Depuis plusieurs années les lois de financement de la sécurité sociale ont instauré une politique d’austérité qui met à mal notre système de santé et de protection sociale. Le virage idéologique du gouvernement avec la mise en place du gouvernement Valls II va amplifier et aggraver cette situation. Depuis des années les professionnels de santé se mobilisent pour protester et essayer d’infléchir ces choix, avec des résultats non négligeables dont le plus emblématique est le coup d’arrêt à la fermeture de l’hôpital de l’Hôtel-Dieu de Paris et la validation par le nouveau directeur général de l’AP-HP, Martin Hirsch, du projet alternatif proposé par la CGT et le comité de soutien très large mis en place pour animer la lutte.
Cependant les enjeux dépassent ceux des seuls professionnels et sans l’implication de tous les salariés et plus largement de la population, il est difficile de créer un rapport de forces suffisant pour infléchir la politique du gouvernement. C’est la raison qui a motivé la décision de la confédération CGT d’organiser une journée d’action interprofessionnelle le 16 octobre pour essayer d’infléchir le projet de loi de financement de la sécurité sociale et mettre en avant des propositions alternatives.
Nous sommes effectivement dans un contexte particulier avec des résultats des politiques d’austérité qui sont sans appel. Une activité économique à l’électroencéphalogramme plat, une déflation qui s’annonce, une poursuite de la destruction de l’industrie française et une diminution de l’emploi salarié. Ce dernier point est particulièrement inquiétant puisque l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale (ACOSS) annonce 100 000 emplois perdus en 2013. Par ailleurs, les conditions d’emploi se dégradent avec un taux record de 84 % des embauches en CDD. Notons que les fonctions publiques ne sont pas en reste, avec un taux de précaires qui a tendance à se reconstituer malgré la loi Sauvadet de résorption de l’emploi précaire. Tout cela s’accompagne d’une persistance du travail dissimulé que les services de l’inspection du travail n’ont plus les moyens de sanctionner, ce qui entraîne un manque de recettes pour la sécurité sociale (20 à 24 milliards selon l’ACOSS). Il semble que pour les autorités européennes, ce phénomène semble « normal » et qu’il est nécessaire de chiffrer les activités illégales pour qu’elles soient prises en compte dans le PIB.
Dans le domaine de la santé, après les multiples réunions autour du « pacte de confiance » de Marisol Touraine et de la future loi santé, la Fédération CGT de la santé et de l’action sociale a pris la décision début juillet de refuser de poursuivre le simulacre de concertation autour de la future loi de santé. En effet, loin des promesses de campagne, la loi HPST demeure et les quelques aménagements cosmétiques annoncés sont très éloignés de nos propositions d’un grand service public de la santé et de l’action sociale. Le rôle et la place des ARS dans leur format autoritaire laissant peu de place à la démocratie sont notamment renforcés avec le maintien d’une quasi exclusion des représentants syndicaux des différentes instances. Les quelques strapontins octroyés aux associations de patients – dont la représentativité peut parfois interroger – ne répondent qu’à des objectifs démagogiques et ne modifieront en rien le pouvoir sans partage des « préfets sanitaires » que sont leurs directeurs généraux. Une des mesures les plus dangereuses est la suppression des CHT (communautés hospitalières de territoires) au profit de GHT (groupements hospitaliers de territoire). En effet, tous les établissements publics de santé devront obligatoirement adhérer à un GHT qui aura en charge plusieurs activités mutualisées (systèmes d’information et DIM, formation initiale et continue des professionnels de santé, politique d’’achats) et devra porter un projet médical commun. Chaque établissement public de santé devra adhérer à un GHT avant le 31 décembre 2015. Il est clair que l’objectif poursuivi est celui de l’accélération des restructurations et des fermetures d’établissements, ce d’autant que toute liberté est laissé au secteur d’hospitalisation privée lucrative de se restructurer en privilégiant les créneaux d’activité les plus rentables.
Ce positionnement s’est décidé dans la continuité de celui adopté par la confédération CGT vis-à-vis de la conférence sociale. Les annonces faites par le Premier Ministre quelques jours avant sa tenue ont été le déclencheur du départ de la CGT, rejointe par FO et la FSU. Le report partiel du compte pénibilité, pourtant très loin de nos revendications et excluant les agents de la fonction publique, est assez emblématique du mépris du gouvernement pour les salariés. Les derniers chiffres publiés récemment montrent l’aggravation de ce phénomène sur un des critères incontournables de pénibilité contenus dans le code du travail, à savoir le travail de nuit. En 2012, 3,5 millions de salariés travaillaient la nuit, soit un million de plus qu’en 1991. La fonction publique est dans une situation défavorable par rapport au privé, puisque 30 % des agents sont concernés contre 22 % des salariés du privé. Dans champ de la santé, la question est encore plus prégnante avec 42 % des infirmières et des sages-femmes concernées, 22 % des aides-soignantes et 44 % des médecins. Les attaques qui se multiplient pour exclure de plus en plus de salariés de la catégorie active, à l’instar de ce que nous constatons ces derniers mois pour les auxiliaires de puériculture, constituent donc une véritable provocation.
La journée d’action du 16 octobre vise donc à opposer une résistance, mais aussi à montrer que d’autres choix sont possibles. La logique de réduction des dépenses publiques vise à basculer sur l’individuel ce qui est aujourd’hui collectif et repose sur le principe de la solidarité. Il ne s’agit pas de réduire globalement l’offre de services mais bien de réduire ceux qui sont financés pas la sécurité sociale et l’impôt. La première étape déjà en cours est celle de la fameuse « complémentaire pour tous » de l’ANI qui va obliger ceux qui le peuvent à souscrire une surcomplémentaire pour être correctement couverts.
Pourtant les emplois dans le secteur de la santé créent de la richesse et ne constituent pas un « coût » qu’il faudrait réduire : alors que les dépenses de santé représentent 11,2 % du PIB, l’activité dans ce secteur génère 13 % de la richesse nationale. Il est donc urgent d’obtenir une autre logique financière. L’argent existe pour financer la protection sociale. En effet, l’addition des différentes prélevées par l’État (taxes sur les salaires, TVA…), les frais financiers exorbitants prélevés par les banques dans le cadre des emprunts toxiques (jusqu’à 17 % de taux d’intérêt !), les dividendes versés dans le secteur privé lucratif d’hospitalisation et de prise en charge des personnes âgées ainsi que les profits vertigineux de l’industrie pharmaceutique est supérieur au déficit annoncé de l’assurance maladie.
Tout cela se fait par ailleurs dans un contexte de blocage des salaires et de suppression massive d’emplois qualifiés sous statut, tant dans les hôpitaux que dans les organismes de sécurité sociale. Dans le secteur de la santé, la précarisation est la règle et les créations d’emplois dans le secteur des structures pour personnes âgées ou de l’aide à la personne sont loin de compenser les pertes dans les établissements de santé, tant en terme de qualification que de statut et de rémunération. Au niveau de la sécurité sociale, la saignée est particulièrement sévère avec 16.000 suppressions entre 2007 et 2013 et elle va se poursuivre d’ici 2017 au rythme de 4 900 pour la branche maladie, 1 000 pour la branche famille, 740 pour le recouvrement et en toute hypothèse un peu moins de 800 pour la branche vieillesse (soit pour la période 1 860 emplois par an toutes branches confondues). Tout cela alors que la seule gabegie du dossier médical partagé a coûté près de 800 millions d’euros pour un résultat inexistant, mais qui a permis à un certains nombreuses d’officines informatiques de se sucrer au passage.
Il est donc important que cette journée d’action puisse rassembler le plus largement possible, tant au niveau syndical qu’associatif et des simples citoyens pour exprimer clairement le fait que nous refusons que la santé devienne un service marchand soumis à la concurrence et que nous exigeons un financement de la sécurité sociale au niveau des besoins de notre système de solidarité nationale qui constitue un des éléments majeurs du pacte social.