Comme on s’y attendait, le pouvoir algérien, sourd et aveugle, mais aux abois, a répondu par la répression aux revendications d’une partie de l’opposition, organisée au sein d’une Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD). Il s’agit du Rassemblement pour la Culture et la démocratie (social-démocrate), du Parti pour la laïcité et la démocratie (issu de la mouvance communiste du Parti de l’avant-garde socialiste), du Mouvement démocratique et social (issu de la même mouvance communiste) , du Parti socialiste des travailleurs (trotskiste), du Comité de citoyens pour la défense de la république (courant républicain, principalement issu ou en lien avec une partie du pouvoir), du PLG, de plusieurs syndicats autonomes, majoritairement ceux de l’enseignement, d’associations féministes, d’anciens ministres, de citoyens…
Les manifestants ont été empêchés par la force de marcher le 22 janvier, ainsi que les 12 et 19 février derniers, à Alger, Oran, Constantine, Annaba, Bejaïa, Ghardaïa…
Le pouvoir a mis à cet effet Alger et sa périphérie en quasi-état de siège, et fait procéder à des centaines d’interpellations, dont des dizaines de femmes et de féministes, de députés, dont certains furent sauvagement battus. Une répression, qui est très certainement loin de faire l’unanimité au sein des hautes sphères du pouvoir, qu’à ses échelons intermédiaires et de base.
Cette répression a également provoqué une vive réaction des États-Unis d’Amérique, de l’Union européenne, de l’Allemagne et de la France (plutôt, prudente) qui l’ont condamné, et qui ont enjoint au pouvoir algérien de respecter le droit de manifester de ses citoyens.
De leurs côtés, les Algériennes et les Algériens de Paris, Marseille, Grenoble, Nice, Toulouse, Bordeaux… Montréal ont, à l’appel de la CNCD-France ou d’associations d’Algériens, organisé des rassemblements ou des manifestations de soutien aux citoyens et aux démocrates en Algérie, qui luttent pour le changement et la démocratie.
Recomposition en cours du rapport des forces au sein du pouvoir
La crainte du clan dominant au sein du pouvoir, en l’occurrence de Bouteflika, réside dans l’éventualité d’une double jonction entre l’opposition et le peuple, et entre ceux-ci et une fraction du pouvoir opposé à divers degrés et pour diverses raisons à son clan, fraction que celui-ci est loin d’avoir réussi à marginaliser.
D’ores et déjà des voix, et non des moindres (généraux à la retraite, anciens ministres ou Premiers ministres, l’ancien secrétaire général du FLN…) commencent à interpeller publiquement le président Bouteflika et son clan, pour qu’il change de régime ou qu’il procède à plus d’ouverture politique.
Si la contestation s’accentue et s’élargit en Algérie, elle entraînera une recomposition des rapports des forces au sein du pouvoir, avant tout dans ses lieux névralgiques, à savoir le FLN et les organes de répression, police, gendarmerie et services secrets.
Les simples agents aussi bien que les plus hauts gradés ne manqueront pas de réfléchir à la basse besogne que Bouteflika est en train de leur faire faire contre leur peuple. Ceci d’autant plus qu’ils ont vu en direct sur leurs écrans de télévision, comment ont fini des régimes, réputés bien plus puissants que celui d’un Bouteflika. Sans oublier les bataillons de courtisans et autres opportunistes, dans les appareils de l’État, qui se tiennent prêts à passer au camp adverse, dès que le vent commencera à changer de direction.
Une chose est sûre : le séisme des départs des présidents voyous, tunisien et égyptien, et surtout la manière avec laquelle ils ont été chassés, ne resteront pas sans conséquences sur les autres régimes arabes ou musulmans, tels que l’Iran. Il y favorisera une avancée substantielle de la modernité politique, en dépit du risque réel d’une récupération, au moins partielle, par la droite conservatrice et l’extrême droite musulmane représentées par l’islamisme.
Le devoir d’exemplarité de l’opposition
Les partis d’opposition en Algérie et dans le monde arabe sont loin d’être exempts de certains graves reproches qu’ils adressent aux chefs d’États arabes tels que celui de squatter le pouvoir pendant des décennies, alors que leurs propres chefs sont inamovibles. C’est ainsi qu’en Algérie, Hocine Aït-Ahmed est à la tête de son parti, le Front des forces socialistes, depuis sa création en 1963, soit depuis plus d’un demi-siècle ; Saïd Sadi, leader du RCD, Louisa Hanoune, leader du PT, et Chawki Salhi, leader du PST, sont à la tête de leurs partis, depuis leurs créations, il y a plus de vingt ans. Il en a été de même de Hachemi Chérif, qui a été pendant 13 ans et jusqu’à son décès, en 2005, à la tête de Ettahadi, depuis sa création en décembre 1992, devenu MDS.