Selon John J. Mearsheimer et Stephen M. Walt, coauteurs du livre (1) Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine (( éd. La Découverte, Paris, 2009 , beaucoup de leurs compatriotes et de personnes dans le monde s’interrogent sur les soutiens étatique et privé, sur les plans aussi bien financier que diplomatique et militaire « hors du commun » et de longue date des Etats-Unis d’Amérique à Israël, alors même que le second ne revêt aucun intérêt stratégique pour le premier. Ce soutien, d’une aussi grande ampleur et étalée sur une telle durée, se justifie d’autant moins qu’il est souvent néfaste aux intérêts des Etats-Unis d’Amérique, et même à ceux d’Israël.
Selon ces deux auteurs, ce soutien s’explique principalement par l’activisme inlassable du lobby américain pro-israélien.
Qu’est-ce que le lobby pro-israélien états-unien ?
Ce lobby se compose d’individus et d’organisations juives- et non juives- qui, comme dans tout lobby, consacrent l’essentiel de leur temps, de leurs énergies ou de leurs ressources à défendre une cause, en l’occurrence Israël.
Il compte en fait trois sous-ensembles : les riches donateurs juifs et les organisations juives ; les néoconservateurs, où les Juifs américains jouent un rôle de premier plan ; et les sionistes chrétiens évangélistes.
Chacun de ces sous-ensembles dispose de moyens d’action et propagande considérables : argent, journaux, sites Internet, centres de recherche, ainsi que de postes sensibles occupés par leurs adhérents ou leurs sympathisants dans d’autres organes de presse et dans des institutions publiques : Congrès, gouvernement, conseillers au gouvernement, Conseil pour la sécurité nationale, diplomatie, haute administration…
Jusque-là, rien d’anormal, dans la mesure où l’existence des lobbys fait partie de la vie politique de ce pays. C’est bien différent du mode de fonctionnement de la vie politique et des institutions politiques françaises. Même si l’extrême droite française tente d’instrumentaliser ce terme à des fins nauséabondes. Ce qui, en revanche, posent problème, ce sont certains des procédés du lobby pro-israélien.
Il s’agit d’abord, selon les deux auteurs, des conséquences néfastes des pressions constantes du lobby sur le président, le gouvernement et les membres du Congrès des Etats-Unis d’Amérique pour qu’ils alignent totalement la politique étrangère moyen-orientale de la première puissance mondiale sur celle de l’Etat d’Israël, et qu’ils satisfassent toutes les demandes de ce dernier.
Le deuxième grief que les deux professeurs états-uniens adressent à ce lobby est son emploie à cette fin de tous les moyens, y compris les « plus brutaux. »
Plus concrètement, cette pression du lobby vise, par exemple, à empêcher le pouvoir états-unien de faire pression sur Israël, pour que ce dernier accepte l’établissement d’un État palestinien aux frontières d’avant le 5 juin 1967 ; un État viable économiquement et politiquement, en échange de la paix et la sécurité pour lui.
C’est pour cette raison, selon les deux chercheurs, que l’offre de paix d’Ehud Barak en 2000 à Camp David n’a été qu’une fumisterie à l’égard des Palestiniens, et une mystification des opinions publiques israélienne et mondiale.
Le lobby pro-israélien et Israël ont également torpillé, selon les deux intéressés, toute chance de mise en œuvre par le Congrès et le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique d’une politique de dialogue avec l’Irak de Saddam Hussein, la Syrie et l’Iran.
Cela s’est soldé par la contribution directe à la victoire électorale du Hamas dans les Territoires de l’Autorité palestinienne, le désastre politico-militaire pour les Etats-Unis d’Amérique en Irak, et pour Israël le bombardement à vaste échelle du Liban et de sa population par Israël, en été 2006.
Cette politique de confrontation — systématique — concourt à alimenter le terrorisme et à empêcher la formation d’une large coalition internationale contre ce fléau.
Elle ne laisse pas non plus, selon eux, le choix à ces pays, pour se protéger, que de continuer à financer et à armer le Hamas, le Djihad islamique et le Hezbollah libanais, et également, pour ce qui est de l’Iran, d’accélérer son programme nucléaire civil, puis militaire.
Qu’est-ce qui fait la puissance du lobby pro-israélien ?
Cette puissance, ce lobby la tient avant tout, d’après le livre, de l’énorme manne financière, dont il bénéficie de la part des milliardaires juifs états-uniens. Elle lui permet de financer les campagnes électorales des candidats, à la chambre des Représentants, au sénat et à la présidence de la république, donnant suffisamment de gages de soutien inconditionnel à Israël.
Elle permet aussi au lobby de punir les candidats, qui ne veulent pas se plier à ses injonctions, en finançant les campagnes électorales de leurs rivaux, de même que toute critique d’Israël, émanant de qui que ce soit, élu du peuple, universitaire, journaliste, ministre et même du Président des Etats-Unis d’Amérique, s’exposera à de violentes attaques, voire à un lynchage médiatique de la part de ce lobby.
La sénatrice démocrate, Hillary Clinton, en sait quelque chose, elle qui, comme beaucoup d’autres, essuya selon Mearsheimer et Walt, les pires critiques de la part du lobby, parce qu’elle avait seulement appelé, en 1998, à l’établissement d’un État palestinien et qu’elle avait fait la bise à Souha Arafat, l’épouse de l’ex-président de l’Autorité palestinienne.
Le lobby use et abuse aussi de la redoutable accusation d’antisémitisme. Nombre de membres du Congrès, de journalistes ou d’universitaires, bien qu’amis de longue date d’Israël, n’ont pas été épargnés, pour peu qu’ils aient émis une critique de tel ou tel aspect de la politique israélienne, qu’ils jugent contre-productif.
Nos deux universitaires racontent aussi comment ce lobby a traîné dans la boue l’ancien président des États-Unis d’Amérique, Jimmy Carter, parce que celui-ci avait écrit dans son livre, Palestine : Peace Not Aparthied, quelques vérités sur le traitement qu’Israël inflige aux Palestiniens dans les territoires occupés et sur certaines méthodes, peu amen, de ce lobby.
Des membres du lobby sont allés jusqu’à qualifier Paris de « capitale de l’Europe antisémite. » Ces intimidations consistent également, d’après l’ouvrage, en quelques heures seulement, en la signature de pétitions, en l’envoi de milliers de lettres postales et de courriels électroniques à l’intéressé, ou encore, des milliers d’appels téléphoniques, la publication d’encarts publicitaires dénonciateurs dans les journaux, l’organisation de manifestations ou de rassemblements devant le siège d’un journal ou d’une radio, etc.
Le lobby fait également actionner, comme un seul Homme, plusieurs dizaines de représentants et de sénateurs pour qu’ils envoient une lettre collective « cinglante » à la cible qu’il leur désigne, souvent le président des Etats-Unis d’Amérique ou l’un de ses ministres, mais aussi des journalistes, des universitaires…
Il charge aussi des étudiants de faire pour lui de la délation, concernant les organisations estudiantines et des enseignants jugés hostiles à Israël ou au lobby. Il n’hésite pas non plus, d’après nos deux chercheurs, à tenter de faire taire ou de briser la carrière universitaire d’un professeur, d’empêcher la publication d’une production académique.
Le lobby pro-israélien aux Etats-Unis d’Amérique a atteint une telle puissance, qu’il est devenu un danger… pour l’avenir d’Israël
Notes de bas de page
↑1 | Le Lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine (( éd. La Découverte, Paris, 2009 |
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