Changement à la station Place de Clichy.
Des familles entières installées avec leur pancarte « Syrian » pour mieux se distinguer des autres ? Ce mot qui résume la gravité de leur situation ? Ce mot qui justifie leur détresse ? Comme si était écrit « nous ne sommes pas des mendiants comme les autres, nous avons fui l’horreur » ? Une famille, deux familles, trois… cinq familles dans ce couloir qui n’en finit pas. Celui ou celle qui porte la pancarte proclame sa plainte en arabe comme pour prouver sa distinction.
Comme si nous étions à une brocante, la brocante du plus en besoin…
Au bout du couloir, un homme joue du violon et tente avec ce qu’il sait faire d’obtenir quelques euros.
Nous arrivons sur le quai et attendons le métro, il arrive, les portes s’ouvrent et c’est une fanfare qui nous éclabousse de notes. Nous restons quelques stations et passons du jazz manouche à la samba brésilienne et toujours ces mains tendues pour des centimes.
Changement à la station Stalingrad.
Une femme avec un nouveau née dans les bras assise par terre sans pancarte. Sur cette absence de pancarte est écrit « Roms ». Une petite fille, à côté d’elle, de cinq ou six ans peut-être berce elle aussi un bébé.
Et nous, de passage, tantôt penaud(e)s, agacé(e)s, indifférent(e)s, sensibles, impuissant(e)s, en colère, mais de passage…
Sur les affiches du métro, on nous parle des Galeries Lafayette, du dernier blockbuster avec ses actrices et ses acteurs magnifiques, d’un voyage en Martinique avec Promovacances, de bien dormir sur un bon matelas Dunlopillo…
Alors, mesdames et messieurs les responsables politiques élu(e)s par le peuple et pour le peuple, si vous manquez d’inspiration pour proposer une politique socialiste au sens historique, politique, noble du terme, prenez le métro.
Venez regarder toute cette misère qui résiste pour vivre et que vous ne savez pas empêcher. Venez écouter ce cri du peuple qui ne vous parvient pas jusqu’à Versailles.
Audrey B.
16 juin 2016