervention des médecins du travail à la gestion des expositions professionnelles dangereuses (en abandonnant la prévention primaire) ?
Est-il concevable de donner aux employeurs ou à leurs mandants la charge de lutter contre la toxicomanie ou l’alcoolisation de leurs salariés, sans leur accord et en dehors des postes dits de sécurité ?
C’est ce que mettent en place la loi et son décret.
Depuis leur création en 1946 la plupart des employeurs se sont attachés à discréditer leurs médecins du travail auprès des travailleurs dont ils s’occupent. Cette constante a, le double avantage d’éloigner les salariés de la connaissance des risques dus à l’organisation du travail et de trouver un bouc émissaire exonérant les chefs d’entreprise de leurs responsabilités fussent-elles accablantes comme dans l’exemple de l’amiante.
En 2009 le patronat a trouvé une situation favorable pour se débarrasser de cette médecine gênante (qui se mêle de ses affaires). La pénurie de médecin qu’il a organisée avec les gouvernements successifs depuis les années 1990 peut lui servir de levier pour imposer la démédicalisation des structures qui organisent la prévention médicale des risques professionnels pour 93% des salariés du privé : les Services Interentreprises de Santé au Travail (SIST). La loi de juillet 2011 et son décret à paraître réalisent cette liquidation.
Les réactions ont été vives notamment à l’Assemblée et au Sénat lors des discussions et des votes. Mais ces derniers n’ont pu être obtenu qu’avec l’aide des directions nationales des deux organisations syndicales majeures de notre pays la CGT et la CFDT.
Notre groupement SLMT qui réuni dans un appel national plus de 800 médecins du travail d’opinions et d’appartenances variées, demande l’abrogation de la loi du 20 juillet 2011 et une réelle mise à plat de la question dans l’intérêt exclusif de la protection de la santé au travail des salariés.
Nous estimons que depuis 2009 les médias et particulièrement ceux classés “a gauche” n’ont pas pu promouvoir dans l’opinion ni l’information ni les discussions nécessaires au débat démocratique sur cette question.
Il ne s’agit pas d’une démarche corporatiste d’abord parce qu’elle concerne directement l’intérêt de santé de plus de 20 millions d’hommes et de femmes. Ensuite parce que la démédicalisation inscrite dans la loi une fois installée sera irréversible. Car c’est la perte des connaissances de terrain dans le domaine des relations entre la santé et le travail et l’abandon des possibilités d’actions médicalisées concrètes sur ces relations qu’i est en cause. Enfin c’est, donner aux employeurs des moyens médicaux dont ils sont pour le moment privés pour la sélection d’embauche, la réduction de l’absentéisme, l’exclusion des moins productifs ainsi que la gestion des expositions dangereuses dans leurs intérêts.
Ce n’est pas une défense corporatiste car après la disparition des médecins du travail seront menacés d’autres acquis de la Libération notamment la gestion des accidents du travail et des maladies professionnelles. Qui la connaît pour la défendre et la moderniser ?