Ce livre publié aux Éditions de l’Épervier (514 pages, 25 euros) est écrit par un auteur d’origine turque, né au Canada, qui a enseigné la philosophie et l’histoire aux États-Unis où il vit actuellement. Disons d’emblée que sa thèse n’est pas la thèse laïque car il professe l’interdiction des signes religieux dans tout l’espace public (donc y compris la rue) dont elles « ne sont sorties que pour le malheur de l’humanité » alors que la thèse laïque ne la proclame que dans les sphères de l’autorité politique et de constitutions des libertés (école, services publics, protection sociale). Pour les partisans du principe de laïcité, la liberté la plus grande doit exister dans la société civile (donc y compris dans la rue) sous réserve du respect de l’ordre public. Dit autrement, l’auteur se fait l’avocat d’une société athée et non d’une société laïque, dans laquelle le principe de laïcité doit permettre le plus haut niveau de liberté pour tous. A noter et c’est d’importance, qu’il fustige l’ensemble des religions avec la même ferveur et non une seule religion, l’islam, comme les ultra-laïcistes français de droite et d’extrême droite. (1)Nous rappelons que pour nous, l’ultra-laïcisme est le pendant anti-laïque de la laïcité d’imposture des communautaristes qui adjective le mot « laïcité » pour en changer le sens.
Cette critique étant posée, je me dois de dire que ce livre est, malgré tout, d’un grand intérêt car il s’appuie sur une étude historique et littéraire impressionnante. Même si le procès des religions est uniquement à charge, il donnera aux citoyens éclairés des connaissances avec les sources correspondantes (565 notes se déployant sur 35 pages). Si l’auteur met en perspective « le bilan historique criminel de toutes les religions », force est de constater que toutes les religions en prennent pour leur grade : animisme, judaïsme, christianisme, islam, hindouisme, bouddhisme, etc.
Autant dire que l’auteur fustige l’idée que « les religions professent l’amour ». En fait, ce livre n’est pas un livre contre les croyants mais « contre la croyance »(page 7). D’une certaine façon, il reprend le flambeau des thèses athées de Bertrand Russel dans « La religion a-t-elle contribué à la civilisation » (1930) et de d’Holbach dans « La cruauté religieuse » (1769). A noter que Diderot était holbachien.
La première partie du livre fait un recensement diachronique tiré des grands auteurs grecs, romains, français, etc. des assassinats de masse, avec chiffres à l’appui, effectués au nom des différentes religions. L’auteur prend des partis pris historiques comme l’imputation de l’incendie de Rome en l’an 64 aux chrétiens (et non à Néron) en « croisade pour la pudeur ». Après les massacres organisés par les animistes, par les Hébreux avant notre ère, les répressions sanglantes des chrétiens, la présentation des associations religieuses criminelles comme la « Sainte Vehme », les persécutions de la conquête islamique, la croisade catholique contre les cathares, contre les sorcières, contre les non-catholiques en Espagne, le génocide des nord -amérindiens, les guerres inter-religieuses, la chasse aux juifs, les génocides en Arménie, au Biafra, au Rwanda, le bouddhisme meurtrier, etc.
La deuxième partie du livre rassemble pour les justifications des crimes de guerre dans les textes religieux eux-mêmes. Et là tout y passe : la Bible, le Coran, les textes religieux indiens et chinois (notamment le taoïsme et le confucianisme), etc. Les persécutions sont étudiées dès la Grèce antique. Puis les persécutés de chaque religion : d’Hypathie à Galilée pour le christianisme, d’Al kindi à Averroès pour l’islam, Servet pour le protestantisme, etc. Sont appelés à la barre du tribunal : Diderot, D’Alembert, Voltaire, Kant, Spinoza, Bauer, etc.
La troisième partie essaye de justifier par l’actualité le projet de l’auteur de « chasser Dieu de l’espace public » pour empêcher la religion de perpétrer ce que l’auteur appelle « un crime contre l’humanité ». L’Algérie, le Liban, le Nigeria, la Côte-d’Ivoire, les croisades de Bush, etc. sont analysés. Les anathèmes notamment contre Salman Rushdie, Itzak Rabin, Anouar el Sadate sont précisés. Il engage une forte polémique contre Bernard-Henri Lévy « le nouveau Saint-Bernard », contre Tariq Ramadan « le jésuite islamique », contre Charles Taylor « le multiculturaliste canadien », contre Edwy Plenel « le thuriféraire de la laïcité molle des intellectuels des beaux quartiers », contre l’hebdomadaire Le Point et contre Philosophie magazine utilisant la stratégie de la confusion, contre le Monde des religions et « sa stratégie de l’euphémisation », contre le journal Philosophie qui est selon l’auteur « le rendez-vous du spiritualisme bobo », contre l’offensive obscurantiste des créationnistes, etc. Puis vient le caractère nocif du laxisme contre les religions quelle que soit la période historique. Le livre se termine par des propositions de calendrier athée et de la semaine de travail de 4 jours sur 6.
Notes de bas de page
↑1 | Nous rappelons que pour nous, l’ultra-laïcisme est le pendant anti-laïque de la laïcité d’imposture des communautaristes qui adjective le mot « laïcité » pour en changer le sens. |
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