Ce livre arrive à point nommé. Pour plusieurs raisons d’ailleurs. D’abord parce qu’Henri Pena-Ruiz est un intellectuel français central sur le thème de la laïcité. Ensuite parce que cet ouvrage est en lui-même la preuve du lien charnel entre le principe de laïcité et de toute pensée émancipatrice. Enfin parce que cet objet est un outil agréable et utile pour tout public (1)Lire l’entretien de l’auteur, réalisée sur Radio Classique à l’occasion de la sortie de l’ouvrage, transcrite par M. Bafour et revue par M. Cabotte-Carillon qui l’a transmise à ReSpublica. .
Dans la confusion intellectuelle largement entretenue par les médias dominants, par les élites politiques néolibérales de droite et de gauche, mais aussi par les élites intellectuelles et de la gauche en lambeaux, rares sont ceux qui sont des points de lumière auprès desquels on peut reconstruire une pensée neuve, cohérente et émancipatrice. Henri Pena-Ruiz est l’un de ces points de lumière. Comme débatteur, comme intellectuel, comme globalisateur de la pensée. L’histoire du combat laïque depuis la fin des années 80 ne peut pas s’écrire sans lui. Comme d’ailleurs, elle ne peut pas s’écrire sans Catherine Kintzler et Eddy Khaldi et les militants qui ont mené durant cette période la bataille laïque. On le retrouve en position de combat durant toute cette période : dans les débats publics, dans l’écriture, dans la Commission Stasi, dans ses conseils, dans son éclectisme tant dans ses divers lieux d’action que dans sa propension à lier le principe de laïcité au reste de la pensée émancipatrice.
Si vous êtes comme moi, un amoureux des dictionnaires et des encyclopédies, jetez-vous sur ce livre. Si vous êtes comme moi, incapable de commencer un livre par le début ; jetez-vous sur ce livre. Si vous voulez entrevoir le lien charnel entre le principe de laïcité et une pensée vivante de notre temps, jetez-vous sur ce livre. Vous serez étonnés dans le bon sens du terme comme je l’ai été à la lecture des plus de 250 entrées de ce dictionnaire. Vous y retrouverez toutes les entrées habituelles sur ce type de sujet que je ne vais pas, bien sûr, énumérer. Mais vous serez peut-être comme moi surpris, toujours dans le bon sens du terme, de lire les entrées « Avérroès », « Bayle », « Belaïd Chokri », « Commune de Paris », « Dostoïevski », « Locke », « Marx »,« Morale », « Respect des croyances… ou des croyants », etc. Vous y verrez une pensée précise qui ne confond pas « Antisémitisme « avec « Antijudaïsme », « Laïcité » et « Tolérance ». Une pensée précise sur ce qu’est le « Concordat », le « Cléricalisme » et bien d’autre chose encore. Vous apprendrez des choses sur « Dante », sur « D’Holbach », sur « Diderot », sur « Spinoza ». Vous aurez enfin une entrée sérieuse sur le « Sionisme » alors que ce terme est galvaudé tant à droite qu’à gauche.
Lire ce dictionnaire, c’est faire vivre la laïcité dans son environnement global et social et non dans une chambre à part coupé de la vraie vie.
Ai-je des critiques à faire sur ce dictionnaire. Bien sûr ! Mais vous en aurez aussi puisque vous êtes un lecteur vivant. Sur l’entrée « Cathare », je n’ai pas lu le lien avec l’idéologie déjà existante en Europe des dualistes comme par exemple avec les Bogomiles, leur critique de l’Ancien testament,etc. Je n’ai pas lu d’entrée sur Jean Zay (et ses deux circulaires qui interdisent les signes religieux et politiques à l’école en 1937), sur Buisson, sur les autres protagonistes autre que Jaurès de la bataille pour la loi de 1905, sur ceux qui ont « trahi » le combat laïque. Mais ce dictionnaire fait déjà plus de 900 pages… pour seulement 25 euros !
Lisez-le. Reposez-le pour vaquer à d’autres occupations nécessaires. Revenez-y pour y relire une entrée spécifique. Reposez-le à nouveau. Faites lire à vos amis les entrées qui vous ont marqués ! En fait, n’ayez plus peur des lectures vagabondes sans lesquels le plaisir n’est pas complet.
Merci, Henri.
Notes de bas de page
↑1 | Lire l’entretien de l’auteur, réalisée sur Radio Classique à l’occasion de la sortie de l’ouvrage, transcrite par M. Bafour et revue par M. Cabotte-Carillon qui l’a transmise à ReSpublica. |
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