L’Allemagne semble caracoler en tête des nations de la zone euro et de l’Union européenne. Les économistes néolibéraux en font un modèle. Mais à quel prix ? Et si l’on allait regarder du côté de la situation sociale ?
Un prix social exorbitant
Sept millions de mini-jobs à 400 euros par mois. Tiens, tiens, on nous avait caché cela ?
L’Allemagne compte désormais proportionnellement plus de pauvres que la France, alors que le rapport était inverse au milieu des années 1990. Mais comment se fait-il qu’on nous le cache ?
Les Allemands les plus riches se portent bien. Les 10 % des Allemands les plus riches qui possédaient 45 % de la richesse privée du pays en 1995 en possédaient 53 % en 2008, alors que les 50 % du bas de l’échelle se partagent 1 % (contre 4 % en 1995). Entre les deux, les Allemands qui se situent entre le 6e et le 9e décile détiennent 46 % de ce patrimoine, contre 51 % au milieu des années 1990.
La question devient donc la suivante : combien de temps encore les couches populaires et les couches moyennes intermédiaires allemandes accepteront-elles l’une des plus grandes inégalités sociales au sein de l’Europe. On est bien loin du vieux capitalisme rhénan ! Ces inégalités seraient le lourd prix à payer pour la compétitivité du pays. Mais qu’en est-il de l’excédent commercial ?
Pour un résultat illusoire
L’Union européenne a absorbé 70,9% de ses exportations (39,5% pour les pays de la zone euro). La France à elle seule compte pour 9,6% de ses exportations, ce qui lui assure un excédent de 35,1 milliards d’euros, soit 22,2% de son excédent global. Ses ventes vers les Bric (Brésil, Russie, Chine et Inde) ne représentent que 11,4% de ses exportations. Donc, ce système ne vaut que tant que les pays européens accepteront ce déséquilibre non coopératif, par lequel l’austérité du fort impose l’austérité du faible et conduit l’ensemble vers le précipice de la déflation.
Ce n’est donc pas par hasard que des voix s’élèvent un peu partout pour s’inquiéter de la stratégie (de son absence plutôt) européenne en face de la crise de la dette et de l’euro, tant dans les institutions internationales (FMI, OCDE, OIT) que dans les institutions nationales, partis politiques ou syndicats, de tous pays et de tous bords, notamment en France et en Allemagne même. Car il y a ceux qui défendent les intérêts de classe, privés et de court terme, du capital, nationaux par nature, et ceux, plutôt « keynésiens », qui perçoivent les effets de cette politique, destructeurs à terme du système.
Ce n’est pas par hasard que l’on voit de nouveau des propositions de réforme du SMI en référence à Keynes qui voulait avec son bancor créer un système multilatéral de compensation des déséquilibres des paiements internationaux permettant aux pays déficitaires de prendre les mesures de redressement nécessaires sans se voir imposer une austérité salariale dangereuse pour la cohésion sociale et la pérennité de l’économie de marché.
Voulant ignorer que la crise est dans les gènes du capital, le social-libéralisme « keynésien » ne constitue pas, bien que rationnel, une perspective réelle de sortie de crise, car les lois du capital sont plus fortes que celles de la raison. Il reste que tout cela permet d’affirmer que la situation est moins figée que veulent bien le dire le 20 heures de TF1 ou celui de France 2. Si le « miracle » allemand perdure, ce sera un vrai miracle capitaliste ! En réalité, des marges de manœuvre existent si on déverrouille la dialectique des rapports de production capitalistes.