Malgré le regain de l’islamisme, les sociétés musulmanes les plus avancées, Iran, Turquie, Indonésie, Syrie, Tunisie, Maroc, Liban, Algérie, Bosnie et Républiques d’Asie ex-soviétiques, sont en voie d’achever la première phase de leurs révolutions sexuelles, enclenchées ces trois ou quatre dernières décennies.
Elles viennent aussi d’entamer parallèlement la seconde et ultime phase de cette révolution, qui est la déculpabilisation des rapports sexuels en dehors du cadre du mariage. Une déculpabilisation qui est également en train de faire tomber en désuétude le tabou de la virginité sexuelle des femmes.
Cette libération concerne, pour ce qui est des femmes, aussi bien celles qui ne portent pas le hidjab que celles qui le portent par « conviction » religieuse ou non, voile qui reflète l’obsession des islamistes pour le vagin des musulmanes, et censé contrôler leur sexualité, en plus de son rôle d’étendard réactionnaire. D’ailleurs, les intéressées utilisent souvent le hidjab, comme tapis sur l’herbe ou le sable, pour faire l’amour dessus avec leurs petits amis.
Cette révolution trouve son origine dans les bouleversements socio-économiques considérables que connaissent ces sociétés et dans l’influence culturelle grandissante, qu’elles subissent de la part de l’Occident.
Y ont concouru également, les feuilletons « égyptiens » (genre, Feux de l’amour, européens), diffusés tout au long des années 1980, par les chaînes publiques arabes. Ces films étaient très suivis par toutes les jeunes filles et les femmes, de tous âges et conditions sociales. Ils avaient introduit dans des dizaines de millions de foyers arabes, des grandes villes jusqu’aux fin fond des hameaux dans l’arrière-pays, des notions jusque-là tabous telles que « je t’aime », « mon fiancé » et « l’amour » (platonique), ainsi que les intrigues amoureuses. Ces films ont été relayés, dans les années 1990 et 2000, par une nouvelle génération bien plus audacieuse de films d’amour, « égyptiens », turcs et brésiliens qui font eux aussi un tabac, parmi les centaines de millions de femmes arabes, y compris dans l’immigration. Ces films sont produits et diffusés, par des chaînes satellitaires privées, notamment arabes (à capitaux, principalement des monarchies du golfe).
Les musulmanes font prévaloir leur épanouissement sexuel
Cette révolution a trait à deux aspects distincts, mais convergents. Le premier concerne la primauté croissante du libre choix du partenaire et du sentiment d’amour, sur toutes autres considérations, dans les liaisons, durables ou non, entre musulmanes et musulmans ou de cette origine.
Le second est relatif aux rapports sexuels en dehors du cadre du mariage. L’écrasante majorité des partenaires du couple n’attendent plus leurs mariages, pour s’y adonner.
Mieux ! Le mariage constitue de moins en moins un préalable à ces rapports ; le plaisir sexuel y constitue la raison unique, en tout cas principale, y compris chez les femmes, quels que soient là aussi leurs âges et leurs milieux sociaux, aussi bien dans les grandes villes que dans les villes moyennes et les petites villes.
De même que des dizaines de milliers de femmes musulmanes ou de cette origine dans chacun de ces pays assument désormais sans complexe leur célibat définitif et aspirent à vivre plus librement leurs vies amoureuses et sexuelles.
Autre phénomène ayant également fait son apparition, bien que encore plus minoritaire que le précédent, mais appelé lui aussi à se généraliser : les femmes et les jeunes filles musulmanes ou de cette origine deviennent de plus en plus sujets, et non plus objets, de leurs liaisons amoureuses ou sexuelles. Autrement dit, elles commencent à prendre l’initiative de tisser des liaisons avec les hommes et à y faire valoir leurs désirs et leurs plaisirs sexuels.
Les islamistes, conscients de ce fort élan d’émancipation, surtout des musulmanes, tentent désespérément de juguler ce processus par la mise en place de fiançailles dans les mosquées, formule vite dépassée, ainsi que des sites de rencontres communautaires musulmanes sur Internet et des agences matrimoniales semblables.
Le succès commercial et l’engouement pour ces sites et agences constituent en soi un paramètre sociologique significatif chez la partie traditionnaliste, mais décroissante des populations musulmanes. En effet, ces deux moyens permettent de substituer les mariages fondés sur l’entente, comme c’est avant tout le cas dans ce genre de supports, aux mariages arrangés ou de raisons.
Début de « démocratisation » de la tromperie dans le couple musulman
A l’instar de leurs consœurs occidentales, jusqu’à il n’y a pas si longtemps, les réactions des musulmanes ou de cette origine aux tromperies amoureuses ou sexuelles, dont elles étaient les seules victimes de la part de leurs partenaires ou conjoints, variaient entre la résignation et la protestation, et plus rarement le divorce.
Il était également rarissime qu’elles se vengent en tissant une liaison extra-conjugale ou extra-couple, tant elles ont intériorisé leur culpabilité par la société patriarcales, en considérant ces liaisons, comme une déchéance ou de la prostitution, quand il s’agit d’elles, uniquement.
Néanmoins, de plus en plus de musulmanes ou de cette origine parviennent à surmonter cet obstacle et à se faire des amants ; liaisons qui, de surcroît, ne sont plus nécessairement causées par la vengeance, mais par l’insatisfaction sexuelle, l’attirance par un autre homme, l’affaiblissement de leurs sentiments amoureux envers leurs partenaires ou pour des raisons plus ou moins sordides (comme chez les hommes).
Le corollaire de cette « démocratisation » est la résignation ou la séparation, sans que cela ne vire à la violence verbale et/ou physique, des hommes trompés, principalement des adolescents, des jeunes gens et des adultes de cette dernière génération. Ce phénomène est extrêmement marginal, mais il est destiné lui aussi à s’étendre.
L’amour sexuel est un fait récent dans les sociétés musulmanes
L’amour sexuel (sentiment liant un homme et une femme), comme phénomène de masse, est récent dans les sociétés musulmanes les plus avancées. Il date, comme écrit plus haut, d’à peine une trentaine ou une quarantaine d’années. Il en est d’ailleurs de même de l’amour de l’enfant.
Ce n’est malheureusement pas encore le cas de l’amour homosexuel, en particulier celui des lesbiennes musulmanes. Mais cela ne saurait tarder. Ceci ne veut pas dire que l’amour sexuel n’existait pas dans ces sociétés. Mais que c’est durant ces dernières décennies, que ces sentiments ont commencé à s’imposer comme normes sociale et humaine fondant ce genre de relations.
Historiquement, cette émancipation représente l’une des multiples déclinaisons de la sécularisation et de la modernité.
En Occident aussi, l’amour sexuel, en tant que phénomène de masse, n’a pas existé de toute éternité. Il date d’à peine un siècle et demi ou deux siècles, voire moins et même nettement moins s’agissant de pays à industrialisation tardive ou récente.
Contrairement à ce que pourrait croire certains, l’amour sexuel n’est pas un fait de nature, mais un fait de culture. Il n’existe chez les humains qu’à l’état potentiel, de prédisposition. C’est la vie en société qui l’actualise sur le très long terme ; qui le fait naître et l’enrichit à l’infini. Il est le résultat du long processus d’hominisation de l’Homme, du passage de celui-ci d’un être de nature à un être de culture.
Les liaisons hommes-femmes avaient longtemps été déterminées par la loi de la nécessité, de la nature comme celle de la vie en société : satisfaction d’un désir physique, obéissance aux prescriptions religieuses (pour la perpétuation de la communauté religieuse et au-delà pour la perpétuation de l’espèce humaine), union conjugale par devoir social, prise en charge domestique de l’homme par la femme, et qui lui assure également une descendance…