Agnès Labarre, sénatrice du Parti de Gauche (PG) a déposé au Sénat une loi-cadre relative à la promotion de la laïcité et la clarification des règles de son application concrète.
Quelle est la situation politique de ce point de vue ?
Depuis plus de 30 ans, la gauche dans son ensemble est gagnée par une poussée de communautarisme tant da sa version sociale-libérale que dans sa version antilibérale. L’arrivée de la gauche en 1981 ne remettra pas en cause toutes les entorses à la laïcité depuis le scandale de l’Alsace-Moselle, des lois Debré-Guermeur et suivantes. Pire, elle propose avec Savary et Mitterrand en 1984 le maintien du caractère propre des écoles privées confessionnelles au sein d’un grand service de l’éducation. Rompant là avec la gauche laïque et donc n’ayant pas son soutien, elle subit néanmoins l’assaut du lobby clérical. Un désastre donc !
La flamme est cependant maintenue par le Grand Orient De France (GODF) qui organise pour lancer la campagne contre les signes religieux à l’école, un banquet républicain à Créteil avec 1500 participants. C’était le 21 octobre 1989, 3 semaines avant l’appel de la bande des 5 du Nouvel Observateur autour de Catherine Kintzler. De nombreuses retombées presse relatent cette initiative. La décision du GODF de restreindre l’impact de la célébration de la république le 22 septembre 1792 qui devait relancer cette bataille entraîne la création d’Initiative républicaine (IR) avec l’ensemble des intellectuels et personnalités qui ont participé à cette bataille. Ce fut fait lors du banquet républicain de la mutualité de décembre 1992 avec 900 personnes. Puis, l’UFAL prend le relais de cette bataille en 1996 lorsque IR décide pour étendre son réseau de présenter des candidats aux législatives de 1997.
Jusqu’à la tribune parue dans Libération en 2003 avec une signature électronique qui voit des milliers de soutiens, des réunions publiques nombreuses et bondées. La Mission parlementaire Debré qui reprend la proposition de l’UFAL. Le contre-feu de Chirac créant la commission Stasi pour contrer la Mission parlementaire. Le tournant positif du 17 octobre 2003 par l’audition de JP Costa, vice-président de la Cour européenne des droits de l’homme.
Durant cette période, l’UFAL a pu compter sur des intellectuels et personnalités comme Catherine Kintzler, Henri Pena-Ruiz, Gaye Petek et bien d’autres.
Mais force est de constater qu’en 1989, nous étions bien seuls sans aucun soutien d’aucun parti politique de gauche, d’aucun syndicat, d’aucune association. 15 ans de bataille pour créer un point d’ancrage, un marqueur de la république sociale chère à Jean Jaurès.
Entre temps, des avancées ont eu lieu sur la laïcisation du Code civil avec les 3 victoires et demie de l’UFAL et de nombreuses autres organisations associatives et féministes : transmission du nom à l’enfant, reconnaissance légale du concubinage en plus du PACS (avec le soutien actif de Robert Badinter contre la décision initiale du PS !), l’égalité des enfants légitimes, naturels et adultérins et la garde du dossier des accouchements sous X dans un Institut dédié.
Depuis le 15 mars 2004, date de la promulgation de la loi contre les signes religieux à l’école, nous avons enregistré de nombreux reculs de la laïcité en France et même des retards par rapport à d’autres pays notamment sur la bioéthique et d’autres problèmes de société. Même le recul des moyens fait que le droit formel de la loi sur l’IVG ne se concrétise pas en droit réel avec une augmentation du nombre d’IVG pour les adolescentes !
Aujourd’hui, la droite instrumentalise la laïcité dans une stigmatisation anti-musulmane et pire encore l’extrême droite modifiant sa ligne stratégique souhaite transformer le concept émancipateur de la laïcité en poison ultra-laïciste. Et personne ne réagit ?
La proposition de loi-cadre du Parti de Gauche
C’est dans ce cadre que la proposition du Parti de Gauche de loi-cadre sur la laïcité, présenté par la sénatrice Marie-Agnès Labarre sauve l’honneur de la gauche et permet de s’engager sur une voie qui mène vers les 4 ruptures de la république sociale : démocratique, laïque, sociale et écologique. Tout y passe :
- le retour à la loi promulguée le 9 décembre 1905, c’est à dire débarrassée des régressions postérieures
- la suppression des dérogations sur l’Alsace-Moselle, la Guyane et Mayotte
- l’interdiction des financements détournés aux cultes et aux écoles privées très majoritairement confessionnelles
- le rappel de la règle laïque : fonds publics à l’école publique, fonds privés à l’école privée
- la fin du scandale des 500 communes sans écoles publiques
- le retour au monopole de l’État pour la collation des grades et des diplômes
- l’élargissement de l’application du principe de laïcité à l’ensemble de la sphère de constitution des libertés (école, services publics, protection sociale) jusqu’à y compris dans l’hôpital pour assurer la prise en charge des IVG.
Dans cette proposition de loi, n’apparaissent pas d’autres propositions par exemple les dates chômées et payées qui étaient pourtant dans le texte provisoire qui servit de base aux auditions que le Parti de gauche a réalisées.
Mais le principal y est. De quoi servir de base à une campagne d’éducation populaire tournée vers l’action. ReSPUBLICA rendra compte du suivi de cette campagne.
Réponses aux objections à la proposition de loi-cadre du Parti de Gauche
Nous ne parlerons pas bien sûr dans ce texte des objections des adversaires de la laïcité qui estiment que la démocratie anglo-saxonne communautariste est un bien meilleur idéal que la république sociale. Pour cela, il suffit de lire les nombreux articles de ReSPUBLICA qui s’est construit pour promouvoir la laïcité et la république sociale dans notre pays et bien au-delà.
L’objection la plus sérieuse vient des laïques qui estiment que le rapport des forces n’est pas favorable à une modification du droit positif actuel dans un sens plus laïque.
Ces camarades estiment qu’il est dangereux d’ouvrir la boite de Pandore dans laquelle les communautaristes et autres cléricaux pourraient s’engouffrer pour communautariser encore plus le droit positif actuel.
Nous estimons que cette remarque est sérieuse, car même avec un retour de la gauche au pouvoir, l’expérience de 1981, 1988 et de 1997 est dans toutes les mémoires et a montré le manque de courage pour ne pas dire plus de la gauche, de ses ministres et de ses élus. Le moment n’est sans doute pas venu de demander l’ouverture d’une procédure de révision du droit positif relatif à la laïcité. Mais le temps est venu de mener une campagne d’éducation populaire tournée vers l’action sur les 4 ruptures nécessaires au modèle de la république sociale : démocratique, laïque, écologique et sociale. Et pour cela, il nous faut des documents, des textes pour mener cette campagne. Et pour la rupture laïque, le texte du PG est aujourd’hui la version la plus aboutie pour mener cette campagne d’éducation populaire tournée vers l’action. Donc même s’il y a encore loin de la coupe aux lèvres, ne gâchons pas notre plaisir de voir que le combat de nos ancêtres mené depuis plus de trois siècles, que le combat plus récent mené dans la période 1989-2004 par le GODF, Initiative républicaine (IR) et l’UFAL, soit repris et amplifié aujourd’hui par un parti politique de la gauche française : le Parti de Gauche. Mais il n’est pas isolé, en Algérie, c’est aussi un parti politique qui mène ce combat : le Parti pour la laïcité et la démocratie (PLD) issu, après une histoire mouvementée, du communisme algérien. Vous trouverez dans ce numéro le texte de la CNCD dans lequel travaille le PLD en Algérie.
Ainsi va la vie. Le témoin est aujourd’hui tenu en France par le Parti de Gauche et en Algérie par le PLD. ReSPUBLICA salue donc ces initiatives des deux côtés de la Méditerranée.