L’attaque contre la Sécurité sociale entre dans une phase décisive

On sait que sur les 21 milliards de diminution de dépenses prévue dans le « Pacte de stabilité », 10 milliards concerneront l’Assurance-maladie. Mais il existe bien d’autres mesures qui vont avoir un impact sur la Sécurité sociale solidaire, d’autres signes d’avancée du rouleau compresseur néo-libéral, dont on apprend l’existence ici ou là : voici les informations que nous avons recueillies au cours du dernier mois.

1/ Alors qu’une étude suédoise montre que l’autisme est dû à plus de 50 % à l’acquis (et donc l’environnement), la ministre Marie-Arlette Carlotti, la Haute autorité de la santé (HAS, spécialiste des conflits d’intérêts), les Agences régionales de santé (ARS, bras armé du néolibéralisme contre la Sécurité sociale) jugent que la cause est entièrement génétique et donc décident d’éliminer toute intervention de caractère psychanalytique ou de psychothérapie institutionnelle, car d’après la ministre ces pratiques ne sont pas « consensuelles ». Ne sont déclarées consensuelles que les interventions sur les conséquences de la maladie et non sur les causes. Soyons clair, agir seulement sur les conséquences, cela demande moins de financement ! Et les pouvoirs publics refusent d’admettre que le débat scientifique n’est pas tranché . Le CASP qui réunit le Syndicat des médecins psychiatres des organismes publics, semi-publics et privés (SMPOP), le Syndicat national des psychiatres privés (SNPP), le Syndicat des psychiatres français (SPF), le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), l’Union syndicale de la psychiatrie (USP), conteste les choix des pouvoirs publics.
Leur détermination à ne pas chercher la cause mais à se borner à agir sur les conséquences a même entraîné l’ARS d’Ile-de-France à rejeter la dépense de formation d’un montant de 80 euros (!) de deux soignants d’un centre médico-psycho-pédagogique du Val de Marne sous prétexte qu’elle s’intitulait « Le psychanalyste et l’autiste »…

2/ Alors que Médecins du monde fait état en France d’une augmentation forte du nombre de personnes venant à ses consultations sans couverture sociale, la Sécurité sociale dirigée par le néolibéral Frédéric van Roekhegem ose dire que « les effectifs de la CMU de base [NDLR : la CMU de base doit théoriquement assurer de façon universelle tous les Français et étrangers] a régressé de 1,2 % sur un an pour l’ensemble du territoire, avec 2,25 millions de bénéficiaires ». Tout simplement parce de nombreuses personnes qui y auraient droit n’y sont pas inscrites !

3/ L’année 2013 a connu une forte progression du nombre de bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) (+7,5%, 4,9 millions de personnes) et de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS) (+15,1%, 1,16 million de personnes), selon la lettre Références CMU d’avril. L’augmentation d’environ 362.000 nouveaux bénéficiaires de la CMU-C est due pour 102.000 à l’augmentation des barèmes et pour 260.000 à l’augmentation de la pauvreté.

4/ Rien qu’en Ile-de-France, sur la base de l’activité 2012, 43 établissements de santé dont 27 publics (quatre à Paris, cinq en Seine-et-Marne, trois dans les Yvelines, trois dans l’Essonne, deux dans les Hauts-de-Seine, un en Seine-Saint-Denis, trois dans le Val-de-Marne et cinq dans le Val-d’Oise), ne sont pas dans « les clous » concernant l’accès à l’IVG et en matière de centre d’éducation et de planification familiale (CEPF)

5/ Alors que le groupe privé Le Noble âge, spécialiste, comme Korian et d’autres, des maisons de retraites à plus de 3000 euros par mois, vient d’ouvrir deux Ehpad à 65 euros par jour cette année. Et que fait le gouvernement Hollande-Valls ? Il supprime le projet de loi d’adaptation au vieillissement n’est plus du calendrier parlementaire ! Comme s’il fallait laisser la privatisation des profits dans ce secteur !

6/ Marisol Touraine a annoncé son plan d’économies trisannuel, après avoir admis que l’apport de la stratégie nationale de santé (SNS) annoncée fin 2013 sur ce plan d’économies semble avoir été quasi nul. Les économies attendues sont les suivantes :
– renforcement des soins de proximité « en favorisant la coopération entre la médecine de ville, l’hôpital et les maisons de retraite » et en réduisant les durées d’hospitalisation: 1,5 milliard d’euros (dont 1 milliard pour la seule chirurgie ambulatoire),
– maîtrise des prescriptions en évitant les actes redondants et inutiles : 2,5 milliards d’euros,
– baisses de prix des médicaments : 3,5 milliards d’euros,
– meilleure gestion et mutualisation des achats à l’hôpital : 2 milliards d’euros,
– lutte contre la fraude : 500 millions.
Tout cela est un leurre qui n’engagera que ceux qui y croient. En fait, comme ce plan sera aussi inefficace que la stratégie nationale de santé de l’année dernière, la réalité sera l’accentuation de la privatisation, le recul de l’accès aux soins, l’augmentation des inégalités sociales de santé, etc. Seules les ARS et les structures de contrôle néolibérales ne seront pas affectés par les diminutions d’effectifs car dit la ministre, ils ne sont pas si nombreux que cela ! Alors que Manuel Valls a déclaré le 9 avril dernier qu’il compte sur la restructuration de l’offre hospitalière pour faire des économies. Donc diminution de l’offre hospitalière de proximité ! Pour cela, il y a un accord entre syndicats de médecins libéraux, la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) et le MEDEF soutenus par le gouvernement néolibéral pour montrer du doigt l’hôpital public. Rappelons que ce dernier ne compte que pour 34 % dans les dépenses de l’Assurance-maladie, que les effectifs des hôpitaux publics ont diminué d’au moins 20 000 salariés et que le passage aux urgences a doublé depuis 1995 pour atteindre près de 18 millions de passage.

7/ La Cour des comptes se mobilise pour introduire plus de néolibéralisme dans le secteur de la santé en proposant que trois CHU français expérimentent l’émission de billets de trésorerie comme une vulgaire société financière !

8/ Alors que c’est le rôle de la Sécurité sociale de conventionner partout pour le bien de tous et toutes, voilà un degré de plus dans la néolibéralisation du secteur de la santé et de l’assurance-maladie. Les pouvoirs publics néolibéraux après avoir autorisé en 2011, pour développer la médecine à plusieurs vitesses, la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) a lancé en 2011 un programme de « conventionnement hospitalier mutualiste » qui permet aux adhérents des mutuelles de bénéficier de tarifs négociés et d’une dispense d’avance de frais [mais pas à tous et toutes ! NDLR], voilà qu’elle permet d’étendre cette nouvelle attaque contre la Sécurité sociale en autorisant son application pour les soins de suite et de rééducation (SSR).

9/ Le principe de la rémunération à la performance est de plus en plus développé par la direction néolibérale de la Sécu.

10/ Suite à la légalisation des dépassements d’honoraires décidé par François Hollande et Marisol Touraine et à la possibilité que les médecins de secteur 2 voient leurs cotisations sociales payés par la Sécurité sociale, nous ne sommes pas étonnés de constater l’augmentation continue des installations  en secteur 2 au détriment de l’accès aux soins de qualité partout et pour tous. Pire, Etienne Caniard président de la Mutualité Française se dit prêt à « reconquérir les domaines délaissés par l’assurance maladie obligatoire ». Il exhorte les responsables politiques à faire leur deuil  de la Sécurité sociale et à  ranger au rayon des souvenirs « les idéaux des ordonnances de 1945″. Il estime que la généralisation de la complémentaire santé en entreprise (ANI, projet du Medef exaucé grâce à des syndicats complaisants) « est un premier pas très positif dans ce douloureux travail de deuil. ». Il reconnaît cependant que le deuil des mutualistes a été facilité par l’octroi « d’environ 5 milliards d’euros d’aide publique chaque année via les contrats santé». Comme quoi les néolibéraux financent mieux les attaques contre la Sécurité sociale que la Sécurité sociale elle-même !

11/ Le rapport Devictor demande de continuer la diminution des dépenses publiques pour augmenter les dépenses privées. Aujourd’hui, c’est la ligne gouvernementale d’aller en ce sens notamment pour les montants des primes d’assurances complémentaires, les subventions des contrats collectifs d’assurances santé d’entreprises, les restes à charge des patients, etc. L’aggravation des inégalités sociales est donc prévisible.

12/ Le gouvernement maintient les privilèges des firmes pharmaceutiques en préférant, pour deux médicaments identiques en service médical rendu, le plus onéreux (cf. l’affaire Lucentis/Avastin).

13/ Alors que la tarification à l’activité favorise la privatisation, la baisse de la qualité des soins (La France a reculé à la 9e place dans l’évaluation internationale des systèmes de santé), le caractère inflationniste de la dépense d’Assurance-maladie, le gouvernement néolibéral veut le développer au lieu de changer de tarification.

14/ Comme le précise le Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP, regroupant plus de mille praticiens hospitaliers et chefs de service), le gouvernement néolibéral développe « le millefeuille bureaucratique inhérent à la mixité et au bicéphalisme de notre système de santé. Chaque feuille de santé est traitée deux fois, une fois par la Sécurité sociale et une fois par les assurances complémentaires, si bien que nous dépensons le double de la moyenne des pays de l’OCDE pour la gestion de la Santé (soit plus de 15 milliards). Il convient également de débureaucratiser les hôpitaux et les Agences régionales de santé (ARS) pour consacrer les ressources en priorité aux équipements et aux soins. »